"La Vie Hospitalière"

mercredi 17 février 2021

Spécial élection URPS. « Entretenir la flamme de la médecine libérale jusqu’à sa renaissance »

Le JIM a convié les leaders des syndicats médicaux présentant des listes électorales aux URPS à s’exprimer dans ses colonnes (où devant ses caméras)




Le premier leader syndical à répondre à notre sollicitation est le Dr Meyer Sabbah qui préside l’Union Collégiale.

Interview du Dr Meyer Sabbah (Union Collégiale) 

Dans cet entretien, il donne sa vision décalée et quelque peu iconoclaste de la médecine libérale et de notre système de santé. À n’en pas douter, elle en ravira certains et en scandalisera beaucoup.


JIM : Quelle serait pour vous la médecine libérale idéale d’aujourd’hui ?


Dr Meyer Sabbah : Il ne faut pas se leurrer : la médecine libérale n’existe plus à ce jour et seul le secteur 3 peut encore éventuellement prétendre être libéral.


La médecine libérale française est une médecine de caisse sous le joug d’une politique d’état. Les jeunes ne s’y trompent pas et tant qu’à être fonctionnaire, préfèrent le salariat pour en avoir au moins les avantages.


Du temps de mon inscription, sur 10 nouveaux inscrits à l’Ordre, 9 s’installaient en ville aujourd’hui c’est entre un et deux.


Mais je reste optimiste. En plus de mon activité de médecine générale je suis acupuncteur et dans la pensée chinoise, le temps est cyclique et non linéaire : il faut donc entretenir la flamme de la médecine libérale jusqu’à sa renaissance. 


JIM : Quel argument principal avancez-vous pour convaincre les médecins de participer aux élections professionnelles ?


Dr Meyer Sabbah : J’avoue avoir du mal à les persuader de voter, ayant eu du mal à me persuader de présenter des listes ! D’autant qu’on a tout fait pour nous en empêcher et que nous avons dû aller jusque devant le Conseil d’État pour parvenir à participer à ces élections.


« Les URPS ne servent pas à grand-chose voire à rien ! »

Pour faire simple, je siège depuis leur création aux URPS, j’ai même été vice-président en région PACA, et je peux vous dire que les URPS ne servent pas à grand-chose voire à rien : elles sont des chambres d’enregistrement des ARS coutant très cher aux médecins libéraux de par leurs cotisations. Sauf à passer outre les missions statutaires des URPS et donc entrer en rébellion, ce que nous sommes les seuls à proposer, nous sommes favorables à leur dissolution.


Le seul intérêt annexe reste la désignation des syndicats représentatifs. 


Tout de même, je recommande aux médecins libéraux de voter pour marquer leur désaveu de leurs syndicats représentatifs actuels et du système de santé qui est en train de se mettre en place.


JIM : Que pensez-vous du vote électronique ?


Dr Meyer Sabbah : Concernant le vote électronique, les tests ont montré que son aspect rébarbatif et sa complexité feront encore chuter le taux de participation, donnant toujours moins de légitimité aux syndicats représentant les médecins libéraux. 


JIM : Quel regard portez-vous sur les 5 dernières années pour la médecine libérale ?


Catastrophique : c’est devenu une médecine d’État gérée par des administratifs de caisse.


Nous sommes assaillis de recommandations de toute part, d’encadrements, de cotations. Nous n’avons même plus le temps de faire de la vraie médecine !


C’est devenu irrespirable avec une perte vertigineuse de la liberté d’exercice et notamment de prescription avec la fin du non substituable, avec des médicaments qu’on ne peut plus prescrire en dehors de l’hôpital, avec des interdictions de prescrire comme pour l’hydroxychloroquine dans la Covid, avec un déremboursement stupide de l’homéopathie.


Tout cela participe grandement à l’épuisement des soignants.


Pourquoi pas un « tarif horaire » ?

JIM : A combien, selon vous, devrait s’établir le prix de la consultation de base ?


Dr Meyer Sabbah : Qu’est-ce qu’une consultation de base ? Quel rapport entre une consultation pour un rhume d’un patient habituel et la 1ère consultation d’une personne de 80 ans présentant une poly pathologie avec un panier d’examens à analyser ? Nous nous proposons la mise en place d’un tarif horaire qui s’alignerait, par exemple, sur celui des avocats qui avec à peu près le même nombre d’années d’études peuvent prétendre facturer entre 150 et 400 euros de l’heure. Compte tenu de cela, pour des docteurs en médecine, 200 à 250 euros de l’heure ça me paraitrait convenable. On pourrait alors éventuellement songer à un tiers-payant pour les patients les plus en difficulté économique.


A cette proposition, on nous répond : « les médecins vont jouer la montre » et pervertir le système. Moi je n’y crois pas : les médecins libéraux ne sont pas des bandits et on manque tellement de médecins de ville qu’il n’y a même aucune chance que des médecins puissent faire « tourner le compteur ».


JIM : Concernant la ROSP, quelles sont les évolutions que vous attendez ? 


