Véritable bombe médiatique, l’étude observationnelle sur 96 000 patients publiée le 22 mai dans The Lancet a prétendu à l’inefficacité voire à la dangerosité du protocole du Pr Raoult à base d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Suite à cette étude, l’OMS avait suspendu immédiatement ses recherches sur l’hydroxychloroquine avant de se raviser quelques jours après
Véritable bombe médiatique, l’étude observationnelle sur 96 000 patients publiée le 22 mai dans The Lancet a prétendu à l’inefficacité voire à la dangerosité du protocole du Pr Raoult à base d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Suite à cette étude, l’OMS avait suspendu immédiatement ses recherches sur l’hydroxychloroquine avant de se raviser quelques jours après. En France, le ministre de la Santé avait dans la foulée interdit l’usage de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19. Mais après la révélation des incohérences des données de cette étude récoltées par la société Surgisphere, trois des quatre auteurs se sont immédiatement rétractés. La présence financière de Gilead en arrière-plan n’a pas manqué de révéler un vaste réseau de conflits d’intérêts visant à promouvoir coûte que coûte le traitement concurrent de l’hydroxychloroquine, l’antiviral expérimental Remdesivir.
Depuis des semaines, le feuilleton hydroxychloroquine ne cesse d’avoir des rebondissements. Le dernier en date est le LancetGate, ce large scandale qui entoure l’étude “big data” publiée dans The Lancet le 22 mai, censée clore définitivement sur l’inefficacité du protocole du Pr Raoult. Mais dès la parution de cette étude, de nombreuses voix se sont faites entendre pour dénoncer les incohérences et les faiblesses concernant l’absence d’informations précises sur les patients, les associations médicamenteuses, les pathologies, le stade du Covid et les dosages des traitements prescrits dans cette étude. Pour vérifier certains éléments, les données brutes fournies par la société Surgisphere ont été exigées, en vain, par de nombreux chercheurs.
La vaste étude rétrospective qui s’est déroulée de décembre 2019 à avril 2020 est basée sur un chiffre record de 96 000 patients ! Toutes les données de cette étude concernant les 96 000 patients proviennent de la société américaine Surgisphere qui se dit spécialisée dans le big data et l’intelligence artificielle.
Sur les données des 671 hôpitaux sur lesquelles l’étude s’est appuyée, des incohérences et des erreurs avaient immédiatement été relevées par des chercheurs australiens.
Les chiffres publiés par l’étude ne correspondaient pas aux données cliniques de certains hôpitaux australiens. Relayés par un article du Guardian en date du 28 mai, les questions des chercheurs portaient sur l’origine des données et demandaient des précisions sur la méthode de collecte des données. Depuis, de nombreux médecins et chercheurs dans le monde ont remis en cause la fiabilité des données de Surgisphere (une excellente enquête de France Soir nous montre à quel point cette société pose question par son fonctionnement et ses activités). Voici un extrait traduit de l’article du Guardian en date du 27 mai 2020 :
« L’étude, dirigée par le Brigham and Women’s Hospital Center for Advanced Heart Disease de Boston, a examiné des patients dans des hôpitaux du monde entier, y compris en Australie. Selon le rapport, les chercheurs ont eu accès aux données de cinq hôpitaux enregistrant 600 patients australiens Covid-19 et 73 décès australiens au 21 avril. Mais les données de l’Université Johns Hopkins montrent que seulement 67 décès dus à Covid-19 avaient été enregistrés en Australie au 21 avril. Le nombre n’est passé à 73 que le 23 avril.
Les données sur lesquelles s’appuient les chercheurs pour tirer leurs conclusions dans le Lancet ne sont pas facilement disponibles dans les bases de données cliniques australiennes, ce qui amène beaucoup à se demander d’où elles viennent.
Le département fédéral de la santé a confirmé au Guardian que les données collectées sur les notifications de Covid-19 dans le système national de surveillance des maladies à déclaration obligatoire n’étaient pas la source pour informer l’essai. Le Guardian a également contacté les services de santé des deux États australiens les plus peuplés, la Nouvelle-Galles du Sud et Victoria, qui ont eu de loin le plus grand nombre d’infections Covid-19. Parmi les décès australiens signalés au 21 avril, 14 se sont produits à Victoria et 26 en Nouvelle-Galles du Sud. Le département de Victoria a confirmé que les résultats de l’étude concernant les données australiennes ne concordaient pas avec les données sur les coronavirus de l’État, y compris les admissions à l’hôpital et les décès. Le ministère de la Santé de la Nouvelle-Galles du Sud a également confirmé qu’il n’avait pas fourni aux chercheurs les données de ses bases de données. The Lancet a déclaré au Guardian : “Nous avons demandé des éclaircissements aux auteurs, nous savons qu’ils enquêtent de toute urgence et nous attendons leur réponse.” » Des éclaircissements qui n’ont jamais été transmis puisque l’article du Lancet a été rétracté depuis.
La rétractation de 3 des 4 auteurs de l’étude et du Lancet
Les critiques qui mettaient en cause les données sur lesquelles se fondait l’étude (96.000 patients hospitalisés entre décembre 2019 et avril 2020 dans 671 hôpitaux) n’ont pas été sans conséquences. Initialement portée par Mandeep R. Mehra, Sapan S. Desai, Frank Ruschitzka et Amit N. Patel, tous sauf Sapan Desai se sont rétractés récemment.
