En un peu plus d’une semaine, plus de 600 praticiens ont quitté leurs fonctions administratives pour dénoncer l’état de l’hôpital.
Ils sont désormais plus de 600 praticiens en France à avoir renoncé à leurs fonctions administratives et d’encadrement. Jeudi 6 février, 80 médecins chefs hospitaliers de Seine-Saint-Denis ont démissionné, estimant « ne plus vouloir être complices de la gestion de la misère ».
Manque de tout, soignants sous-payés et à bout, patients mal pris en charge, quand ils sont pris en charge : lors d’une conférence de presse à Saint-Denis, cinq chefs de service membres du Collectif Inter-Hôpitaux (CIH) ont brossé un tableau apocalyptique de la situation dans ce département, le plus pauvre de métropole, qui devrait à leur yeux « constituer une zone sanitaire prioritaire ».
Dix mois après le début de la grève des services d’urgences, la crise s’est étendue à tout l’hôpital public, dont les personnels ont manifesté par milliers à la mi-novembre. Pour calmer la tension, le gouvernement leur a promis des primes, une rallonge budgétaire et une reprise massive de dette.
En pleine vague de démissions, la ministre de la santé, Agnès Buzyn, a annoncé mercredi qu’elle recevrait leurs représentants « mi-mars », après le versement de nouvelles primes, pour « voir s’il y a d’autres mesures nécessaires ». Mais pour les médecins de Seine-Saint-Denis, qui réclament désormais d’être reçus par le premier ministre ou le chef de l’Etat, il s’agit de « mesurettes totalement déconnectées des besoins ».
« Plus rien ne tient »
« Les soignants ne sont pas assez nombreux car les métiers ne sont plus attractifs. Comment une infirmière qui a Bac +3, travaille un week-end sur deux et en horaires décalés, passe son temps à absorber une misère sociale peut-elle être payée seulement 1,2 smic ? Même en Pologne et en Slovaquie elles sont mieux payées ! », s’est indigné le Dr Yacine Tandjaoui-Lambiotte, praticien en réanimation à l’hôpital Avicenne à Bobigny. « On tient nos patients à bout de bras mais nos bras vont flancher. Il faut perfuser de l’argent à l’hôpital public. Beaucoup d’argent », a-t-il argué.
« Plus rien ne tient, ça n’a plus aucun sens ce qu’on fait. C’est comme si on avait un torchon qui craquait et qu’on raccommodait dans tous les sens », a de son côté estimé le Dr Noël Pommepuy, pédopsychiatre à l’hôpital psychiatrique Ville-Evrard à Neuilly-sur-Marne, le deuxième plus important de France. Il a expliqué comment le manque de personnel conduisait à avoir recours à la contention et à l’isolement des malades - « une honte pour les équipes » - et à prioriser les patients : « Quand on reçoit trois enfants, on n’a le traitement que pour un seul. »
« Nous sommes physiquement et psychologiquement épuisés, nous avons l’impression de faire mal, trop vite, il y a une perte de sens de notre travail. On va dans le mur », a enchaîné le Dr Joëlle Laugier, de l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis. Une nouvelle journée de grève et de manifestation est prévue le 14 février, à l’appel CIH, du Collectif Inter-Urgences et de tous les syndicats de la fonction publique hospitalière.
Source : lemonde.fr
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