"La Vie Hospitalière"

dimanche 15 décembre 2019

660 médecins hospitaliers se disent "prêts à la démission"


TRIBUNE. Assurant que le gouvernement est sourd à leurs revendications, 660 chefs de service, responsables d'unités de soins et médecins hospitaliers menacent dans le JDD de "démissionner si la ministre [de la Santé, Agnès Buzyn] n'ouvre pas de réelles négociations".
"L'hôpital public se meurt, faute de moyens à même d'assurer la qualité des soins et de garantir la sécurité des patients. Les médecins hospitaliers ont eu beau sonner l'alarme, la rigueur est devenue austérité, puis l'austérité, pénurie. La ministre actuelle ne manque pas de témoigner sa compassion, mais le vrai ministère de la Santé est désormais à Bercy. Nous devons donc nous résoudre aujourd'hui à un mouvement de 'désobéissance' inédit.
Comment forcer le gouvernement à ouvrir un Grenelle de l'hôpital public avec un vrai plan financé répondant aux besoins? Respectant leur éthique professionnelle, les médecins hospitaliers se refusent à la grève des soins. Il y a deux mois, à l'appel du Collectif Inter-Hôpitaux (CIH), rassemblant médecins, personnels non médicaux et représentants des usagers, s'est mise en place dans plusieurs établissements une 'grève du codage', c'est‑à-dire un blocage de la facturation des séjours hospitaliers à la Sécurité sociale. Le 14 novembre, les médecins ont manifesté dans la rue avec l'ensemble s personnels.
"L'hôpital se meurt et la ministre ne lui administre que des soins palliatifs"
Las : les mesures gouvernementales se résument pour 2020 à moins de 300 millions supplémentaires, alors que de l'avis général il manque 1,3 milliard d'euros pour répondre à la seule augmentation programmée des charges. L'hôpital se meurt et la ministre ne lui administre que des soins palliatifs.
Afin de crier leur désespoir, des chefs de service, responsables d'unités de soins et médecins participant à la gestion des hôpitaux nommés ou élus, ne demandant rien pour eux-mêmes, s'engagent à démissionner si la ministre n'ouvre pas de réelles négociations pour desserrer la contrainte imposée à l'hôpital public. À ce jour, nous sommes plus de 660 signataires de toutes spécialités, de tous hôpitaux et de toutes régions. Lorsque nous serons 1.000, nous adresserons notre lettre à la ministre pour lui enjoindre d'ouvrir les négociations avec le CIH… ou de nous rejoindre."
Les premiers signataires, pour le Collectif Inter-Hôpitaux : André Grimaldi, professeur émérite, et les chefs de service André Baruchel (hôpital Robert-Debré), Stéphane Dauger (hôpital Robert-Debré), Jean-Luc Jouves (hôpital de la Timone), Philippe Lévy (hôpital Beaujon), Agnès Linglart et Xavier Mariette (hôpital Bicêtre), Gilles Montalescot (hôpital Pitié-Salpêtrière), Antoine Pelissolo (hôpital Henri-Mondor), Ronan Roussel (hôpital Bichat).

Source : lejdd.fr

Mise  à jour du 15 décembre
691 chefs de service hospitaliers en appellent à la démission collective

