"La Vie Hospitalière"

vendredi 13 mars 2020

Après l’hommage du chef de l’Etat, la superbe réponse des «héros en blouses blanches» 13 mars 2020

Ainsi donc le président de la République eut ces mots solennels, adressés hier à la France entière :

« Durant plusieurs semaines, nous avons préparé, agi. Les personnels des hôpitaux, médecins, infirmiers, ambulanciers, les agents des Samu et de nos hôpitaux, les médecins de ville, l’ensemble des personnels du service public de la santé en France sont engagés avec dévouement et efficacité. Si nous avons pu retarder la propagation du virus et limiter les cas sévères, c’est grâce à eux parce que tous ont répondu présents.

« Tous ont accepté de prendre du temps sur leur vie personnelle, familiale, pour notre santé. C’est pourquoi, en votre nom, je tiens avant toute chose à exprimer ce soir la reconnaissance de la Nation à ces héros en blouse blanche, ces milliers de femmes et d’hommes admirables qui n’ont d’autre boussole que le soin, d’autre préoccupation que l’humain, notre bien-être, notre vie, tout simplement. »

Le retour n’a guère tardé. Dès le lendemain les « blouses blanches » ont remercié le chef de l’État pour son « soutien » et « ses paroles ». Mais elles exigent désormais « des moyens en urgence ». « Ces héros de l’hôpital sont épuisés et à bout », écrivent dans un communiqué commun les collectifs inter-hôpitaux (CIH) et inter-urgences (CIU). Cette crise intervient alors que l’hôpital public connaît depuis un an une mobilisation sans précédent. Des soignants, « quittent l’hôpital par centaines et des lits continuent d’être fermés alors que la crise explose », alertent les deux structures.

Pour lutter contre l’épidémie, CIH et CIU demandent à Emmanuel Macron de « débloquer en urgence les moyens financiers » nécessaires pour accueillir l’ensemble des patients qui en ont besoin et « éviter que la prise en charge des malades du coronavirus ne se fasse au détriment de tous les autres ». Ils appellent aussi vigoureusement le chef de l’exécutif à permettre le recrutement et la rémunération des personnels « à la hauteur de leurs missions, pas seulement aujourd’hui en temps de crise mais de façon pérenne ».

Prenant exemple sur l’Espagne et l’Italie, les deux collectifs estiment à plusieurs milliards d’euros la somme nécessaire pour faire face au virus. « Le gouvernement mobilisera tous les moyens financiers nécessaires pour porter assistance, pour prendre en charge les malades, pour sauver des vies quoi qu’il en coûte », a déclaré hier Emmanuel Macron. « Les Français peuvent compter sur nous mais c’est maintenant qu’il faut agir », lui répondent aujourd’hui les héros en blouse blanche.

Héros brossés dans le sens du poil

Le Quotidien du Médecin observe qu’à l’appel du CIH, des soignants de toute la France s’affichent depuis sur les réseaux sociaux arborant des pancartes sur lesquelles on peut lire « Oui, monsieur le président vous pouvez compter sur nous, mais l’inverse reste à prouver ! » Une référence appuyée à la réplique d’un neurologue lors d’une récente et déjà célèbre visite d’Emmanuel Macron à La Pitié-Salpêtrière 
@EmmanuelMacron #EnsembleSauvonslHopital#ComptezSurNous

Pour sa part le président du CIU Hugo Huon a déclaré à la presse  « Nous n’avons pas besoin d’être brossés dans le sens du poil, nous ferons comme toujours notre travail », regrettant un discours présidentiel « désincarné » et n’apportant « aucune donnée chiffrée » sur les enveloppes qui seront allouées à l’hôpital public.

Des chiffres ? Il faut écouter, sur France Culture, le Pr André Grimaldi, grand « historique » de la défense de l’hôpital public. Extraits:

« Les soignants en ont un peu assez qu’on leur dise qu’ils sont des gens admirables et qu’en conséquence, ils peuvent débuter à 1 600 euros brut par mois. Si on veut mobiliser les soignants, si on dit que les valeurs suprêmes ce n’est pas le premier de cordée, ce ne sont pas les milliardaires, ce sont les gens qui se dévouent à la cause commune, alors, il faut faire un rectificatif budgétaire pour l’hôpital. On prendra les mesures nécessaires pour que les soignants soient correctement payés, que les infirmières soient embauchées et évidemment les hôpitaux seront payés pour le bien qu’ils rendent à la nation et non dans un calcul comptable, comme s’ils étaient une entreprise commerciale. Ce qui est actuellement toujours le cas. 

« Il s’agit donc de mettre des milliards sur la table. Oui, des milliards sont nécessaires pour que l’hôpital puisse tenir (…)  5% des patients infectés vont en réanimation. Alors si nous avons un million de personnes infectées, cela fait 50 000 personnes en réanimation : notre système de santé sera débordé. Et si cela ce produit, le Président n’en a pas parlé mais il faudra faire comme l’Italie. On sera amené à faire des choix et à les assumer. Pas des choix médicaux mais des choix de l’ordre : il a 45 ans ou 50 ans, je le prends. S’il a 60 ans ou 70 ans, je ne le prends pas. Ce n’est jamais arrivé encore. Donc, la priorité absolue est d’ouvrir des lits de réanimation. 

« Mais il faudra des infirmières, des infirmières formées présentes 24h/24 heures. Donc, on va payer aussi dix ans d’une politique, et qui a continué encore ces trois dernières années malgré nos alertes ! Cette épidémie montre l’absurdité du système hospitalier actuel. Il n’est pas adapté aux urgences, à la réanimation, aux maladies chroniques. On le dit depuis dix ans. On l’a dit à madame Buzyn qui en avait convenu, mais qui n’en a rien fait. Du point de vue de l’hôpital, les mots ne suffiront pas. »

Agnès Buzyn n’est plus là. Reste les mots du chef de l’Etat.

Article de Jean-Yves Nau (journaliste et docteur en médecine)


Source : jeanyvesnau.com
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