David Vachon, Docteur en philosophie à l’Université de Montréal a publié cet article dans le quotidien Le Devoir du 24 juillet
Depuis son imposition par le gouvernement dans tous les lieux publics fermés le 18 juillet 2020, le masque est devenu un intense sujet de débat. Dans une lettre du 21 juillet publiée dans Le Devoir, Pierre Sévigny nous présente un cas d’école de la rhétorique pro-masque. En effet, la question est réglée d’un seul carreau tiré : on insulte les « dissidents » en les présentant en proie au delirium et on établit une analogie douteuse avec le tabagisme. Nous démontrerons dans cet article les biais méthodologiques de cette position, notamment la psychiatrisation systématique des esprits critiques, la reductio ad mortem et la vacuité abyssale de tout argument rationnel.
Au premier cours de philosophie au niveau collégial, Philosophie et rationalité, nos élèves apprennent les différentes stratégies rhétoriques utilisées par les sophistes. Tout en haut de la liste des sophismes, nous présentons généralement « l’attaque ad hominem », c’est-à-dire la stratégie par laquelle, pour faire l’économie des arguments, le protagoniste insulte et diffame le tenant d’une opinion.
De nos jours, les sophistes sont légion et ils monopolisent généralement le débat public. Cela est particulièrement visible avec la « crise sanitaire » actuelle. En effet, le sophiste se glose d’une rhétorique injurieuse contre ceux qui osent avancer une opinion divergente, en les stigmatisant comme des conspirationnistes, des sans-cœur qui se fichent des personnes fragiles, des oligophrènes ignorant les vertus de la science, ou, simplement, des fous. Toutefois, l’attaque contre une personne est toujours le signe d’un manque d’honnêteté intellectuelle et d’une absence d’arguments valables.
Le refus de la mort
L’argument de M. Sévigny se déploie ainsi : la COVID-19 est une maladie mortelle, or il faut tout faire pour éviter la mort des gens. Ainsi, puisque le masque diminue les chances de propager le virus, il faut donc rendre obligatoire le port du masque pour l’ensemble de la population. D’un point de vue logique, l’argument se tient. Toutefois, nous considérons que les trois prémisses sont problématiques et ne vont aucunement de soi. D’abord, le taux de létalité du virus semble avoir été surestimé. De plus, les études divergent quant à la réelle efficacité du masque pour protéger les individus.
Or, ce qui nous intéresse ici est la seconde prémisse : tout faire pour éviter la mort des gens. Comme l’affirme d’ailleurs le philosophe français André Comte-Sponville (L’Écho, 27 mai 2020), notre rapport à la mort a radicalement changé depuis une ou deux générations. Nous nous souvenons de l’année 1969 non pas pour le confinement et les masques, mais plutôt pour le gigantesque festival Woodstock et pour l’amour libre des hippies — antithèse radicale de la distanciation. Pourtant, le nombre de morts au niveau mondial a dépassé le million lors de la grippe de Hong Kong. Idem pour la grippe asiatique la décennie précédente.
M. Sévigny compare le port du masque obligatoire à l’interdiction de fumer dans les espaces publics. Puisque les deux mesures coercitives gouvernementales ont pour vertu de « sauver des vies », le recours à l’argument de la liberté individuelle serait vide de sens. Pourtant, nous pourrions bien dire, étant donné par exemple que l’influenza tue plus d’un demi-million de personnes par année dans le monde, que le masque devrait être obligatoire chaque année pendant l’hiver, ainsi qu’un confinement général et une fermeture des commerces entre les mois de décembre et de février. Et pourquoi ne pas fermer tous les fast-food de la planète et obliger la population à faire 30 minutes de jogging par jour ? Cela permettrait de limiter plusieurs maladies dues à une mauvaise alimentation et à un mode de vie sédentaire, sauvant ainsi de nombreuses vies.
La réponse à ces questions est évidente : la liberté individuelle. Notre modèle politique est fondé sur le respect de la liberté individuelle, considérée comme un droit inaliénable. La rhétorique émotivo-sentimentale de la « peur de la mort » n’est que charlatanisme et arnaque intellectuelle. […]
Une question sanitaire ?
Nous entendons régulièrement les gens dire : Pourquoi imposer le port du masque au mois de juillet et non pas plutôt en mars ? Pourquoi n’importe quel masque, peu importe son efficacité, est-il toléré ? Ces questions, fort légitimes a priori, sont généralement laissées sans réponse. Pourquoi ? Parce que le port du masque obligatoire n’est pas une question sanitaire, mais plutôt symbolique. En effet, la raison pour laquelle c’est uniquement le port du couvre-visage qui importe, et non son efficacité, est que le masque sert principalement de symbole de réminiscence constante que nous sommes en période de pandémie. Ainsi, le masque permet d’entretenir un état anxiogène de peur, justifiant des mesures liberticides que plusieurs jugent disproportionnées.
Si le nombre de décès et de cas ayant justifié la normalisation du couvre-visage sont actuellement si bas, qu’est-ce qui nous permettra de l’enlever ? Si on applique un tel décret en plein été, quand retournerons-nous à la normale ? Devrons-nous porter ad vitam aeternam ce satané chiffon au visage ? Est-ce vraiment ce visage glauque et sinistre que nous désirons proposer aux prochaines générations ? Bref, devons-nous réellement museler la vie pour mieux sauver la mort ? Le questionnement et la pensée critique sont toujours un signe de santé, non de folie.
Source : covidinfos.net
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