Hostile à de nouvelles mesures coercitives, Jean-François Delfraissy, professeur d’immunologie à la tête du Conseil scientifique, appelle à la vigilance des Français
Le professeur d’immunologie Jean-François Delfraissy, à la tête du Conseil scientifique chargé d’aider le gouvernement à gérer la crise sanitaire, annonce qu’une "note" va être envoyée aux maires des vingt plus grandes villes françaises pour les inciter à élaborer un plan anti-deuxième vague. Sur une éventuelle reprise de l’épidémie de Covid-19, "la situation paraît contenue, mais elle reste très fragile", analyse-t-il. Une population plus jeune est actuellement touchée. "Tout l’enjeu de cet été est de convaincre celle-ci de prendre des précautions pour son entourage et pour elle-même", souligne le professeur.
À la lumière des chiffres de fin de semaine, craignez-vous toujours le "basculement" que vous avez évoqué mardi ?
La situation paraît contenue, mais elle reste très fragile. Certains indicateurs atteignent des niveaux très élevés, les foyers sont certes bien repérés mais ils sont très nombreux. Heureusement, il n’y a aucun signal d’alarme concernant les hospitalisations. L’épidémie semble différente ; elle touche une population plus jeune.
Tout l’enjeu de cet été est de convaincre celle-ci de prendre des précautions pour son entourage et pour elle-même. Imaginez qu’il faille reconfiner certaines villes, comme en Espagne. Les jeunes seraient les premiers touchés par la crise économique qui s’aggraverait. Pour l’instant, nous n’avons pas trouvé le bon message pour nous adresser à eux. Il faut creuser ce point. Ça peut marcher : les plus âgés, hier réticents, portent aujourd’hui le masque.
N’a-t-on pas tardé à le rendre obligatoire dans les lieux clos ?
Au lieu de polémiquer, je me félicite que cette décision ait été prise, car elle est rationnelle. On sait qu’une bonne partie des contaminations surviennent dans les espaces clos car la distanciation est plus difficile, les postillons peuvent transporter le virus.
Ne faudrait-il pas étendre l’obligation à l’extérieur ?
La réponse au Covid doit s’appuyer sur une logique de territoires, loin d’une vision centralisée et parisienne. Il est logique que les préfets aient désormais la main. Sur le fond, le bon sens doit guider les décisions. Dans la rue bondée d’une station balnéaire, le port du masque s’impose.
Pour l’urgentiste Patrick Pelloux, une obligation à l’extérieur simplifierait la compréhension du message.
Il a raison, le message serait plus simple. En pratique, le port du masque à l’extérieur va s’imposer naturellement.
Mais la coercition ne fonctionne-t-elle pas mieux ?
Nous aimerions que les citoyens s’emparent du sujet de la prévention. L’été 2020 ne ressemble à aucun autre et nos comportements doivent durablement changer. Je préfère l’incitation, assortie d’un travail d’explication, à la coercition, même si celle-ci est parfois nécessaire.
Êtes-vous pour la gratuité du masque ?
Au moment où il a été rendu obligatoire dans les lieux clos, le conseil scientifique a demandé la gratuité du masque pour les populations les plus précaires. Le gouvernement a réagi immédiatement. Les distributions sont en cours.
Le gouvernement n’a pas suivi l’avis du conseil scientifique prônant une quarantaine pour les passagers revenant des zones rouges. Le déplorez-vous ?
Les difficultés en France ne viennent pas de l’étranger mais principalement de chez nous, de nos comportements. La quatorzaine est difficile à mettre en oeuvre, ne serait-ce que légalement, le coût des tests est élevé dans certains pays, et des passagers peuvent arriver avec de faux certificats de test. Cependant, l’isolement est fortement recommandé à l’arrivée en France. Et si les tests réalisés dans les aéroports sont encore trop peu nombreux, ça devrait s’améliorer une fois que des tests salivaires plus rapides seront disponibles.
Dans son dernier avis, paru mardi, le conseil note que la stratégie en matière de test n’est pas claire. Qu’est-ce que ça signifie ?
Il faut que le gouvernement précise bien les choses sur les objectifs des tests PCR : il y a des tests à visée diagnostique pour les personnes présentant des symptômes et leurs cas contact, pour lesquels la porte d’entrée est le médecin. Ces tests doivent pouvoir se faire dans des délais plus courts. Quant à ceux dont l’objectif est le dépistage, ils ont une vocation plus collective et seront généralisés à la rentrée. Il faudra expliquer clairement quel est leur but.
L’exemple de la Mayenne, qui semble réussir à contenir le virus, vous rassure-t-il ?
Il montre la capacité du système à répondre à un foyer épidémique de grande taille, mais je ne suis pas tout à fait rassuré pour la rentrée car l’opération de contrôle a eu lieu dans un département rural. L’enjeu résidera dans les grandes métropoles. Le conseil scientifique estime que les vingt plus grandes agglomérations doivent se doter d’un plan adéquat.
Le Premier ministre devrait envoyer une note invitant les métropoles à se préparer en associant les agences régionales de santé, les préfets et les décideurs locaux. L’histoire du Covid nous apprend que c’est une maladie des grandes villes.
Source : lejdd.fr
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