"La Vie Hospitalière"

vendredi 21 février 2020

Faut-il revoir les règles autour de l'irresponsabilité pénale des personnes atteintes de troubles psychiques ?

Régulièrement, un fait divers marquant particulièrement l’opinion relance la controverse autour de l’irresponsabilité pénale des personnes atteintes de troubles psychiques. 

C’est ainsi que ce fut au lendemain de la décision des magistrats de décréter l’irresponsabilité pénale du meurtrier de deux infirmières d’un établissement psychiatrique à Pau, que Nicolas Sarkozy avait initié sa réflexion qui a abouti à revoir le cadre juridique en la matière. De la même manière, la décision de la cour d’appel de Paris de déclarer irresponsable pénalement le meurtrier de Sarah Halimi (tout en reconnaissance son caractère antisémite, ce qui peut être perçu paradoxalement si l’on retient l’abolissement du discernement) a suscité de nombreux commentaires politiques (y compris du Chef de l’État) qui interrogent la mise en œuvre de ce principe largement appliqué dans toutes les démocraties et qui remonte au droit romain. 
Ce dernier reconnaissait en effet que ne devait être puni que celui qui s’était engagé volontairement sur le chemin du crime (iter criminis). Bien des siècles plus tard, en France, le code pénal de Napoléon exemptait déjà de procès « les prévenus atteints de démence ». Depuis, le Code pénal précise que « n’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».

Une procédure modifiée
Cependant, jusqu’en 2008, si l’irresponsabilité pénale de l’auteur était reconnue, le juge d’instruction considérait que l’état du prévenu rendait inutile d’engager un procès pénal (ce qui ne signifiait nullement que le délit ou le crime n’ait pas eu lieu). 
La réforme de 2008 a modifié la procédure : désormais une véritable audience publique est conduite devant la chambre d’instruction de la cour d’appel, à laquelle peuvent assister les parties civiles. Par ailleurs, à l’issue de l’audience, les faits sont qualifiés pénalement, la culpabilité énoncée et des mesures de sûreté peuvent être prononcées.
« Intoxication volontaire 
Si elle avait suscité des réticences certaines au moment de son adoption, cette loi est aujourd’hui considérée par un grand nombre d’observateurs comme la promesse d’un équilibre entre la protection des personnes atteintes de troubles psychiques et le droit des victimes à une plus grande reconnaissance. Le Garde des Sceaux, Nicole Belloubet a estimé qu’elle a permis un « progrès considérable ». Cependant, elle ne permettrait pas de répondre à toutes les questions potentiellement soulevées et notamment celle de l’abolition du discernement provoquée volontairement par l’absorption d’une substance psychoactive (alcool / drogue) ou l’abandon de son traitement. 
Cette question soulevée par le cas du meurtrier de Sarah Halimi agite aujourd’hui les élus et plusieurs propositions de loi ont été déposées ces dernières semaines pour tenter d’apporter une réponse à ces cas particuliers et/ou pour imposer que même en cas d’irresponsabilité pénale un véritable procès puisse avoir lieu.

On juge bien trop souvent les fous dans notre pays
Pour répondre à ces attentes, Nicole Belloubet a annoncé la constitution d’une commission composée de magistrats, d’anciens présidents de la commission des lois de l’Assemblée nationale (Philippe Houillon et Dominique Raimbourg) et de psychiatres. Il s’agira notamment pour eux d’établir « l’état de la jurisprudence » en France et à l’étranger « en matière de troubles résultants d’une intoxication volontaire ». 

Cependant, Nicole Belloubet a indiqué qu’il n’était pas question de remettre en cause le principe « essentiel de notre État de droit selon lequel on ne juge pas les fous ». Elle a par ailleurs été sensible aux observations de la sénatrice Nathalie Delattre (Rassemblement démocratique et social européen) qui a rappelé qu’un problème bien plus prégnant concernait l’augmentation constante du nombre de personnes souffrant de « troubles psychiatriques (…) envoyées en prison au lieu de l’hôpital psychiatrique où serait leur place ». De fait, ces dernières années, la proportion des décisions reconnaissant l’irresponsabilité pénale d’un accusé n’a cessé de décroître, passant de 17 % dans les années 1980 à 6 % avant l’adoption de la réforme de 2008.

Article d'Aurélie Haroche

Source : jim.fr
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