Dr Meyer Sabbah : Je n’ai jamais été favorable à la ROSP. Etre obligé de rendre compte de sa bonne pratique pour ne pas voir ce qui devrait nous être dû par des honoraires décents réquisitionné par les caisses est déshonorant. Nous n’avons pas besoin de la ROSP : ce sont nos patients qui nous gratifient par nos honoraires ; et si nous devons être payés par les caisses, c’est qu’on voudrait nous faire rentrer dans une logique comptable : c’est du mercenariat.


La ROSP : « une honte »

Je demande la suppression de cette « prime à la performance », cette P4P qui a changé de nom pour faire plus politiquement correct. C’est une honte pour la profession.


A titre personnel, comme d’autres membres de l’Union Collégiale, nous refusons tout bonnement d’être rémunérés pour la ROSP comme la loi nous le permet et avons même dû la 1ère année rendre les chèques expédiés malgré notre refus.


JIM : Quels sont vos souhaits concernant les différents forfaits ?


Dr Meyer Sabbah : Pas de forfaits ! Un paiement à l’acte à un tarif horaire décent assainirait ce système complexe et perfide.


JIM : Que proposez-vous concernant le développement des MSP ?


Dr Meyer Sabbah : Rien, nous sommes en libéral, ne l’oublions pas, il faut laisser faire chacun comme il veut, il n’y a pas à favoriser tel ou tel mode d’exercice, et surtout pas à le financer. Ce sont les praticiens libéraux qui choisiront leur mode d’exercice selon plusieurs critères et les patients qui plébisciteront ou pas ce mode d’exercice qui permettront de développer ou pas les MSP. Il faut arrêter de vouloir faire le bonheur des gens malgré eux !


Nous ne faisons pas partie des syndicats qui veulent imposer un mode d’exercice à l’ensemble de la profession.


CPTS : un « nouveau machin pour enterrer la médecine libérale »

JIM : Que proposez-vous concernant le développement des CPTS ?


Dr Meyer Sabbah : Absolument rien car c’est loin d’être notre tasse de thé.


C’est encore un autre outil, un autre machin pour enterrer la médecine libérale. Même ceux qui ont été volontaires pour y participer nourrissent désormais de nombreuses critiques envers ces CPTS, parce qu’ils se sentent broyés par cette machine.


JIM : Quel regard portez-vous sur le développement de professions intermédiaires ?


Dr Meyer Sabbah : La mode est au nivellement par le bas en France, dans tous les domaines.


Cette tendance repose sur une démagogie pure qui va continuer à faire couler la médecine française, on ne me ferra jamais croire qu’un « sous-médecin » travaillera aussi bien qu’un médecin. Tout ceci ressort uniquement de la logique comptable : réduire le prix des actes médicaux faits par les médecins pour en réduire le coût.


Le résultat, nous l’avons : la place de médecine française selon l’OMS a dégringolé en 20 ans de la 1ère à la 16ème place. 


JIM : La réforme des retraites semble en suspens, qu’attendez-vous des pouvoirs publics sur ce point ?


Dr Meyer Sabbah : Qu’est-ce que j’espère des pouvoirs publics : rien.


Ça fait longtemps qu’il aurait fallu faire quelque chose et l’État a toujours fait l’autruche. Concernant les médecins, Gérard Maudrux avait fait maintes propositions toujours refusées. Désormais, nous sommes proches du gouffre. Ce que je demanderai sans y croire, c’est qu’il n’y ait pas un racket sur les provisions faites par les médecins à leurs dépens : mais je serais étonné que nous ayons une bonne surprise. Tous ceux qui ont été vertueux et ont permis de constituer des réserves seront spoliés : cela semble la logique appliquée dans notre pays qui paraît préférer récompenser ceux qui ne font pas d’efforts…


JIM : Pensez-vous qu’une nouvelle réflexion devrait être engagée concernant le système actuel de sectorisation ?


Dr Meyer Sabbah : La sectorisation permet une meilleure organisation de l’offre de soins à condition qu’elle ne soit pas trop rigide. C’est typiquement un domaine où les pouvoirs publics devraient s’investir et montrer leur efficacité.


Mais je ne m’estime pas assez compétent dans ce domaine pour faire davantage de recommandations sur cette question.


JIM : Estimez-vous que les indemnisations allouées aux médecins libéraux pour compenser leurs pertes de revenus liées à la crise sanitaire ont été suffisantes ?


Dr Meyer Sabbah : Sans faire dans la démagogie, il est évident que non : les indemnisations ne compenseront pas le manque à gagner. Mais il y a des personnes bien plus mal loties que nous en France actuellement : nous pouvons encore travailler, ne nous plaignons pas trop.


Le problème est ailleurs : s’il y avait eu des honoraires médicaux décents, il n’y aurait même pas eu besoin de verser d’indemnités que l’on aurait pu garder pour des professions plus impactées.


« Le système conventionnel est devenu malsain »

JIM : Vous souhaitez « sortir du système conventionnel », comment cela pourrait-il être réalisé en pratique et par quel « système » serait-il remplacé ?


