"La Vie Hospitalière"

vendredi 16 août 2019

Grève aux urgences : "On ne peut plus continuer comme cela", témoignent les soignants à l'hôpital de Bastia


Cinq mois après le début du mouvement, la liste des services d’urgences en grève ne cesse de s’allonger. À Bastia, en Corse, les personnels racontent leur épuisement.
"Aujourd'hui, il y a en moyenne 5 heures 30 d'attente, explique une soignante, et c'est une 'bonne moyenne, les patients n'ont pas trop attendu". Dans les couloirs des urgences de Bastia en Corse, en grève comme 220 services en France, une quinzaine de patients attendent sur des brancards. À la mi-journée, il y a déjà eu 58 admissions et les dossiers continuent d'arriver.
Épuisement physique et moral
Séverine Géronimi voit arriver un homme qui présente un traumatisme crânien. Cette infirmière a pris son service à 7 heures du matin. Depuis, elle n’arrête pas. "C'est aussi cela les urgences, on est tout le temps sollicités, avec les coups de téléphone. On va aussi à droite et à gauche. Il y a tellement de monde, qu'il faut avoir tout le monde en visuel et savoir qui installer en priorité", confie-t-elle. Séverine avoue qu'elle a un travail qui n'est "pas évident", "il faut toujours être concentré sur son travail".
Comme ses collègues infirmiers et aide-soignants, elle porte sur sa blouse un autocollant "En grève". "Depuis le 24 juillet, on a rejoint le collectif Inter-urgences pour être solidaire avec le mouvement national et ses revendications, et pour mettre en évidence les problèmes qu'il y a chez nous", explique Séverine qui n'a pas été convaincue par la prime de 100 euros par mois débloquée par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, mi-juin.
"Je pense qu'ils ne se rendent pas bien compte de ce que nous vivons au quotidien, de la souffrance physique et morale des patients et du personnel", raconte cette infirmière qui touche un peu moins de 2.000 euros par mois, après 15 ans passés aux urgences de cet hôpital.
Des patients obligés d'aller se soigner sur le continent
Les grévistes dénoncent des conditions de travail difficiles, un manque de moyens et de personnels, et des locaux vétustes et trop petits. Les urgences de Bastia sont engorgées. Dehors, devant l'entrée, une file d'ambulances et de véhicules de pompiers attendent que des brancards se libèrent. À l'intérieur, les infirmières essaient de faire de la place pour accueillir les nouveaux patients.
Au milieu du couloir, Pierre-Louis tient la main de sa femme, victime d'un malaise. Elle est allongée sur un brancard. Cela fait un peu plus d'une heure qu'ils attendent de voir un médecin. "Apparemment, il n'y a pas assez de personnels. Malgré toute leur bonne volonté, ils n'arrivent pas à faire face", constate l'époux," je vais souvent à Marseille à cause d'un cancer parce qu'ici on n'a pas les traitements adéquats, et c'est le même problème, les mêmes conditions de travail. C'est un problème national. Il faudra bien qu'un jour, les gens qui sont aux manettes prennent conscience de cette lacune. On ne peut pas perdurer dans cette situation."
Bientôt des travaux d'agrandissement
Prévues pour prendre en charge 50 patients par jour, les urgences de Bastia en accueillent le double, voire le triple en période estivale. "On ne peut plus continuer comme cela, ce n'est plus possible", dit André de Caffarelli, chef du service. "Il va falloir que l'État mette la main à la poche parce qu'il faut agrandir les locaux. À certains endroits, il faut sans doute embaucher du personnel. On veut bien travailler, mais il faut nous aider maintenant."
Le directeur de l’hôpital de Bastia partage ce constat. "L'urgence absolue, c'est de continuer à moderniser cet hôpital. Nous avons un nombre insuffisant de boxes, de postes de déchoquage et de lits d'hospitalisation de courte durée", dit Pascal Forcioli.
Fin juillet, l'Agence régionale de santé (ARS) s'est engagée à financer, à hauteur de 1,5 million d'euros, un projet de rénovation des urgences. Mais pour Séverine Mason, infirmière et déléguée CGT, on habille Paul pour mieux déshabiller Jacques. "D'un côté, on nous promet des locaux un peu plus adaptés, et d'un autre côté, on va nous enlever des lits dans l'hôpital, ce qui va engorger encore plus les urgences."
À l’entrée, un camion de pompiers amène un jeune homme sur un brancard. En vacances en Corse, il a fait une mauvaise chute dans une piscine et souffre des cervicales. Il fait partie des 114 patients admis ce jour-là, deux fois plus que ce que les urgences de Bastia peuvent normalement accueillir.
Article de Matthieu Mondoloni
Source : francetvinfo.fr

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