"La Vie Hospitalière"

dimanche 1 mars 2020

Coronavirus : l'hôpital public face à un risque d'hémorragie de personnel

Des centaines de personnels soignants ont dû être éloignés par précaution de leurs hôpitaux, obligeant des établissements déjà sous tension à réduire encore la voilure.


En première ligne face au coronavirus, des centaines de personnels soignants ont dû être éloignés par précaution de leurs hôpitaux en France, obligeant des établissements déjà sous tension à réduire encore la voilure, dans un contexte de manque chronique d'effectifs et de moyens.
L'hôpital Tenon à Paris, où un cas grave de Covid-19 est pris en charge, a placé 56 de ses soignants en "quatorzaine" à leur domicile, où ils devront rester pendant deux semaines pour éviter toute propagation du virus. Ils avaient été en contact avec le patient infecté de 82 ans, qui n'avait pas immédiatement été mis à l'isolement lors de son admission il y a une semaine, car ne venant pas d'une zone à risque. Parmi ces soignants, trois ont été testés positifs à la maladie, sans aucun signe de gravité, et hospitalisés à la Pitié-Salpêtrière à Paris, établissement de référence.

Ainsi amputé, Tenon a dû délester son service d'urgences: il ne reçoit plus les pompiers ni les Smur, et n'accueille que les patients arrivant d'eux-mêmes. Cinq lits sur vingt ont par ailleurs été fermés en réanimation, où se trouve actuellement le patient.

"Appel à la solidarité"
"On a classé tous les professionnels de santé (médecins, infirmiers, aides-soignants...) en fonction de leur niveau d'exposition. La liste est réactualisée régulièrement, c'est évolutif", a précisé le Pr Gilles Pialoux, chef de service maladies infectieuses. Personne n'a en revanche été testé positif depuis qu'il est apparu que le patient avait contracté la maladie, a-t-il assuré.
Cette situation est similaire à celle de l'Oise, où environ 200 agents hospitaliers des hôpitaux de Compiègne et de Creil sont à l'isolement chez eux depuis mercredi, ce qui a poussé le maire, Philippe Marini (LR), à s'alarmer du "déficit de ressources médicales pour continuer à accueillir les malades du Compiégnois aux urgences et en réanimation", et en appeler à la "solidarité nationale".
Car ces mesures d'éviction interviennent dans un contexte de crise sociale sans précédant dans l'hôpital public, où le manque de lits et d'effectifs est dénoncé de longue date. "Il y a un fond de tension hospitalière, il y a une tension dans les services d'urgences liée à la période (épidémie de grippe saisonnière, Ndlr)... tout ça arrive en plus", a fait valoir le Pr Pialoux.
Pour tenir le choc, Tenon a "fait appel à la solidarité" de la communauté des soignants, après une réunion avec le directeur général de l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), Martin Hirsch, a précisé le Pr Pialoux. L'hôpital a ainsi reçu une aide "très substantielle" des établissements publics parisiens de la Pitié et de St-Antoine, où ont été réorientés les patients "ne nécessitant pas une surveillance particulière".

"On s'adapte, au jour le jour"
"On s'adapte, au jour le jour", a expliqué le Pr Muriel Fartoukh, chef du service de réanimation à l'hôpital Tenon. "Nous devons être très vigilants sur la balance bénéfice-risque vis-à-vis du personnel soignant d'un côté, et de notre mission de soins de l'autre", a-t-elle souligné. D'autant qu'il "y a des personnels très spécialisés, que vous ne changez pas comme ça".
Mais si la situation évolue "en mode épidémique (quand le virus circulera plus largement NDLR), on sera obligés de fonctionner différemment", anticipe le Dr Hélène Goulet, cheffe du service des urgences. Autrement dit : tous les soignants exposés au virus sans montrer de symptômes ne pourront pas être isolés, et tous devront venir travailler avec un masque. Et les patients infectés mais de manière bénigne ne seront plus gardés à l'hôpital comme c'est le cas aujourd'hui.
Selon le Pr Pialoux, les établissements parisiens devront à terme "sortir" de l'organisation "bipolaire" actuelle, où seuls les hôpitaux de la Pitié-Salpêtrière et de Bichat prennent en charge les malades testés positifs. Cette semaine, le syndicat Sud-Santé des Hôpitaux de Paris (AP-HP) a fait part de ses craintes concernant les moyens actuels qui "ne permettront pas une prise en charge optimale de la population dans le cadre d'une épidémie de coronavirus".

Source : lexpress.fr
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