"La Vie Hospitalière"

vendredi 27 décembre 2019

Le rapport Mesnier/Carli propose le 113 comme numéro unique santé, les libéraux inquiets


Le Dr Thomas Mesnier, député LREM de Charente, et le Pr Pierre Carli, patron du SAMU de Paris, ont rendu ce jeudi 19 décembre à Agnès Buzyn leur volumineux rapport "pour un pacte de refondation des urgences".
Tandis que le tome I a déjà alimenté les annonces d'Agnès Buzyn en septembre pour tenter d'éteindre la crise aux urgences, le tome II dévoile le contenu du service d'accès aux soins (SAS), réforme qui vise à désengorger les urgences en amont. 
Mais cette plateforme est loin de satisfaire la médecine de ville. Les deux rapporteurs revisitent également les transports médicalisés.

Le service d'accès aux soins (SAS) : 113 et...  
 Le SAS est une « plateforme téléphonique et en ligne, fonctionnant en lien étroit avec les services de secours » et fondée « sur un partenariat équilibré » entre les libéraux et les professionnels de l'urgence hospitalière. Ce service « intégrerait principalement l'aide médicale urgente et les soins non programmés ambulatoires ».
Il couvre tout l'Hexagone - y compris les déserts médicaux - afin de répondre « 24 heures/24, 7 jours sur 7 et 365 jours/an à la demande de soins des Français » et désengorger les services d'urgences hospitalières  qui sont « par défaut, un recours pour répondre à la demande de soins non programmés ». 
Le déploiement d'une « première phase grandeur nature » du SAS est prévu « pour l'été 2020 ». Le coût du dispositif oscille entre 78,8 millions d'euros et 96,9 millions d'euros. 
Conscients des enjeux et des réticences de la médecine de ville, les auteurs insistent : le SAS est un guichet unique qui ne se « substitue en aucun cas à la médecine de premier recours, à la médecine générale ou aux autres numéros d'accès aux soins non programmés, tels que l'appel vers des maisons médicales de garde ou l'appel vers des maisons pluridisciplinaires de santé structurées ou l'appel vers d'autres structures ».

... régulation médicale « déportée »
Son architecture repose sur deux niveaux : l'urgence médicale ou l'urgence santé qui relève des SAMU d'une part ; et l'aide médicale urgente et les soins ambulatoires non programmés d'autre part. Mais par quels numéros ? Le rapport explore tous les scénarios pour n'en garder qu'un « d'une modernité absolue » selon ses inventeurs : « deux numéros uniques, l'un dédié au secours et à la sécurité, l'autre dédié à la santé [le 113 en l'occurrence] allant de l'urgence médicale au conseil médical en passant par toutes les possibilités de réponses aux besoins des patients ». 
À la manœuvre de ce guichet unique du SAS : des assistants de régulation médicale (ARM) « en position de front office », sous la présence d'un « superviseur » et en rotation toutes les quatre heures. Leur job : orienter les appels vers l'aide médicale urgente (SAMU) ou vers les soins non programmés ambulatoires. Cette organisation représente « une garantie de sécurité, permettant de détecter une urgence vitale et un circuit court de prise en charge afin d'apporter [une réponse] dans des temps qui ne doivent pas dépasser 30 secondes ». 
Concernant la présence de médecins régulateurs, les deux rapporteurs jugent « illusoire d'imaginer que le nombre de médecins volontaires sera suffisant pour être présents au sein de la plateforme SAS 24 heures/24 ». C'est pourquoi ils préconisent le développement d'une régulation « déportée » au sein des cabinets médicaux « voire en dehors des heures ouvrables, du domicile de certains médecins généralistes volontaires ». 

Appli et site
Outre le 113, le SAS prendra la forme d'un site internet (sas.fr ou urgencesante.fr) puis d'une appli. 
Le SAS serait « cogouverné » par l'hôpital pour le volet aide médicale urgente et par la médecine de ville (les communautés professionnelles territoriales de santé - CPTS) pour la partie soins ambulatoires non programmés. « Fondamentale », cette cogouvernance sera « très probablement départementale ». 

Transports : des SMUR avec ou sans médecin, pas des taxis

Pour libérer du temps médical et paramédical aux urgences, les deux experts se sont penchés comme la DREES (ministère) sur le volume et la pertinence des recours aux structures mobiles d'urgences et de réanimation (SMUR). « En 2018, parmi les 602 913 interventions primaires [directement auprès du patient, NDLR] du SMUR, 222 100 sorties ne sont pas suivies par un transport médicalisé. Différents motifs sont possibles : décès du patient, refus d’évacuation du patient, traitement du patient sur place ou, le cas le plus fréquent, transport du patient à l’hôpital par un moyen non médicalisé (130 256 interventions) », constatent-ils.


Les auteurs rappellent que « le SMUR doit être vu non pas comme un transport sanitaire mais comme une activité de soins déportée vers le patient » et qu’il est le seul à exercer cette activité en plus de son activité de transport.


Pour éviter que les SMUR ne deviennent les taxis de l’hôpital, il est proposé de généraliser dès 2020 les transports infirmiers interhospitaliers (TIIH, sans médecins) pour les transferts de patients entre établissements. La mission entend toutefois « encadrer cette possibilité par des protocoles visant à déterminer clairement ses modalités d’activation et de réalisation » afin de garantir la sécurité de la prise en charge. Les TIIH pourraient être équipés d’outils de télémédecine facilitant les relations avec le médecin régulateur du SAMU-Centre 15 et le SMUR.

En parallèle, il est proposé de mettre en place dès 2020 un découplage de l’équipe SMUR (médecin/infirmier) au cours des interventions primaires. En pratique, il s’agit de permettre au médecin de décider, lorsqu’il est auprès du patient, de déclencher un transport paramédicalisé alors confié à l’infirmier. Le médecin pourrait ainsi regagner la structure d’urgence dont il dépend afin d’y reformer une équipe SMUR complète.

Les médecins libéraux sur le qui-vive

Alors qu'une grève des gardes se profile tous les samedis, les médecins libéraux ont rapidement réagi à la lecture du rapport. La CSMF a rappelé « son attachement à un numéro d’identification tel que le 116 117 permettant de séparer les appels pour les services d’urgences des demandes pour des soins non programmés ». Le syndicat a réclamé des moyens « dans le cadre conventionnel pour valoriser l’engagement de la médecine libérale ». 
Même son de cloche chez les généralistes de MG France : sans moyens à la médecine générale libérale, le SAS, ce sera sans eux ! Et de rappeler que le choix d'un numéro santé unique « n’est pas celui des médecins libéraux car il confond urgences médicales et demandes de soins non programmés, alors que deux appels sur trois ne sont pas des urgences médicales ». 
Article d'Anne Bayle-Iniguez

Source : lequotidiendumedecin.fr






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