Alors qu’un mouvement social inédit soulève la société depuis des mois, des attaques sans précédent se poursuivent dans le monde de la psychiatrie, qu’elle soit publique ou associative. Elles concernent aussi bien les enfants que les adultes.
1) À Lyon, au Centre hospitalier du Vinatier, l’attaque est double :
- Sur les structures de soins entraînant l’exclusion du soin de certains patients parmi les plus vulnérables qui ne sont pas en capacité de vivre de manière autonome.
- Et sur la pluralité des pratiques, ce qui nuit à la qualité des soins psychiques.
Soutenu par l’ARS et le ministère de la Santé, l’actuel directeur du Vinatier (qui est également président de l’Association nationale des directeurs d’établissements psychiatriques) poursuit son plan d’économie de 10 millions d’euros. Montant identique à celui que la ministre Agnès Buzyn avait débloqué pour un « fond d’innovation organisationnel en psychiatrie »[1] ayant d’abord pour objectif d’innover dans le détournement des fonds consacrés aux soins réels vers des gadgets new age de l’ère numérique et du management néolibéral.
Au niveau de la pluralité des pratiques, toute approche faisant une place à l’humain dans sa complexité et ne figurant pas « dans le projet d’établissement » est bannie.
Donc, au Vinatier :
- Fermeture d’un CMP en pédopsychiatrie, mise en péril d’autres CMP. Ce qui va entraîner un éloignement des structures de soins et de ce fait des ruptures de soins, puisque l’on sait que la proximité est une des conditions de la continuité des soins.
- En plus des restrictions de personnel et des postes gelés non remplacés, 73 lits seraient en passe d’être fermés. S’y ajouterait la fermeture de deux foyers et d’une unité pour personnes avec autisme et problématiques complexes…
Inclusion promue pour les uns, exclusion masquée pour les autres[2].
2) Dans la région Nouvelle Aquitaine, ce sont des structures associatives, les Centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) qui sont attaquées.
Les CMPP doivent « se restructurer » pour non plus soigner mais pour orienter et coordonner les flux des usagers vers des structures qui, soit n’existent plus, soit sont privées et soumises aux critères de rentabilité (cabinets libéraux etc.). Mais pas d’inquiétude, des cabinets d’audits et de conseils – grassement payés par les contribuables – vont soutenir les professionnels de ces associations pour « les accompagner dans ce changement » afin de les y adapter. Drôle de POC (Plateforme d’Orientation et de Coordination) qui préfère financer des structures dont le seul but est la production de formulaires nouveaux et de compte rendus débouchant sur le néant. Autrement dit, les soins et l’accompagnement des proches[3] seront pour les plus riches qui pourront les financer.
3) Partout en France, 1200 médecins ayant des postes de responsabilité à l’hôpital public ont annoncé leur démission de leurs fonctions[4], les services d’urgence sont en grève depuis bientôt un an[5], des actions se sont multipliées lors des vœux des directions hospitalières…
Des pressions et des représailles sont tentées par les tenants de « l’ordre ». Lors de l’assemblée générale nationale du Printemps de la psychiatrie en novembre dernier, les collectifs venus de toute la France ont pu témoigner de cette répression qui s’abat sur eux, individuellement, sous divers prétextes. Mieux vaut sanctionner les professionnels que de remettre en question la destruction honteuse et indigne du système public de soins. Récemment, un soignant du Collectif inter-urgences a reçu un blâme de sa direction pour ne pas avoir respecté « le devoir de réserve ». Jusqu’à quand allons-nous accepter que ce devoir de réserve soit le complice des toutes les maltraitances managériales que vivent en premier lieu les citoyens malades et les professionnels de santé ?
Une mobilisation inédite du monde de la santé et du social a eu lieu le 14 novembre 2019 ; très prochainement, une nouvelle mobilisation se déroulera le vendredi 14 février 2020 à laquelle nous participerons. Depuis décembre, une conscience collective a émergé : la lutte pour des retraites dignes est intimement liée aux questions de santé et de système de soin. La campagne de communication gouvernementale et l’utilisation perverse des mots n’y font rien. Peu de personnes restent dupes de « l’universel », « la justice sociale » et autres éléments de langage de ces politiques néolibérales.
Le Printemps de la psychiatrie encourage et soutient la poursuite de toutes les actions visant à se révolter contre la transformation réactionnaire du système de sécurité sociale (santé, retraite, chômage) et à intensifier l’invention de nouvelles formes de liens entre les citoyens (qu’ils soient usagers, professionnels, familles, accompagnants) et de luttes solidaires au sein de la société.
printempsdelapsychiatrie@gmail.com
NOTES
[2] Tract intersyndical, CH du Vinatier.
[3] Cf texte du Dr Anne Delègue et la lettre ouverte de trois psychiatres d’enfants.
[4] Collectif Inter-Hôpitaux.
[5] Collectif Inter-Urgences.
Source : printempsdelapsychiatrie.org
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