Oui, au rang des informations anxiogènes, celle-ci tient une belle place et elle est portée par un grand nombre d'observations cliniques de patients qui arrivent à l'hôpital en état de grande confusion, certains étant incapables de dire ni où ils se trouvent, ni quelle est l'année actuelle
Les chiffres de ces constats varient, à l'hôpital Raymond Poincaré à Garches, le nombre de patients qui présentent des troubles neurologiques est estimé à 10%. Une étude du Journal of the American Medical Association, publiée le 10 avril : sur 214 cas confirmés, 68 présentaient des troubles neurologiques, soit 36%. Bref, des chiffres très disparates, sur des tableaux cliniques eux aussi très variables qui vont de la simple disparition de l'odorat à des états de confusions plus sévères.
De quelles informations dispose-t-on aujourd'hui pour établir un éventuel lien entre le SARS-CoV2 et des atteintes neurologiques ? Eh bien pour le moment, d'encore assez peu de choses.
Ce que l'on sait, c'est que d'autres coronavirus ont ce qu'on appelle des « tropismes neurologiques ». C'était le cas pour le SARS-CoV1, responsable du SRAS dont on a trouvé des traces virales dans le cerveau de quelques rares patients autopsiés. Ce serait également le cas pour le MERS-CoV, ainsi que pour d'autres betacoronavirus, la famille de coronavirus du CoV2, comme le HCoV-229E ou le HCoV-OC43 qui sont deux autres coronavirus qui peuvent infecter l'être humain.
Ce que l'on sait également, c'est que le récepteur du SARS-CoV2, le fameux récepteur ACE2 qui est exprimé au niveau des voies respiratoires et qui sert de porte d'entrée au virus, est exprimé dans d'autres organes, comme le cœur, les reins et également, même si en plus faible quantité, au niveau de l'endothélium vasculaire – c'est à dire à la surface des cellules qui tapissent l'intérieur des vaisseaux du cerveau.
Néanmoins, on sait aussi que le cerveau, organe central et très fragile, est extrêmement bien protégé des pathogènes extérieurs, grâce à la barrière hémato-encéphalique qui ne laisse passer quasiment rien jusqu'aux neurones du système nerveux central.
Les pistes pour l'accès du SARS-CoV2 pourraient être, du coup, ces portes d'entrée ACE2 via le réseau sanguin, ce qui conduirait à une forme d'encéphalite virale. Autre piste : celle des neurones du bulbe olfactif, puisqu'on sait que ce bulbe peut être atteint et affecté par le virus, ce qui crée ces fameuses anosmies – ces pertes d'odorat et de goût que l'on constate chez de nombreuses personnes touchées.
Comme toujours, en virologie, les choses sont loin d'être aussi simples. Et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si on se penche sur les données épidémiologiques de ces symptômes de confusion diagnostiqués à l'entrée de l'hôpital, que constate-t-on ? Dans un premier temps, que les patients concernés sont pour une très large majorité des patients âgés, ou présentant des comorbidités très importantes.
Que ces symptômes sont constatés sur des patients en réanimation pour l'écrasante majorité, avec des symptômes aigus de la maladie. Donc fièvre, et état inflammatoire prononcé – la fameuse « tempête de cytokines » qui déclenche une réaction immunitaire incontrôlée qui est à l'origine des formes aiguës de la Covid-19. Or on sait également, comme nous l'a rappelé le neurobiologiste et neurologue Hervé Chneiweiss que nous avons contacté, que cette tempête de cytokines augmente la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, de manière à permettre à certaines cellules inflammatoires de pouvoir passer.
Si l'on ajoute à cela les conséquences de l'hypoxie – c'est à dire d'une déficience en oxygène qui a, on le sait, des répercussions importantes et immédiates sur le cerveau – et ce même chez des patients en ventilation mécanique assistée qui ne supplée pas à 100% la respiration naturelle. Il n'est pas étonnant que cela se répercute sur les fonctions cognitives.
Comment discerner les conséquences de la réaction inflammatoire de l'encéphalopathie virale sur ces troubles cognitifs ? Eh bien pour cela, il faut encore plus d'études et notamment des prélèvement post-mortem, dans le cerveau des personnes qui ont succombé à la maladie, pour voir si on y trouve, ou non, une charge virale significative.
Selon Bruno Hoen, directeur de la recherche médicale à l'Institut Pasteur, que nous avons joint, pour l'heure, plusieurs tentatives pour détecter le génome du virus par PCR dans le liquide céphalo-rachidien ont été faites sans succès. D'un autre côté, Stanley Perlman qui est spécialiste des maladies infectieuses à l'Université de l'Iowa croit savoir - sans aucune preuve ni publication pour le moment - que des prélèvements chinois post-mortem montreraient la présence de coronavirus dans des tissus cérébraux.
Vous le voyez, il faut attendre d'avoir de plus amples informations pour pouvoir trancher de façon définitive. Mais pour l'heure, le consensus scientifique va plutôt dans le sens d'une conséquence à la surchauffe de la réponse immunitaire plutôt que d'une encéphalopathie virale. Ce qui est sûr, néanmoins, c'est que de ce que l'on a observé, ces troubles cognitifs ne sont pas irréversibles chez les patients qui les ont manifesté et qui ont guéri, et qu'ils restent minoritaires à tel point qu'ils ne font pour le moment pas partie du tableau clinique européen de diagnostic de la Covid-19.
Source : franceculture.fr
Pour plus d'informations
(publié le 21 avril 2020)
(À retrouver dans l'émission "La Méthode scientifique" par Nicolas Martin)
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