L’agence Santé publique France vient de publier une première estimation de la surmortalité liée au Covid-19 en France observée au cours du pic de l’épidémie, entre les mois de mars et de mai : ce chiffre s’établit entre 25.000 et 30.000
La méthodologie employée par les auteurs pour évaluer cette surmortalité est en partie la même que celle qui est utilisée chaque année pour évaluer l’impact de la grippe saisonnière : le modèle EuroMomo (European Mortality Monitoring Project) qui s’appuie sur les données de mortalité de l’INSEE. « Comme il s’agit de la première année où l’on assiste à une épidémie de Covid-19, il a fallu se baser sur les données hospitalières et celles des EHPAD », explique au « Quotidien » Anne Fouillet, épidémiologiste et biostatisticienne à Santé publique France.
+60 % de décès entre le 30 mars et le 5 avril
Le nombre de décès survenus en établissements hospitaliers et en EHPAD est estimé à 29.200 décès sur la période du 2 mars au 31 mai. Un chiffre peut-être surestimé, compte tenu de l’absence de test systématique. Les données de l’INSEE, quant à elles, font état d’un excès de mortalité de 25.030 décès entre le 2 mars et le 31 mai comparé aux années précédentes, soit un excès de décès de 16,6 %. Cette surmortalité s’est progressivement mise en place : de +7 % entre le 9 et le 15 mars, elle a atteint +60 % entre le 30 mars et le 5 avril avant de diminuer progressivement et de disparaître entre le 27 avril et le 3 mai.
L’impact est très hétérogène sur le territoire avec des surmortalités particulièrement importantes en Île-de-France et dans le Grand Est. L’Île-de-France et Mayotte étaient les seules régions pour lesquelles on observait un excès de décès chez les personnes de 15-64 ans tous sexes confondus. Cette surmortalité « est principalement le reflet de la dynamique de l’épidémie sur le territoire », jugent les auteurs du rapport.
Des effets parfois opposés
Le fait que la surmortalité relevée dans les hôpitaux et les EHPAD est plus élevée que celle relevée par l’INSEE peut s’expliquer par une diminution du nombre de décès hors Covid-19 en raison d’une baisse d’activité durant le confinement.
La période épidémique a en effet produit plusieurs effets simultanés difficiles à désintriquer : hausse de la mortalité directement associée à l’épidémie, hausse de la mortalité associée au contexte de l’épidémie (retards de prise en charge d’autres pathologies, comorbidités liées au contexte anxiogène ou aux conséquences économiques), baisse de la mortalité par accident de la route ou du travail, etc.
Il faudra attendre que l’intégralité des certificats de décès de la période soit épluchée pour connaître précisément la part de la surmortalité attribuable au Covid-19. Pour l’heure, le nombre de décès directement imputés à l’épidémie de Covid-19 ne peut être précisément établi. En particulier, il n’est pas possible d’évaluer le nombre de décès survenus à domicile directement associés à l’épidémie.
" Nous avons déjà l’intégralité des certificats de décès électroniques," souligne Anne Fouillet, "mais ils ne représentaient que 20 % des décès répertoriés au début de l’épidémie, et 25 % maintenant. La collecte et le traitement des certificats papier vont nécessiter plusieurs mois, ce qui suppose une analyse plus poussée à la fin de l’année 2020".
La France, 6ème pays européen le plus touché
Les caractéristiques des 25.030 personnes décédées toutes causes confondues correspondent à celles des groupes le plus à risque de développer une forme grave de Covid-19 : 93 % avaient 65 ans ou plus (soit une surmortalité de 18,2 % par rapport à la mortalité attendue dans cette classe d’âges), une plus forte proportion d’hommes (19,1 contre 16,7 % de femmes), et des fortes proportions de cancers, d’insuffisance rénale et de diabète. Inversement, la mortalité chez les enfants de moins de 15 ans a diminué de 14 % sur la période au niveau national, soit 170 décès de moins.
À l’échelle des 24 pays ou régions européens participant au réseau de surveillance de la mortalité toutes causes confondues (EuroMomo), un excès de 173.350 décès a été estimé sur la période du 2 mars au 31 mai 2020.
Plusieurs pays ont déjà publié des données similaires dans la revue « Eurosurveillance » de l’ECDC. La France figure au 6ème rang européen en ce qui concerne le nombre de décès associés au Covid-19 pour 100.000 habitants (44,5/100.000) derrière la Belgique (85,2/100.000), le Royaume-Uni (65,3/100.000), l’Espagne (60,7/100.000), l’Italie (57,4/100.000) et la Suède (51,9/100.000).
Une comparaison frontale des pays sur la base de ces nombres n’est toutefois pas nécessairement le meilleur moyen de juger de l’efficacité de la réponse à l’épidémie. " Les pays n’ont pas tous la même définition des décès liés au Covid-19", explique Anne Fouillet. "Et il ne s’agit pas du seul critère à considérer. Il faut notamment prendre en compte l’âge de la population."
Article de Damien Coulomb
Source : lequotidiendumedecin.fr
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