"La Vie Hospitalière"

dimanche 8 décembre 2019

Thomas Piketty : « Plusieurs retraites universelles sont possibles »


Le débat public doit dépasser la vision binaire imposée par le gouvernement et se saisir des véritables enjeux, plaide l’économiste.
Est-il possible d’avoir un débat serein sur plusieurs réformes alternatives des retraites ? 
À en juger par l’attitude du gouvernement, on peut en douter.
Le pouvoir en place tente d’enfermer la discussion dans le schéma suivant : soit vous soutenez mon projet (au demeurant très flou) ; soit vous êtes un archaïque défendant des privilèges d’un autre temps et refusant tout changement.
Le problème de cette vision binaire est qu’il existe en réalité de multiples façons de bâtir un régime universel, mettant plus ou moins l’accent sur la justice sociale et la réduction des inégalités, depuis la « maison commune des régimes de retraite », défendue de longue date par la CGT, jusqu’au projet présenté dans le rapport Delevoye.

En 2008, j’avais publié avec Antoine Bozio un petit livre indiquant des pistes possibles d’unification des régimes. Cet ouvrage comportait de nombreuses limites, et les discussions qui ont suivi m’ont permis de préciser plusieurs points essentiels.
En particulier, ce livre évoquait plusieurs solutions pour prendre en compte l’inégalité sociale des espérances de vie : soit de façon directe, à partir des données observées par profession (par exemple, pour corriger le fait que telle catégorie d’ouvrier passe en moyenne dix ans à la retraite, contre vingt ans pour telle catégorie de cadre) ; soit de façon indirecte et approximative, en augmentant structurellement les taux de cotisations demandées aux salaires les plus hauts, qui, en moyenne, bénéficient de retraites plus longues, et en relevant le niveau des pensions ouvertes aux plus bas salaires, qui, en moyenne, ont des retraites plus courtes.
Corriger les écarts d’espérance de vie
Le livre se contentait de lister ces solutions, sans trancher clairement, avec le risque que la question soit éludée, ce qui est le cas dans l’actuel projet gouvernemental.
À la réflexion, la méthode directe me semble impraticable. Mieux vaut assumer clairement la méthode indirecte, en introduisant, dans le calcul des retraites, un traitement plus favorable des bas et moyens salaires par comparaison aux hauts salaires, afin de corriger les écarts d’espérance de vie. Il s’agit d’une solution imparfaite à un problème complexe (ces écarts sont déterminés par bien d’autres facteurs que le niveau de salaire, d’où le besoin de prendre également en compte la pénibilité particulière de certains métiers), mais néanmoins plus satisfaisante que la solution traditionnelle consistant à constater que le problème est massif et complexe, puis à ne rien faire de substantiel pour le régler.
« Il faut tout faire pour garantir et améliorer les retraites les plus basses (entre 1 et 3 smic), quitte à demander un effort plus important aux très hauts salaires et patrimoines »
Plus généralement, au-delà de la question des espérances de vie, l’idée ancienne selon laquelle le système de retraite serait uniquement là pour reproduire jusqu’au quatrième âge les inégalités de la vie active me paraît aujourd’hui dépassée.
Compte tenu des inégalités croissantes sur le marché du travail (du travail émietté pour certains, des super-salaires pour d’autres) et des défis humains et civilisationnels nouveaux posés par la grande dépendance, il est temps d’assumer une vision plus redistributrice du système de retraite. Concrètement, il faut tout faire pour garantir et améliorer les retraites les plus basses (entre 1 et 3 smic), quitte à demander un effort plus important aux très hauts salaires et patrimoines.
C’est avant tout l’absence d’ambition en termes de justice sociale qui pose problème dans le projet du gouvernement, comme d’ailleurs dans l’ensemble de son action. On cherche à opposer entre eux des salariés du public et du privé dont les revenus sont modestes par comparaison à ceux qui ont bénéficié des largesses fiscales du début de mandat (impôt sur la fortune, « flat tax »). Or il est possible d’imaginer un régime universel beaucoup plus juste sur le plan social, ce qui rejoindrait d’ailleurs les idées de la CGT sur la « maison commune des retraites », ainsi que certaines revendications de la CFDT.
Un régime « en prestations définies »
Par exemple, le projet Delevoye prévoit une pension égale à 85 % du smic pour une carrière complète (43 années de cotisations) à ce niveau. Puis le taux de remplacement tombe subitement à 70 % à seulement 1,5 smic, avant de se stabiliser à ce niveau précis de 70 % jusqu’à 7 smic (120.000 euros de salaire brut annuel). C’est un choix possible, mais il en existe d’autres. On pourrait imaginer que le taux de remplacement passe de 85 % au smic à 80 % autour de 2 smic, 75 % à 3 smic, avant de s’abaisser vers 50 % autour de 7 smic. On pourrait aussi choisir de resserrer encore davantage les écarts de niveau de vie à la retraite.
« Un système par points peut conduire à masquer des coupes sévères à l’avenir »
Dans tous les cas, il est essentiel que le nouveau régime universel fonctionne « en prestations définies », c’est-à-dire avec des retraites définies à l’avance en termes de taux de remplacement applicables aux différents niveaux de salaires. Et non pas avec un système par points, qui peut conduire à masquer des coupes sévères à l’avenir, comme l’a montré le gel du point de la fonction publique depuis dix ans. Le système de comptes en euros imaginé dans notre livre de 2008 pour sortir de la logique des points est au final moins transparent et plus anxiogène que celui des prestations définies.
Enfin, le financement de la retraite universelle doit reposer sur la solidarité et la mise à contribution de tous, et notamment des plus aisés. Il faudrait au minimum que le taux de cotisation de 28 % s’applique à tous les salaires, y compris les plus élevés, au lieu de chuter à 2,8 % sur la tranche de salaires au-delà de 120.000 euros, comme le défend le rapport Delevoye. On pourrait aussi imaginer un barème progressif mettant davantage à contribution les plus hauts revenus et patrimoines, d’autant plus que les inégalités patrimoniales sont très fortes dans notre société, parmi les plus âgés comme parmi les actifs. Plusieurs retraites universelles sont possibles : il est temps que le débat public s’en saisisse.

