"La Vie Hospitalière"

samedi 10 août 2019

Une bactérie résistante aux antibiotiques se propage dans les hôpitaux européens


Klebsiella pneumoniae, une bactérie multirésistante aux antibiotiques, a fait plus de 2.000 victimes en Europe en 2015.
L’Organisation mondiale de la Santé l’a inclus dans la liste des 12 bactéries contre lesquelles il est urgent de trouver de nouveaux antibiotiques. Selon une étude publiée fin juillet dans Nature Microbiology, la bactérie Klebsiella pneumoniae fait de plus en plus de dégâts. 
En 2015, elle a coûté la vie à 2.094 personnes en Europe, contre «seulement» 341 en 2007. En cause, sa forme résistante aux antibiotiques, de plus en plus répandue dans les hôpitaux européens, à l’origine d’infections nosocomiales face auxquelles les médicaments sont impuissants.
La menace n’est pas récente. En France, en 2011, 13 patients avaient ainsi été contaminés par une patiente porteuse d’une Klebsiella pneumoniae multirésistante à Massy (Essonne). Plus récemment, en septembre 2018, six nouveau-nés sont décédés suite à une infection par la bactérie contractée dans un hôpital du sud de Johannesburg (Afrique du Sud).
Une bactérie inoffensive devenue très dangereuse
Naturellement présente dans le tube digestif et l’appareil respiratoire humain, Klebsiella pneumoniae peut parfois provoquer des infections. La bactérie est connue pour ses capacités de résistance à un certain nombre d’antibiotiques. Quand aucun ne fonctionne, il reste les carbapénèmes, des antibiotiques qui constituent la dernière ligne de défense. Mais là encore, la bactérie peut parvenir à leur résister. Invulnérable, elle peut alors provoquer des infections urinaires ou respiratoires, voire des infections généralisées qui, dans certains cas, entraînent le décès du patient.
Afin de mieux comprendre comment ces bactéries se propagent, les auteurs de l’étude ont analysé 1.700 échantillons de Klebsilla pneumoniae provenant de 244 hôpitaux situés dans 32 pays européens. Les chercheurs ont séquencé l’ADN des microbes afin de relever par quels mécanismes ils résistent aux antibiotiques, mais aussi pour retracer l’arbre généalogique des différentes souches bactériennes retrouvées.
«Le risque de transmission de ces bactéries en dehors de l’hôpital est faible.»
(Pr Jean-Christophe Lucet, en charge de la prévention des infections nosocomiales à l’hôpital Bichat).
Pour plus de la moitié des décès survenus en 2015, la contamination a eu lieu au sein même de l’hôpital. «Le risque de transmission en dehors de l’hôpital est faible car il faut qu’il y ait un échange d’un tube digestif à l’autre», explique le Pr Jean-Christophe Lucet, en charge de la prévention des infections nosocomiales à l’hôpital Bichat (Paris). La bactérie est particulièrement active dans les hôpitaux en Italie, Turquie, Espagne et Grèce.
Les services de santé sur le front des antibiorésistances
Depuis quelques années, la vigilance est maximale. «Lorsque des personnes ont été hospitalisées dans des pays où la forme ultrarésistante est très répandue, nous réalisons un test de dépistage», explique le Pr Lucet. «Un prélèvement est fait au niveau du rectum à l’aide d’un coton-tige afin de déterminer si le patient est porteur de bactéries multirésistantes». Afin de prévenir les transmissions à l’intérieur même des hôpitaux, des mesures spéciales ont également été mises en place. «Les patients suivis par les mêmes équipes soignantes que ceux porteur d’une bactérie multirésistante sont également dépistés systématiquement. Et en cas d’épidémie (plus de deux cas), une équipe de soin sera dédiée à ces cas uniquement», souligne le médecin.
Les infections nosocomiales (contractées à l’hôpital) sont loin d’être anecdotiques: un patient hospitalisé sur 20 est concerné en France et on estime que 33.000 personnes meurent chaque année en Europe suite à une infection provoquée par une bactérie multirésistante. Le centre européen de prévention et de contrôle des maladies estime que 3 fois sur 4, la contamination se fait à l’hôpital ou lors de soins. Face à cette menace croissante, le développement de nouveaux antibiotiques est un enjeu sanitaire de taille qui se heurte toutefois à des difficultés de financement. D’autres solutions sont à l’étude, comme la phagothérapie, qui a recours à un type particulier de virus capables de s’attaquer aux bactéries.
Article d'Edovie Allier

Source : sante.lefigaro.fr

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