"La Vie Hospitalière"

vendredi 14 février 2020

Toulouse : Plus de 200 soignants défilent contre le manque de moyens

Les soignants ont défilé dans la rue à Toulouse, vendredi 14 février 2020, pour manifester leur colère et leur épuisement face au « manque de moyens » du système hospitalier.

Plus de 200 médecins et infirmiers venus des hôpitaux de Rangueil et Purpan à Toulouse, de Lavaur (Tarn), ou encore de l’hôpital psychiatrique Gérard-Marchant, ont manifesté, vendredi 14 février 2020, dans les rues de la Ville rose.

Ils dénoncent « la course à la production »
Certains ont fait le déplacement de Carcassonne (Aude) ou encore de Lannemezan (Haute-Pyrénées) pour dénoncer « la course à la production dans le système de soins » au détriment des patients. Sur le rythme enjoué d’une fanfare, ils ont déambulé jusqu’à la place du Capitole depuis l’Hôtel-Dieu, scandant : « On est là, on est là pour l’honneur des infirmières, pour nos collègues en galère, même si Macron ne veut pas, nous on est là ».

Les soignants ont le « cœur brisé » 
Dans la mobilisation, Jean-Luc a « le cœur brisé par Agnès Buzyn » et l’affiche fièrement sur son dos. Il travaille à Toulouse au service radiologie. « Au pôle imagerie, il n’y a que six manipulateurs radio. On n’arrive pas à recruter car les conditions de travail et les salaires ne sont pas à la hauteur de ce que l’on fait. On est en sous-effectif, ce qui double les charges de travail ». L’accueil des patients en est « fortement impacté » selon lui :
Aujourd’hui, pour une IRM à Rangueil, il n’y a pas de place avant fin juin, c’est catastrophique. Les services sont saturés de partout.
À l’Hôpital des Enfants, plusieurs médecins ont démissionné de leur fonction administrative de chef de pôle, de manière symbolique. Jean-Luc, lui, a perdu espoir en son hôpital. Depuis trente ans qu’il exerce au CHU de Toulouse, il n’a « jamais vu ça » :
C’est quand même un message assez fort, ces démissions administratives. Quant aux infirmières, à force des les rappeler aussi sur leurs week-ends, elles partent car elles n’en peuvent plus. On perd en qualité, ça crée une insécurité. En dehors des services de réanimation, pour 30 patients, il y a en général une infirmière et une aide-soignante, ce n’est pas possible de continuer comme ça. On touche le fond.

« enveloppe jugée « insuffisante »
À côté de lui, ses collègues estiment que l’enveloppe de 1,5 milliard d’euros supplémentaires annoncée par la Ministre de la Santé, Agnès Buzyn, pour les hôpitaux est « insuffisante. Cela fait 3 millions par établissement en France, c’est bien trop peu pour un fonctionnement viable » selon eux :
Les hôpitaux sont obligés d’emprunter à des banques privées pour pouvoir fonctionner avec des taux d’intérêts énormes à 10%. On ne peut plus continuer comme ça.
Grégory, infirmier en bloc opératoire et membre du bureau national du Collectif Interblocs, dénonce « une marchandisation du soin » liée à la politique de la TAA (Tarification à l’acte) adoptée en 2009 par Marisol Touraine qui pousse les hôpitaux à faire toujours plus d’actes de soin pour faire fonctionner l’économie de leurs établissements :
On nous demande d’enchaîner les patients avec moins de moyens humains et matériel, ça se reflète au niveau des urgences et dans les blocs opératoires.

Une danse des soignants au Capitole
Les soignants ont rejoint la place du Capitole où ils se sont ensuite livrés à une danse des hospitaliers. Pauline Salingue, éducatrice de jeunes enfants à l’Hôpital des Enfants, a expliqué dans un discours que depuis des mois, les personnels des urgences, de traumatologie, observent une grève récemment rejointe par les brancardiers :
La direction refuse d’entendre que les effectifs n’ont pas augmenté depuis 2008. Le travail ça nous blesse, ça nous tue. On a un métier qui est pénible contrairement à ce que dit le gouvernement. On a choisi de faire ce métier et on aimerait l’exercer dans de bonnes conditions.

La psychiatrie est aussi touchée
Patrick Estrade est quant à lui infirmier au sein de l’hôpital psychiatrique de Lavaur. Il raconte les difficultés de son service :
Dernièrement, une collègue a dû enchaîner une après-midi et une nuit, car il n’y avait pas assez de personnel. Cela devient compliqué pour la sécurité des patients et même pour sa propre sécurité à elle.
En pédopsychiatrie, même constat pour Isabelle, orthophoniste à la retraite : « Cela devient grave pour les familles et les enfants. Des postes de cadres là, il y en a, mais des postes de terrain de moins en moins », regrette amèrement cette Toulousaine de 64 ans.
Article d'Aurore Cros


Source : actu.fr
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