Source : lemonde.fr

Télécharger "Pour un nouveau système de retraite" d'Antoine Bozio et Thomas Piketty (ouvrage de 101 pages  publié en 2008)


Thomas Piketty, est un économiste français. Directeur d'études à l’École des hautes études en sciences sociales, ancien élève de l’École normale supérieure.
Antoine Bozio, est un économiste franco-suisse qui enseigne à l'EHESS et à l'École d'économie de Paris. Il est fondateur et directeur de l'Institut des politiques publiques.








Pensions, retraites, mauvaises rétributions... où allons-nous ?


Pour "La Vie Hospitalière" il est grand temps que le gouvernement arrête de réformer les retraites, la misère s'installe de plus en plus dans notre pays, par contre pour les profits il y a beaucoup à écrire tant nous sommes dans une société où les inégalités sociales sont de plus en plus criantes ! Les plus pauvres s'appauvrissent de plus en plus quant aux riches ils sont de plus en plus au zenith...

Nous arrivons à un point de rupture.
Les hospitaliers compte tenu des paroles d'Emanuel Macron, en novembre, et des décisions prises,  devraient dans trois ans avoir une température beaucoup plus basse...
Mais, le traitement ne semble pas adapté globalement ni aux maux de l'hôpital, et ni aux souffrances de ses personnels, de toute évidence.
Personnels médicaux et paramédicaux ne cessent, pourtant, d'alerter des conditions inadmissibles dans lesquelles ils travaillent. L'humain est aujourd'hui passé en second plan, pire le gouvernement prend les hospitaliers pour des ânes. Des carottes sont tendues, pensant qu'ensuite toute ira pour le mieux, mais depuis des années on ne peut pas faire pire ! Il faut supprimer notamment la T2A, là c'est le silence le plus total...
Les réponses du gouvernement ne sont pas à la hauteur des réels besoins des hôpitaux et des personnels. Le plan d'urgence annoncé au soir de la manifestation du 14 novembre qui avait réuni l'ensemble des hospitaliers, des syndicats, associations, collectifs... est insuffisant, très insuffisant !
Pour rappel ne serait-ce que pour les salaires,  les personnels demandent 300 euros d'augmentation, mais le gouvernement continue de faire la sourde oreille...
Alors, porter atteinte de nouveau au pouvoir d'achat, dans le cadre d'une nouvelle réforme des retraites (encore une !... à quand la suivante ?...)  là c'est vraiment se moquer des personnels médicaux et paramédicaux, et bien évidemment de tous les citoyens et citoyennes.
Dans les hôpitaux les salaires ne sont pas à la hauteur, les retraites et/ou pensions en subiront les conséquences et là c'est impensable pour la plus grande majorité des hospitaliers.
Ce qui est assez remarquable en ce moment c'est que le silence est profond au niveau des médias concernant les luttes de chaque jour dans les hôpitaux... on a l'impression même qu'il n'y a plus de blouses blanches dans les manifestations et bientôt pourquoi pas plus de gilets jaunes en vue ?

Dans quelle société vivrons-nous ? 
Il y en a assez de supporter toutes les mesures antisociales qui font que la misère est grandissante, même pour ceux qui travaillent, qui n'ont même pas les moyens d'avoir un toit, et qui vivent... qui tentent de survivre plus exactement.

Alors porter atteinte aux retraites une nouvelle fois c'est une situation inacceptable dont les conséquences pourront être très graves dans un avenir assez proche.

Trop, c'est effectivement trop !

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