"La Vie Hospitalière"

lundi 16 décembre 2019

Retraites : la feuille de route du gouvernement déçoit unanimement


Les professionnels de santé, qu’ils exercent en ville ou à l’hôpital, sont peu nombreux à participer (dans la rue) à la mobilisation actuelle contre la réforme des retraites. Cependant, ils ont affiché un soutien très clair aux revendications portées par de nombreux syndicats et la plupart d’entre eux ont exprimé leurs préoccupations spécifiques vis-à-vis des projets en cours.
Ainsi, les professionnels libéraux s’inquiètent des conséquences de l’installation d’un régime universel d’une part sur le taux de cotisation (pour ceux qui en particulier connaissent les rémunérations les plus élevées) et d’autre part sur le montant des pensions. Ils redoutent également une mainmise du gouvernement sur les réserves de leurs caisses et estiment que les spécificités de leur activité seraient mieux prises en compte si la gestion demeurait assurée par des professionnels. Chez les salariés, les préoccupations concernent la reconnaissance de la pénibilité de certains métiers et d’un recul possible, si ce n’est probable, des pensions.
Une transition progressive et adaptée
Ainsi, même s’ils ne sont pas aussi mobilisés que d’autres corps de métiers, les professionnels de santé ont été hier très attentifs aux annonces du Premier ministre, Édouard Philippe, présentées devant le Conseil économique social et environnemental . Vis-à-vis des professions libérales, le chef du gouvernement a voulu se montrer rassurant. Face à la diversité des régimes et compte tenu de situations qualifiées de « contrastées », les pouvoirs publics reconnaissent que « L’intégration des professions libérales au sein du système universel suppose de procéder à une convergence de leurs règles, qui a moins trait au calcul des pensions (les régimes sont déjà en points) qu’à l’assiette et aux taux de cotisation. Cette transition ne peut être que progressive et adaptée à des points de départ qui sont très différents. Elle ne doit pas conduire à bouleverser l’équilibre économique de ces activités, qui est évidemment déterminant pour les intéressés, mais aussi pour leurs salariés » peut-on lire sur le portail du gouvernement.

Ubu au gouvernement ?
Concrètement, le gouvernement prévoit une réforme de l’assiette sociale qui sera initiée à partir de 2020. Il s’agira d’établir un équilibre entre la hausse des cotisations rendue inévitable par le système universel (pour certaines professions libérales) grâce à une baisse du montant de la CSG. Par ailleurs, Édouard Philippe a promis que les réserves constituées par les caisses des professions libérales ne seront pas détournées et pourront être utilisées « pour accompagner la transition vers le nouveau système, notamment en prenant en charge une partie des cotisations ». Si ces dispositions répondent en partie aux revendications les plus fortes exprimées par les professions libérales et notamment par les médecins, des crispations demeurent. Ainsi, l’Union française pour une médecine libre (UFML) reste déterminée à se mobiliser le 3 février prochain contestant : « Les réserves des professions libérales et indépendantes vont être utilisées et détournées de leur fonction sans notre accord pour permettre une transition vers un système universel. Elles vont donc servir à payer une partie des cotisations générales ! Pour résumer, on veut nous faire rentrer dans un système ou des cotisations vont payer des cotisations ! C’est Ubu au gouvernement… De plus nous sommes dans une étatisation de nos systèmes, jusqu’à maintenant, autonomes, car nos professions ont fait, en conscience, le choix de l’indépendance » écrit l’organisation.

Pénibilité : les fonctionnaires aussi
Du côté des fonctionnaires hospitaliers, le plan détaillé par le gouvernement met en avant les avantages du nouveau système, plutôt que de se concentrer sur ce qui va disparaître (calcul du niveau de pension sur les six derniers mois de carrière en particulier). « L’unification des règles des régimes au sein du système universel permettra d’ouvrir aux fonctionnaires des droits nouveaux, en matière de cotisations et de calcul des droits » promet le gouvernement. De façon plus précise, le chef de l’État a insisté sur le fait que la majoration de 5 % par enfant sera accordée aux mères fonctionnaires comme aux autres assurées. Par ailleurs, « Les fonctionnaires disposeront des mêmes droits que les salariés (du privé) en matière de pénibilité ». Il s’agit d’une évolution très importante notamment pour les aides-soignantes et les infirmières, dont le sort a été longuement évoqué par le Premier ministre. « Cela bénéficiera directement aux infirmiers de la catégorie A qui travaillent de nuit et n’ont aucun droit aujourd’hui », a ainsi insisté Édouard Philippe. Ces professionnels pourront notamment bénéficier de la baisse du seuil requis en matière de travail de nuit (actuellement 120 nuits par an) « pour obtenir des points dans le compte pénibilité. Entre 20 à 30 % des infirmières et des aides-soignantes pourront obtenir des droits à ce titre » précise le gouvernement. Enfin, on sait que la majorité des fonctionnaires hospitaliers sont des femmes et pourront donc être sensibles aux dispositifs annoncés destinés à corriger les écarts existant entre les pensions des hommes et des femmes aujourd’hui.

Pas d’augmentation de salaires pour les aides-soignantes
Si la feuille de route est claire (même si des négociations sont encore ouvertes et possibles comme n’ont cessé de le répéter tous les membres du gouvernement depuis hier après midi), le principe même de cette universalisation continue à soulever l’incompréhension et le rejet. Surtout, les mesures de compensation annoncées sont considérées comme largement insuffisantes. Ainsi, les représentants des aides-soignantes et dans une moindre mesure des infirmières s’irritent de ne pas avoir obtenu les augmentations de salaire qu’ils réclament depuis plusieurs mois, à la différence des enseignants. Par ailleurs, concernant la reconnaissance de la pénibilité, les syndicats dénoncent des mesures à minima qui refusent la réintégration des quatre critères qui ont été exclus du « compte pénibilité » par le gouvernement Philippe (la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et les risques chimiques). 
En outre la prise en compte du travail de nuit qui permettra une retraite plus précoce, contribuera à des départs à la retraite à 60 ans pour les aides-soignantes contre 57 ans aujourd’hui. « C’est totalement inacceptable. On ne peut pas être d’accord avec cela », estime Patrick Bourdillon, secrétaire général de CGT Santé cité dans Le Parisien. « Le départ en retraite anticipée ne se calcule pas seulement sur ces critères, ajoute-t-il. Les aides-soignants ont des horaires instables et sont mobilisables 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le fait qu’ils soient confrontés à la maladie et à la mort doit aussi être pris en compte », juge le syndicat.

Le niveau de déception des syndicats se mesurera probablement dans les rues de France et surtout de Paris mardi prochain lors d’une nouvelle journée de mobilisation qui coïncide avec un appel à la grève des agents hospitaliers qui pourraient être nombreux à ajouter le niveau de leurs retraites futures au menu de leurs revendications.
Article d'Aurélie Haroche

Source : jim.fr


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