Jugeant très insuffisante la réponse du gouvernement à la crise de l'hôpital, les médecins montent au front, en appui de la nouvelle manifestation du personnel hospitalier, mardi.
C’est une menace d’une démission collective que brandissent désormais les chefs de service hospitaliers. Profondément déçus par les annonces du Premier ministre le 20 novembre, les médecins reprennent l’initiative. L’absence de réponse à la demande «d’entrevue urgente» que le collectif Inter-Hôpitaux a adressée par courrier le 9 décembre à Emmanuel Macron et Edouard Philippe a fini de les convaincre qu’aux yeux du couple exécutif, le dossier hôpital a perdu de son importance. Alors que sur le terrain, la perception est inverse : avec le retour des épidémies hivernales, la pression sur les soignants et, par ricochet, les risques de «pertes de chances» pour les malades, ne font que s’accentuer. «Des établissements référents comme Necker et Robert-Debré refusent de prendre en charge d’enfants qui exigent une greffe car avec l’épidémie de bronchiolite, ils n’ont plus de lits en réanimation» s’étrangle Michel Tsimaratos, chef de service multidisciplinaire pédiatrique de la Timone Enfants, à Marseille. «Et s’ils manquent de lits, c’est parce qu’ils manquent d’infirmières pour s’en occuper…»
Considérant de leur «devoir» de jouer les «lanceurs d’alerte», les médecins passent à l’action radicale. Et ce, sans attendre l’issue de la deuxième «grande marche» de l’hôpital public, mardi. Depuis deux semaines, un appel à la «démission collective» circule sous le manteau, de mail en mail, de bouche en bouche, dans la communauté médicale. Une initiative destinée à se changer en arme de négociation massive si plus de 1.000 signataires s’en saisissent d’ici au 18 décembre. Dimanche, ils ont publié une tribune dans le JDD.
«On ne peut pas continuer à cautionner le système»
«Nous n’avons pas trente-six moyens d’action, tranche Rémi Salomon chef du service de néphrologie pédiatrique de l’hôpital Necker-Enfants malades. Notre éthique nous interdit de faire la grève des soins. La rétention du codage, donc de la facturation des actes médicaux hospitaliers, c’est fait. La mobilisation dans la rue aussi. Il nous reste la démission. C’est assez symbolique : on continuera de travailler, on n’abandonnera pas nos équipes. Mais on ne peut pas continuer à cautionner le système.»
De quoi créer, avis de mandarins, «beaucoup d’émoi» si la menace venait à se concrétiser : «On n’assumerait plus nos missions administratives, comme l’encadrement des internes, la déclaration des effets indésirables liés à la qualité et la sécurité des soins, les fermetures de lits pour manque d’infirmières», énumère Michel Tsimaratos. Or l’administration n’a pas les moyens de gérer cela service par service.» Le professeur Philippe Lévy, chef du service de pancréatologie-gastroentérologie à l’hôpital Beaujon, renchérit : «Cela veut aussi dire ne plus aller à des réunions où on se fait taper sur les doigts parce que le taux d’ouverture de lits est passé de 84% à 82% alors qu’on n’a pas d’autre choix si on veut assurer la sécurité de mes patients.»
Parmi les premières à avoir paraphé l’appel, Isabelle Desguerre, chef du service de neuropédiatrie à l’hôpital Necker, insiste : «Nous refusons d’être plus longtemps les agents d’une disette que l’administration nous impose. Nous ne voulons plus devoir justifier l’injustifiable, comme le refus d’hospitaliser des enfants ou la décision de fermer des lits.» Cependant, ce geste est vécu comme extrême par beaucoup : «Pour les chefs de service, démissionner est un crève-cœur, explique la professeure. Certains l’assimilent à de la désertion, comme si cela remettait en cause leur professionnalisme.»
D’autres craignent que l’administration ne s’engouffre dans la brèche pour fondre les services hospitaliers dans des pôles plus vastes. La pédiatre de Necker balaye ces réticences : «Nous devons agir. Les médecins n’ont plus aucun pouvoir dans la gouvernance des hôpitaux. Si nos services sont en difficulté, c’est que les infirmières ne veulent plus rester. Elles sont maltraitées et souvent au bord du burn-out. Nous le constatons sans rien pouvoir y faire. Il y a urgence à remédicaliser les prises de décisions au sein des hôpitaux, à redonner de l’attractivité aux métiers de soignants.»
Colère palpable
Effrayée par la rapidité avec laquelle «la chaîne de soin se délite», Véronique Leblond, cheffe de service hématologie à la Pitié-Salpêtrière, a elle aussi signé l’appel. «Dans un service très spécialisé comme le mien, le turnover des infirmières est un drame, martèle-t-elle. J’en ai cinq qui partent en janvier qui ne sont pas remplacées. Les intérimaires sont nulles au point que certains malades refusent qu’elles entrent dans leur chambre. Soigner des patients qui ont reçu une greffe de moelle épinière ne s’improvise pas ! Ce qui se passe est honteux.»
Reste à savoir si l’appel à la démission collective rassemblera le nombre requis de signataires. Dimanche, ils n’étaient encore que 691. A une écrasante majorité, des hospitaliers exerçant à Paris ou en Ile-de-France. Mais la colère est palpable à Toulouse, Limoges, Pau, Clermont-Ferrand, Rennes, Cherbourg, Grenoble, Saint-Etienne ou Montauban.

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