L’étude qui reposait exclusivement sur les données récoltées par la société américaine Surgisphere dont Desai est le fondateur, a depuis été retirée par The Lancet, c’est le début du LancetGate.
« Nous avons lancé une analyse indépendante de Surgisphere avec l’accord de Sapan Desai pour évaluer l’origine des éléments de la base de données, confirmer qu’elle était complète et répliquer les analyses présentées dans l’article », écrivent les trois autres auteurs dans un texte publié par le Lancet. Mais Surgisphere a refusé de transférer la base de données en raison des accords de confidentialité avec ses clients (les hôpitaux à l’origine des données), les experts missionnés « n’ont pas pu conduire une revue indépendante et nous ont informés de leur retrait du processus d’évaluation par les pairs », est-il précisé.
Sapan Desai, Gilead et le Remdesivir
Comme nous l’avons évoqué plus haut, l’un des auteurs de l’étude du Lancet, qui d’ailleurs est le seul à ne pas s’être rétracté, Sapan Desai, est lui-même le fondateur et dirigeant de Surgisphere. Ce qui pose question sur sa neutralité dans cette étude en tant que représentant d’une entreprise ayant pour ambition de se spécialiser dans le big data médical et l’intelligence artificielle. Ce même Sapan Desai avait déjà lancé une cagnotte en ligne sur la plateforme indiegogo pour financer la fabrication d’un bonnet de stimulation de l’activité cérébrale afin d’atteindre le « sommet de l’évolution humaine ». Lors d’une interview donnée le 26 mai à TRT World pour faire la promotion de son étude, Desai n’a pas manqué de promouvoir le Remdesivir (antiviral en intraveineuse fabriqué par Gilead) affirmant, d’après une autre étude publiée dans le New England of Journal, qu’il réduisait la durée de l’hospitalisation dans le soin du Covid-19 (voir vidéo ci-dessous), alors que d’autres études ont conclu le contraire ces dernières semaines.
Et les curiosités ne s’arrêtent pas là. L’auteur principal, Mehra, a aussi des liens indirects mais bien présents avec Gilead. Choisi comme l’un des participants d’une formation organisée par le Seimc, (société espagnole des malformations infectieuses et de la microbiologie clinique), on y retrouve encore une fois la participation de Gilead d’après ce que l’on peut lire sur le site de l’Asscat (association catalane contre l’hépatite).
On y apprend que « Gilead et Seimc forment plus de 8.000 professionnels », et que « l’entreprise a collaboré à la journée de formation sur la pandémie COVID-19 ».
Mehra et le réseau Boston/Gilead/Fondation Gates
Rappelons que le Dr Mandeep Mehra exerce au Brigham Hospital and Women Health (BWH) de Boston. Un hôpital privé en contrat avec Gilead pour deux essais cliniques randomisés sur l’usage du Remdesivir contre le Covid-19. Et c’est ce même BWH via sa Chaire William Harvey en médecine cardiovasculaire, qui a financé cette étude contre l’hydroxychloroquine. Un lien qui n’est pas anecdotique. Il n’est pas également anodin de constater que l’un des donateurs réguliers du BWH n’est autre que la Fondation Bill & Melinda Gates, elle-même impliquée dans la recherche active d’un vaccin contre le Covid-19 (lire notre article sur le sujet). Depuis 2009, 31 millions de dollars ont été versés par la Fondation Gates au BWH, dont plus de 11 millions depuis 2017.
Comble de la coïncidence. Le 22 mai, date de la publication dans The Lancet de l’étude à charge contre l’hydroxychloroquine, une autre étude était publiée dans le New England Journal of Medicine concernant les résultats d’un essai clinique du Remdesivir. En conclusion de cet essai randomisé en double aveugle, contrôlé contre placebo, on peut y lire que « le Remdesivir s’est révélé supérieur au placebo en ce qui concerne le raccourcissement du délai de rétablissement chez les adultes hospitalisés avec Covid-19 et des signes d’infection des voies respiratoires inférieures ». C’est sur cette base que Desai avait promu le Remdesivir dans son interview du 26 mai au media TRT World (voir vidéo plus haut). Il est à noter que parmi les principaux co-auteurs de cette étude pro Remdesivir, Elizabeth Hohmann vient du Massachusetts General Hospital de Boston affilié lui à la Harvard Medical School, tout comme le BWH de Boston où exerce le Dr Mandeep Mehra.
Ces deux hôpitaux sont en contrat avec Gilead pour les essais cliniques sur le Remdesivir.
The Lancet, Gilead, Vanguard Group & BlackRock
Les médias français ont déjà beaucoup publié sur BlackRock l’année dernière. Cette gigantesque société spécialisée dans la gestion d’actifs était devenue le symbole de la réforme des retraites en France. En creusant un peu, on découvre que BlackRock est l’un des principaux actionnaires de Reed Elsevier ou RELX Group, l’un des plus grands éditeurs mondiaux qui détient entre autres The Lancet et qui a réalisé un chiffre d’affaire de 8 milliards d’euros en 2019. Autre investisseur de taille dans RELX, et concurrent de BlackRock, Vanguard Group. Un gestionnaire d’actif qui est également le premier actionnaire de Gilead Sciences, devant BlackRock lui aussi actionnaire de Gilead. Un curieux mélange d’intérêts qui pose question sur ce réseau des revues médicales et de la finance.
Source : nexus.fr
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