"La Vie Hospitalière"

samedi 14 mars 2020

Pandémie : la France et l’Union européenne en viendront-elles à fermer leurs frontières ? 14 mars 2020

C’est fait : l’Europe est désormais l’« épicentre » de la pandémie vient de faire savoir, depuis Genève, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Il explique que, en excluant la Chine (où l’épidémie régresse), le Vieux continent avait fait état de plus de cas et de morts que partout ailleurs dans le monde.


Tedros Adhanom Ghebreyesus n’a pas commenté ce qui constitue la démonstration absolue du peu de poids de son organisation quant aux mesures prises aux échelons nationaux. Alors que l’OMS recommande, depuis le début de l’épidémie, de ne pas interrompre les échanges internationaux on observe désormais un phénomène massif de fermeture des frontières aériennes et terrestre. Y compris dans l’Union européenne.

Dernières  données disponibles (1) : le Danemark vient d’annoncer la fermeture de ses frontières aux étrangers à partir de samedi midi. La Pologne a pris une mesure similaire, ainsi que Chypre, la Slovaquie et la République Tchèque, qui va fermer à partir du 16 mars ses frontières tant aux étrangers voulant entrer dans le pays qu’aux Tchèques voulant le quitter. Et ce alors que la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen vient de rappeler que « les interdictions de voyage générales ne sont pas considérées comme très efficaces par l’Organisation mondiale de la santé ». Où l’on voit, après celui de l’OMS, le peu de poids des institutions européennes.

Hors UE, outre la décision radicale de Donald Trump, l’Ukraine a annoncé suspendre tous ses vols réguliers, et la Russie réduira à partir du 16 mars le nombre de ses liaisons aériennes avec l’UE.Singapour va interdire l’entrée et le transit aux voyageurs qui sont passés au cours des quatorze derniers jours par l’Italie, la France, l’Espagne et l’Allemagne. L’Australie et le Canada ont appelé leurs ressortissants à reconsidérer leurs projets de voyage à l’étranger.

Ajoutons que les vols vers et depuis l’Europe ont été suspendus dans de nombreux pays d’Amérique latine. La Colombie va fermer sa frontière avec le Venezuela et restreindre les entrées d’étrangers ayant voyagé en Europe ou en Asie au cours des quatorze derniers jours. En Nouvelle-Zélande, la Première ministre annonce que tous les nouveaux arrivants à la frontière, même les citoyens néo-zélandais, devront se mettre en quarantaine durant 14 jours. Quant à l’Arabie saoudite (86 cas officiels de contamination) elle suspend les vols internationaux pour deux semaines.

Illusion de prévention


Où l’on voit que les décisions politiques ne se fondent en rien sur la somme des arguments épidémiologiques démontrant que ces fermetures, du moins à ce stade du développement de l’épidémie, ne sont qu’une illusion de prévention. La métaphore qui veut que le virus « n’a pas de passeport » (à dire vrai il les a tous…) ne pèse nullement face à ce que l’exécutif perçoit comme une angoisse collective montante.

C’est dans ce contexte qu’il faut resituer les propos d’Emmanuel Macron dans son « Adresse aux Français » :

« Ce virus n’a pas de passeport. Il nous faut unir nos forces, coordonner nos réponses, coopérer. La France est à pied d’œuvre. La coordination européenne est essentielle, et j’y veillerai. Nous aurons sans doute des mesures à prendre, mais il faut les prendre pour réduire les échanges entre les zones qui sont touchées et celles qui ne le sont pas. Ce ne sont pas forcément les frontières nationales. Il ne faut céder là à aucune facilité, aucune panique.

«  Nous aurons sans doute des mesures de contrôle, des fermetures de frontières à prendre, mais il faudra les prendre quand elles seront pertinentes et il faudra les prendre en Européens, à l’échelle européenne, car c’est à cette échelle-là que nous avons construit nos libertés et nos protections. »
Qui décidera, ici, de la « pertinence » ? À quelle échelle ? Sur quelles bases rationnelles ?  Et comment l’ « épicentre » de la pandémie pourrait-elle, ici, se justifier ?

Article de Jean-Yves Nau (journaliste et docteur en médecine)

(1) Lire, de notre confrère Jean-Pierre Stroobants « Face au Covid-19, l’espace Schengen de libre circulation menacé d’implosion » (Le Monde du 14 mars 2020)





Source : jeanyvesnau.com
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