Dr Meyer Sabbah : Si je voulais sortir du système conventionnel, je serai en secteur 3.


Je souhaiterais que l’ensemble des médecins sortent d’eux-mêmes et se mettent tous en secteur 3 en guise de protestation.


L’objectif serait surtout de transformer le système conventionnel car il a été dévié de ses objectifs pour devenir malsain.


Mais c’est une utopie et les appels en ce sens n’ont d’ailleurs jamais vraiment été suivis.


La meilleure preuve de cette déviance en est le fonctionnement des syndicats médicaux qui sont financés à hauteur de près d’un million d’euros par an en signant la convention.


Sur ce sujet, nous avons entamé depuis 10 ans des procédures qui viennent de nous amener récemment (8 octobre 2020) à un succès auprès du Tribunal Administratif qui contraint la CNAM à nous fournir tous les comptes de 2011 à 2014 des sommes allouées dans ce cadre avec le détail des dépenses.


L’objectif est de ne plus faire dépendre ce versement à la signature de la convention. Ainsi nous aidons les autres syndicats : il faut les dédouaner de cette emprise, qu’ils soient vraiment libres de signer ou non.


A ce sujet, le vote du dernier PLFSS pourrait amener à remplacer cette prime à la signature par une nouvelle cotisation obligatoire déléguée aux URPS, ce n’est pas satisfaisant non plus…


« Nous continuerons à poursuivre les auteurs de la tribune « anti fakemed »

JIM : Vous avez attaqué en son temps la tribune « anti fakemed », souhaitez-vous que la question du déremboursement de l’homéopathie soit reconsidérée ?


Dr Meyer Sabbah : Nous avons attaqué les médecins qui ont signé cette tribune et continuons à les poursuivre. Cette tribune n’est pas admissible ni confraternelle.


L’étroitesse d’esprit prouve le manque d’esprit scientifique : les scientifiques doutent et les auteurs de ce texte, eux, sont sûrs de leur croyance.


On nous avance que les résultats de l’homéopathie ne sont pas statistiquement significatifs : ceux qui font ces affirmations ne connaissent rien aux statistiques !


Je ne développerai pas ici dans le détail tous les arguments médicaux, économiques et psychologiques favorables au remboursement de l’homéopathie. J’avancerai juste sur le terrain de la démocratie sanitaire qui s’oppose au totalitarisme sanitaire (imposé à l’occasion de la crise de la COVID 19) : de quels droits une poignée de pseudo-scientifiques intolérants imposeraient leur diktat à 72% de la population se soignant occasionnellement ou régulièrement par l’homéopathie avec satisfaction ?


On me dit que la démocratie sanitaire ce n’est pas de décider de la prise en charge par la sécurité sociale en fonction de l’avis des gens : mais alors qui décide ? et au nom de quoi ? car c’est celui qui paie (charges et impôts) qui devrait décider. 


Pour finir sur ce point, je citerai le titre de la pétition que nous avons lancée : « Je ne voterai pas (plus) pour les fossoyeurs de l’homéopathie ».


JIM : Quel regard portez-vous sur la gestion de la crise sanitaire ?


Dr Meyer Sabbah : Aujourd’hui nous sommes en dictature sanitaire. C’est la suite logique de l’hystérie collective organisée dès le mois de mars 2020.


J’illustrerai mon propos avec trois chiffres officiels importants et édifiants : l‘âge moyen des patients décédés « plus ou moins du COVID » (84 ans selon Santé publique France), l’espérance de vie (83,25 ans en 2019 selon l’INSEE) et le taux de mortalité de la population française comparé aux années précédentes (+ 9% par rapport à 2019). Ces trois données permettent de relativiser la gravité de la crise. Bien sûr, il fallait porter une attention particulière à ce Covid : je ne verse pas dans le complotisme, mais probablement pas jusqu’à paralyser un pays pendant un an…


J’aimerais aussi pointer ce que je qualifie désormais de « folie vaccinale ». Nos autorités ont fait fi de toute prudence. Surtout que la protection conférée par ces vaccins me paraît très relative : de l’ordre de 70 à 90% et mal étudiée chez les personnes âgées et semble-t-il peu durable. 


Pour l’avenir qu’on se souvienne de ceux qui nous promettaient 5 millions de morts du H1N1 et de l’encéphalopathie spongiforme, restons humbles face au phénomène actuel : les vrais épidémiologistes vous diront que personne ne sait quand et pourquoi les épidémies s’arrêtent.


Quand à ceux de mes confrères, notamment dans les syndicats, qui sont en permanence dans la surenchère du laver plus blanc que blanc, qu’ils se rappellent surtout qu’à l’heure actuelle les lits de réanimation sont loin d’être saturés et qu’il serait très simple et peu couteux de les augmenter (cf. la proposition de Gérard Maudrux), tandis que le nombre de cas positifs n’est pas une information pertinente mais tout juste médiatique. 


Pour conclure sur ce point je reprendrai volontiers ce slogan : je veux bien que la COVID me tue mais pas qu’elle m’empêche de vivre !


Propos recueillis par Frédéric Haroche



Source : jim.fr

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