"La Vie Hospitalière"

samedi 21 décembre 2019

La Réunion : Clinique Jeanne d'Arc du Port : Cinq années d'opérations illégales

L'établissement privé du Docteur Deleflie a pratiqué certaines opérations sans aucune autorisation sur son site des Orchidées. L'Agence Régionale de Santé a fermé les yeux. Un scandale sanitaire de plus.

C'est cynique mais c'est ainsi. Dans le monde de la santé, et de la chirurgie tout particulièrement, il y a des actes et des opérations qui rapportent gros et qui attirent tout particulièrement la convoitise des opérateurs privés. Ainsi, en juillet dernier, la clinique Jeanne d'Arc a sollicité auprès de l'ARS une demande d'autorisation "d'activité de soins de traitement du cancer par la modalité de chirurgie des concerts digestifs" pour son site des Orchidées. C'est une pratique "soumise à seuil" sur chaque territoire qui nécessite donc des autorisations et qui est régulé par le PRS, le Plan Régional de Santé. "La Réunion connaît une augmentation générale des séjours en établissements de santé pour prise en charge des cancers et surtout digestifs, thoraciques et voies aériennes et digestives supérieures. La clinique Les Orchidées propose la chirurgie des cancers urologiques et mammaires et celle de chimiothérapie en collaboration avec la clinique Sainte-Clotilde. Elle souhaite pouvoir développer ses activités et notamment la modalité de chirurgie digestive", justifient ainsi les responsables de la clinique Jeanne d'Arc dans leur demande adressée à l'Agence Régionale de Santé qui a validé le dossier en octobre.
Après instruction, l'avis du médecin conseil de l'ARS, Marie-François Miranda, a été on ne peut plus clair. "J’émets un avis favorable à la demande par la Clinique Jeanne d’Arc pour l’autorisation d’activité de traitement du cancer par la modalité de chirurgie des cancers digestifs sur son site des Orchidées." Pour Michel Deleflie, président directeur général du groupe Clinifutur et donc de la clinique Jeanne D'Arc, c'est une excellente nouvelle. Une sorte de "jackpot" en quelque sorte.
On parle ici d'opérations extrêmement coûteuses, mais après tout la sécurité sociale rembourse rubis sur l'ongle.

Des opérations irrégulières
Ce que ne dit pas, en revanche, le rapport de l'Agence Régionale de Santé que nous avons pu consulter, c'est que la Clinique Jeanne d'Arc avait très largement devancé cet accord. Presque cinq ans, c'est un sens certain de l'anticipation ! Pendant toutes ces années, le groupe Clinifutur a pratiqué ces opérations sans base légale.
L'ARS savait et n'a rien dit. Une sorte de passe droit accordé au privé qui passe très mal auprès des hôpitaux publics.

Le CHU de Saint-Denis et le Centre Hospitalier Ouest Réunion sont montés au créneau
La direction du CHOR vient notamment d'engager un contentieux pour contester l'autorisation accordée à la Clinique Jeanne d'Arc, via deux courriers adressés à l'ARS et à la ministre de la Santé, Agnès Buzyn. Le CHOR conteste d'abord cette décision sur la forme : la demande du groupe Clinifutur a été présentée le 31 juillet 2019, soit au-delà de la période de dépôts des dossiers, initialement ouverte du 17 avril au 17 juin. Mais surtout, le CHOR dénonce le fond de la décision rendue par l'ARS. "Nous nous étonnons du traitement réservé par l'ARS-OI à ce dossier, à savoir une régularisation de cette autorisation sans évoquer à aucun moment dans la décision le décalage important entre le démarrage de cette activité de recours, en dehors de tout cadre et sans aucune autorisation délivrée par l'ARS, et sa régularisation, soit plus de 5 ans au total", peut-on lire dans le recours engagé par Laurent Bien.
La colère de l'hôpital public
Face aux interrogations des hôpitaux publics, l'ARS aurait assuré ne rien savoir de ces opérations pratiquées irrégulièrement par la Clinique Jeanne d'Arc. "Cette affirmation nous étonne puisque cette activité de chirurgie carcinologique digestive sur un petit territoire comme celui de la Réunion, est connue de tous depuis longtemps", répond le directeur du CHOR. "L'ARS-OI n'a jamais pris d'arrêté interdisant la poursuite de cette activité non autorisée, dans l'attente d'une régularisation, écrit-il également, il nous semble inacceptable que le groupe Clinifutur ait pu, sans la moindre sanction administrative, continuer à pratiquer une activité en toute irrégularité et donc illégalité".
Les conséquences pour les patients soignés dans ces conditions dans les cliniques du groupe Clinifutur sont loin d'être anodines. "Il nous semble grave qu'un patient ait pu, en toute confiance, se rendre dans un établissement en vue de subir une intervention de chirurgie carcinologique, alors même que l'établissement pratique, en toute connaissance de cause, cette activité en toute illégalité, donc sans être inscrit dans les différentes filières structurées par les réseaux régionaux de cancérologie", souligne le recours engagé par le CHOR.
Dans un contexte de sérieuse crise de l'hôpital public, qui doit toujours composer avec des moyens restreints, la bienveillance de l'Agence Régionale de Santé vis-à-vis du privé et des sérieux dérapages du groupe Clinifutur a des allures de scandale.
On enlève des lits et du personnel soignant à l'hôpital public… et on "offre" en toute discrétion les opérations les plus "rentables" au privé.
À Paris, l'affaire fait déjà grand bruit. Le ministère est tombé des nues, nous dit-on, parce qu'un tel petit arrangement entre "amis", sur le dos des malades du cancer, est inimaginable en métropole. 
Martine Ladoucette, la directrice générale de l'ARS, et son adjoint Etienne Billot, vont très vite devoir rendre des comptes. Ils devront justifier ce privilège, sans base légale, accordé au groupe Clinifutur. Pas simple.
Article de Lukas Garcia

Source : clicanoo.re


Commentaire de "La Vie Hospitalière"
Martine LADOUCETTE qui a pris ses fonctions de directrice de l’ARS Océan Indien en septembre 2018, a été directrice générale du CHU de Nîmes, et précédemment directrice du GHEF (qui regroupe, en Seine-et-Marne, les hôpitaux de Coulommiers, Jouarre, Jossigny et Meaux), elle a donnée au Groupe Vinci la gestion des parkings payants du centre hospitalier de Jossigny une honte pour un établissement public financé avec des fonds publics ! 

2 commentaires:

Jeanne a dit…


Soignés ... ou saignés ?
Oui, la Sécurité sociale paye aussi et ce sont les deniers des citoyens et citoyennes qui partent dans certaines poches.
Nous avons dépassé le seuil des 100% fatidiques du PIB (104% exactement), au niveau des dépenses publiques ce sont encore les citoyens et citoyennes qui paieront, tandis que d'autres sauront toujours profiter de toutes situations, même les pires.

GP a dit…

Fin septembre la dette publique était de 100,4% du produit intérieur brut (PIB), soit 2.415 milliards d'euros. Nous attendons encore plus d'informations sur ce point.