"La Vie Hospitalière"

vendredi 16 août 2019

Cet été, le nombre de services d'urgence en grève a doublé en France


Les rangs des services d’urgence en grève continuent de gonfler, malgré le déblocage de 70 millions d’euros par le ministère français de la Santé et une période estivale peu favorable aux mouvements sociaux. Le point avant la rentrée.
Ils étaient 68 en mai, une centaine en juin et désormais 218 : les services d’urgence en grève continuent d’augmenter en France, vendredi 16 août, après plusieurs mois de mobilisation et malgré le déblocage d’une enveloppe de 70 millions d’euros avant l’été pour tenter d’apaiser les personnels de santé. Le ministère de la Santé a annoncé mercredi, pour sa part, en avoir recensé 195 en grève.
“La mobilisation est loin de se ternir avec l’été malgré ce qui avait pu être espéré par le gouvernement : en l’espace d’un mois et demi, on a doublé le nombre de services en grève”, explique Orianne Plumet, vice-présidente du Collectif Inter-Urgences (CIU) – un collectif composé de paramédicaux urgentistes qui dit "alerter sur la mise en danger des patients et des soignants" –, contactée par France 24.
Le gouvernement avait pourtant annoncé, le 14 juin dernier, une enveloppe de 15 millions d'euros afin de "permettre aux services d'urgence en tension" de "renforcer leurs effectifs paramédicaux durant la période estivale et de maintenir ainsi un maximum de lits ouverts". Les 55 millions d’euros restants de l’enveloppe ont par ailleurs été consacrés à la généralisation et à la revalorisation d'une prime de 100 euros net mensuel, versée dès juillet "à tous les professionnels des services d'urgence (hors médecins)", selon le Ministère de la Santé.
Mais on estime du côté du CIU que ces annonces n’ont pas suffi. “Beaucoup de collègues  n’ont pas vu de renforts arriver dans leur service”, explique Orianne Plumet. “Très peu de postes ont été créés pour pallier cet été les sous-effectifs, ce qui a un peu renforcé le sentiment d’insécurité qu’il peut y avoir aux urgences de manière quotidienne, et encore plus en période estivale quand les lits d’aval (des lits d'hospitalisation après le passage par les urgences, NDLR) ferment et que les patients se retrouvent à passer plusieurs jours sur des brancards.”
“Il ne faudra pas qu’il y ait deux cas d’urgence absolue simultanées”
Il est vrai que les patients sur des brancards ont alimenté la chronique cet été. Un patient âgé de 70 ans a passé plus de six jours sur un brancard au centre hospitalier de Saint-Quentin (Aisne). Un autre, âgé de 72 ans, a passé 5 jours à l’hôpital sans chambre au CHU de Saint-Étienne (Loire). À cela s’ajoutent les fermetures estivales de lits ou des “flux” – le nombre de patients reçus quotidiennement dans les services d’urgence – qui augmentent l’été dans les hôpitaux du sud de la France en raison des vacanciers.
L’augmentation du nombre de services d’urgence en grève peut aussi avoir une cause structurelle, comme l’explique Orianne Plumet : “Le groupe de coordination du CIU a permis de prendre contact avec de plus en plus de services d’urgence cet été. Cela a permis de répondre aux questions et de rassurer les équipes sur comment se déroule une grève, puisque finalement la majorité des équipes – souvent jeunes – n’ont jamais fait de mouvement social.”
Les revendications du mouvement semblent, quant à elles, loin d’être satisfaites en l’état. Le CIU demande une amélioration des conditions de travail des personnels d’urgence par “le recrutement de 10.000 équivalents temps plein sur tout le territoire”, avec une répartition des nouveaux effectifs en fonction des besoins locaux. Cette situation a été en partie réglée localement, comme pour les hôpitaux parisiens où l’APHP devrait créer 230 postes dans les services d’urgence.
“On demande également un arrêt de fermeture des lits d’aval ainsi que le maintien d'équipes de SMUR" (les structures mobiles d'urgence et de réanimation mobilisées pour les interventions d’urgence ou les transports interhospitaliers, NDLR), précise Orianne Plumet. L’exemple récent de l’hôpital de Lons-le-Saunier ne va pas dans ce sens, la direction de l’établissement ayant décidé de supprimer sa deuxième ligne de SMUR. Avant cela, elle sera fermée du 19 au 31 août, faute de personnel. “Cela veut dire que durant cette période, il ne faudra pas qu’il y ait deux cas d’urgence absolue simultanées parce qu’il n’y aura qu’un camion de Samu”, explique la vice-présidente du CIU.
De “nouvelles mesures à la rentrée” annoncées par Agnès Buzyn
La dernière revendication portée par le mouvement consiste en une revalorisation salariale, à hauteur de 300 euros net par mois. Le ministère de la Santé a partiellement accédé à cette demande en versant dès juillet une prime de 100 euros net mensuel aux personnels qui travaillent dans les services d’urgence. “Mais c’est une véritable revalorisation qu’on demande, pas juste une prime qui n’est pas pérenne”, nuance Orianne Plumet.
Peut-être que des réponses seront apportées à ces revendications dans le rapport “Meslier-Carli”, demandé par le ministère de la Santé et dont la publication, prévue courant novembre, pourrait amener une réorganisation des services d’urgence. Le député (LREM) Thomas Meslier, contacté sans succès par France 24, et le chef du Samu de Paris, le Pr Pierre Carli, auditionnent depuis le début de l’été des professionnels de santé de tous horizons afin de dégager des “propositions concrètes de refondation des services d’urgence”.
La ministre de la Santé n’entend cependant pas attendre le mois de novembre pour faire des annonces. Mercredi, le ministère a expliqué qu’Agnès Buzyn “annoncera dès la rentrée de nouvelles mesures issues des premières recommandations" du rapport. Dans le même temps, le Collectif Inter-Urgences conviera à son assemblée générale des services aspirant à de meilleures conditions de travail – comme les services psychiatriques ou les Ehpad – pour trouver des points de convergence.

Source : france24.com


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