Particulièrement exposés au coronavirus, les personnels soignants redoutent d’être infectés et de devenir ainsi contaminants pour leurs proches et les patients. Une situation d’autant plus inquiétante que l’accès aux tests est restreint.
C’est la grande crainte des personnels soignants. D’ailleurs, dans l’hôpital parisien où elle travaille, Caroline ne cache pas qu’elle y pense souvent. « J’ai peur de contracter le Covid-19. Pas tant pour moi, mais parce que je pourrais être porteuse pour mes proches, mes collègues et surtout pour mes patients », confie cette jeune infirmière.
Le service où elle travaille n’accueille pas spécifiquement des patients atteints du coronavirus, mais quatre soignants, sur les 60 que compte l’équipe, sont, pour l’heure, placés en quatorzaine.
« L’un d’entre eux a été testé positif. Les autres attendent de pouvoir être testés, poursuit-elle. Les médecins essaient de nous rassurer en disant que nous prenons toutes les précautions, mais il faut admettre que l’on est dans une situation compliquée, poursuit-elle. En plus, nous courrons vraiment le risque d’être encore plus en sous-effectif que d’habitude. »
À l’AP-HP, + 30 % de soignants contaminés en quatre jours
La crainte de Caroline est celle de bon nombre de personnels soignants. Car si la mort de plusieurs médecins, décédés ces dernières heures après avoir contracté le virus, a très fortement frappé les esprits, elle pose la question plus large de la contamination des soignants.
Si le ministre de la santé, Olivier Véran, a annoncé en début de semaine que toute infection de soignants par le coronavirus sera reconnue comme maladie professionnelle, il n’existe officiellement aucune statistique recensant le nombre de cas.
Certains hôpitaux ont toutefois décidé de publier leurs données au compte-gouttes : 238 soignants ont ainsi été testés positifs à Strasbourg, 35 à Metz, environ 10 à Nice. À l’AP-HP, un mail révélé mardi 24 mars par Franceinfo faisait état d’une contamination de 490 personnes, dont trois placés en réanimation. Un chiffre en croissance exponentielle : ils étaient 345, soit un tiers de moins, le 20 mars.
Devant l’absence de données consolidées, l’Ordre des médecins a décidé de lancer un recensement des médecins testés positifs, qu’ils soient chez eux, hospitalisés ou dans un état plus grave. « On peut penser que plusieurs dizaines de médecins sont aujourd’hui concernées », explique le président du Conseil de l’Ordre, le docteur Patrick Bouet, qui devrait avoir les résultats de cette enquête dans les jours qui viennent.
Des médecins plus inquiets pour leur entourage que pour eux-mêmes
« À vrai dire, les médecins sont plus inquiets pour leur entourage que pour eux-mêmes, résume-t-il. Je ne compte plus les confrères qui m’appellent pour me dire qu’ils prennent une chambre à l’hôtel pour ne pas contaminer leur famille. »
Tout comme l’absence de masque, le manque de tests continue aussi de susciter l’interrogation et la colère dans les milieux soignants. « C’est une vraie difficulté », insiste le porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI), Thierry Amouroux. Qui annonce qu’il compte engager une « procédure pénale contre le gouvernement », une fois la crise passée, pour sa « gestion calamiteuse des masques et des tests ». « On ne sait pas si l’on est contaminant ou non, poursuit-il. Les soignants exposés à des patients fragiles devraient être testés régulièrement de façon à savoir s’ils sont positifs ou non. »
Si certains hôpitaux, comme celui de Metz, testent encore systématiquement leur personnel en cas de suspicion, c’est loin d’être le cas ailleurs. « Nous n’avons plus assez de tests pour cela, explique le docteur Serge Alfandari, infectiologue au centre hospitalier de Tourcoing. Nous testons donc uniquement les cas les plus graves, qu’il s’agisse de patients ou de soignants. »
Ce médecin explique qu’il n’est de toute façon pas question de faire rentrer chez eux tous les soignants potentiellement infectés. « Il est clair que 80 % des cas ne présentent que peu ou pas de symptômes. Ceux-là vont continuer à travailler, en se protégeant. Nous ne sommes déjà pas certains de pouvoir faire face à la vague qui arrive, alors si tous ceux qui sont suspectés d’avoir le Covid rentrent chez eux, ce sera impossible. Rien qu’aujourd’hui, j’ai déjà vu deux soignants avec des syndromes d’infection
respiratoire mais qui travaillent. »
La solution, insiste ce médecin : faire porter des masques à tous les soignants, qu’ils soient en contact ou non avec des patients atteints du coronavirus. « Mais ce n’est pas très simple, ajoute-t-il : nous manquons de matériel. »
Article de Loup Besmond de Senneville
Source : la-croix.com
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