"La Vie Hospitalière"

jeudi 1 août 2019

De quel droit l’Etat français pourrait-il s’autoriser à violer le secret de la conception ?


C’est peu dire, à la veille de sa présentation en conseil des ministres, que le projet de loi de bioéhique fait monter la température 1. L’un des points les plus délicats (mais très rarement abordé jusqu’à présent dans les médias) concerne l’éventuelle inscription du mode de conception sur l’acte de naissance de l’enfant. 
Deux camps, deux idéologies, deux philosophies s’opposent pour établir la filiation des enfants conçus par assistance médicale à la procréation (AMP, ou PMA) avec don de gamètes (spermatozoïdes ou ovocytes) par une déclaration spécifique. Soit réserver cette déclaration aux couples de femmes, soit l’étendre à tous les couples hétérosexuels et aux femmes célibataires.
Cette déclaration serait mentionnée sur toute copie intégrale de l’acte de naissance et révélerait ainsi le mode de conception de l’enfant. Si le président de la République, le gouvernement et finalement le Parlement confirmait ce dernier choix se confirmait ce serait, tout bonnement, une discrimination des citoyens en fonction de leur mode de conception.
En quoi est-il nécessaire d’inscrire une telle mention sur un document administratif ? Il faut ici lire la tribune, dans Le Monde, de Laurence Brunet, juriste, spécialiste en droit de la famille, chercheuse associée à Paris-I Panthéon-Sorbonne, Stéphane Viville, professeur, biologiste de la reproduction et généticien, CHU de Strasbourg et Martine Wonner, députée (LRM) du Bas-Rhin, vice-présidente de la commission des affaires sociales : « Informer un enfant sur la façon dont il a été conçu doit être une décision libre d’entrave ». 
Extrait :
« Certains arguent qu’une telle mention sur l’acte de naissance ‘’obligera’’ le(s) parent(s) à divulguer à leurs enfants leur mode de conception par recours à un tiers donneur. Où allons-nous si l’Etat oblige, même de manière masquée, les parents à révéler le mode de conception à leurs enfants, au prétexte qu’ils ont eu recours à une AMP avec tiers donneur ? Ce sont les mêmes, ceux qui souhaitent instaurer cette règle, qui dénoncent le rôle de l’Etat comme instigateur d’un secret. D’un côté, ils s’offusquent que l’Etat puisse détenir et conserver au secret une information sensible, l’identité du donneur ; de l’autre, ils voudraient que l’Etat incite fortement, en prenant une mesure quasi coercitive, les parents à divulguer le mode de procréation à leurs enfants, lors d’un recours à un tiers donneur. Pourquoi tantôt dénoncer l’intrusion de l’Etat dans la sphère personnelle, tantôt la plébisciter ? »
Voilà qui est fort bien résumé. Et encore:
« Nous estimons que la divulgation à l’enfant de sa conception doit rester une décision de son ou de ses parents, libre de toute entrave et pression extérieure. Inscrire sur un acte officiel public, comme l’est l’acte de naissance, ce qui relève du dossier médical, revient à interférer avec la sphère privée du couple ou de la femme célibataire. Nous ne voyons pas ce qui justifierait que l’Etat s’immisce de la sorte dans la vie privée de certaines familles. Que notre propos ne soit pas mal compris. Nous sommes pleinement favorables à ce que les personnes conçues avec l’aide d’un tiers donneur aient accès, si elles le souhaitent, à l’identité de leur donneur à partir de leur majorité. Il nous semble que la procédure prévue actuellement pour les couples hétérosexuels, qui doivent consentir au don de gamètes devant un notaire, pourrait de manière satisfaisante être étendue aux couples de femmes et aux femmes seules. »
Où l’on voit, une nouvelle fois les errances auxquelles peuvent conduire certains beaux esprits qui, se piquant de transparence à outrance, nous rapprochent chaque jour un peu plus de l’enfer orwellien. Nous y reviendrons un jour prochain.
Jean-Yves Nau
Source : jeanyvesnau.com
Pour consulter le blog de Jean-Yves Nau (journaliste et docteur en médecine)




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