"La Vie Hospitalière"

dimanche 26 janvier 2020

Un virus chinois et tant de questions


DÉCRYPTAGE - Le ministère français de la Santé a annoncé samedi la mise en place d'une équipe de médecins et d'infirmiers à Roissy. Les scientifiques, qui ignorent la dangerosité réelle du nouveau spécimen, appellent à ne pas céder à la panique.

Tout ce qu'on sait, c'est qu'on ne sait rien, avouent en chœur des experts pas plus inquiets que cela. Mais dans le doute et alors que la propagation de l'infection à la France n'est plus exclue, une application plus stricte du principe de précaution semble désormais prévaloir. 
À partir de dimanche, a-t-on appris samedi soir, une équipe médicale de plusieurs dizaines de médecins et d'infirmiers est chargée d'accueillir, à l'aéroport de Roissy, les voyageurs en provenance de Chine présentant les symptômes d'une infection par le virus de Wuhan (un coronavirus baptisé 2019-nCoV). Les trois patients français touchés, qui vont bien, avaient tous séjourné dans cette ville où la maladie est apparue en décembre.
En Chine, plus de 56 millions de personnes étaient samedi coupées du monde. Après ceux de Wuhan, les habitants de douze autres agglomérations de la province du Hubei, dans l'est du pays, sont à leur tour en quarantaine. La situation est "grave", a avoué samedi le président Xi Jinping, évoquant une épidémie qui "s'accélère". Les contrôles sanitaires des voyageurs sont systématiques dans les trains. Lundi, les séjours en groupe à l'étranger ou les réservations d'hôtels par les agences de voyages seront aussi interdits. De leur côté, les autorités de Hongkong ont déclenché samedi le niveau d'alerte sanitaire maximal et mis en place des mesures drastiques : fermeture des écoles ou annulation du marathon de la ville.


Une virulence encore inconnue
Le nouveau spécimen chinois, qui donne de la fièvre, fait tousser et peut causer des difficultés respiratoires, voire une pneumonie, est-il plus dangereux que les virus grippaux qui nous assaillent chaque hiver? 
Pour répondre à cette question, il faut attendre de connaître le taux de mortalité associé au 2019-nCoV. Selon le dernier bilan en Chine, sur les 1.300 personnes testées positives, 41 sont mortes, soit environ 3%. Mais seuls les patients touchés par des formes graves ou ayant des symptômes importants ont été recensés. "On ne voit en ce moment que le sommet de l'iceberg, explique le professeur de virologie Bruno Lina. Le nombre réel de cas est plus grand car les formes légères ne sont pas comptabilisées."
Selon cet éminent expert, le taux de mortalité devrait être inférieur à 3%. "Ça signifie que 97% des personnes infectées guérissent spontanément, ajoute-t-il. Le virus n'est pas anodin et peut durement atteindre des personnes âgées ou malades, mais il est moins dangereux que le Sras [syndrome respiratoire aigu sévère] et le Mers [syndrome respiratoire du Moyen-Orient]." Durant l'épidémie de Sras en 2002-2003, le taux de mortalité avait atteint 9,5% ; pour l'épidémie de Mers, toujours en cours, il est de 34,5%.
La comparaison avec la grippe semble plus judicieuse. L'an dernier, elle a touché en France 1,8 million de personnes et provoqué 9.000 décès. Le professeur Yazdan Yazdanpanah, spécialiste de maladies infectieuses et membre de l'équipe qui prend en charge à Bichat deux des trois patients français, se montre lui aussi rassurant : "Les personnes touchées sont dans un état moins grave qu'avec le Sras."
Le troublant malade sans symptômes
L'étude d'une équipe de l'université de Hongkong publiée vendredi par The Lancet offre un éclairage inquiétant sur le coronavirus. Elle relate le cas de sept membres d'une même famille de Shenzhen (sud de la Chine) ayant séjourné à Wuhan entre le 29 décembre et le 4 janvier. 
Après examens, six des sept personnes étaient diagnostiquées comme porteuses du 2019-nCoV. Parmi elles, un garçon de 10 ans ne présentait pourtant aucun symptôme clinique (fièvre, toux…). Ce n'est qu'après une radiographie des poumons, réalisée sur insistance de ses parents, que les médecins ont détecté la maladie. De tels patients, porteurs du coronavirus sans qu'ils le sachent, pourraient être des vecteurs importants de propagation de l'épidémie. L'étude préconise donc, outre l'isolement des cas avérés, "de tracer et de mettre ceux avec qui ils ont été en contact en quarantaine aussi tôt que possible parce qu'une infection asymptomatique apparaît possible".
Un risque épidémique
L'intensité de la transmission d'homme à homme est une autre inconnue majeure. Pour la mesurer, les spécialistes cherchent à évaluer le nombre moyen de personnes qu'un malade contagieux peut infecter (taux de reproductibilité primaire). Quand il est inférieur à 1, le nombre de nouveaux cas décline assez vite. Quand il est supérieur à 1, par contre, le risque d'épidémie est important. Il est de 1,5 pour la grippe et de 16 pour la rougeole. "Dans le cas du virus chinois, le taux pourrait varier de 1,5 à 2,4, mais les données ne sont pas assez robustes," explique Bruno Lina. "On peut faire l'hypothèse qu'il se transmet aussi bien que la grippe."
Des cordons sanitaires nécessaires
Pour le scientifique, il est peu probable que le reste de la planète soit épargné. "L'enjeu actuel est de ralentir la diffusion du virus. En mettant en place des cordons sanitaires, les Chinois nous font gagner du temps. Mais si des cas émergent partout, Pékin va arrêter ces mesures et le virus va se répandre." Comme c'est le cas depuis vendredi en France, tout patient atteint doit être placé à l'isolement pour éviter la contagion. 
À Bichat, les chambres à pression négative sont dotées d'un sas d'entrée et d'un sas de sortie. En parallèle, des équipes de Santé publique France mènent trois enquêtes épidémiologiques pour repérer les personnes qui ont pu être en contact avec les trois patients. De manière générale, pour éviter d'être contaminé, quelques mesures simples sont efficaces : se laver les mains, tousser dans le creux de son coude ou dans un mouchoir qu'on jette.
Des hôpitaux préparés
Dans l'hypothèse où l'Hexagone serait frappé par une épidémie d'ampleur, le système sanitaire est-il prêt à y faire face? Pour que tout se passe bien, il faudrait impérativement que les consignes des autorités soient respectées par la population : en cas de symptômes grippaux à la suite d'un séjour en Chine ou de contact avec une personne ayant voyagé dans ce pays, il convient d'appeler le 15 et d'éviter de se rendre chez le médecin ou aux urgences. On sait qu'un grand nombre de malades du Sras et du Mers ont été infectés dans des lieux de soins.
Pierre Carli, le responsable du Samu de Paris, assurait samedi que, malgré des appels un peu plus nombreux, la situation était sous contrôle grâce à des procédures bien rôdées et répétées maintes fois. 
De son côté, le Collectif Inter-Hôpitaux, composé de personnels grévistes, faisait observer que la prise en charge d'un afflux soudain de patients pourrait être compliquée pour des hôpitaux déjà en surchauffe.

Source : lejdd.fr

1 commentaire:

GP a dit…

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé via Twitter le lancement d’un site d’information sur le coronavirus ayant vocation à être régulièrement mis à jour en fonction de l’évolution de la situation.

#CORONAVIRUSFRANCE : le @gouvernementFR met en place un site internet pour vous informer sur l'évolution de la situation, les mesures prises par les autorités et les recommandations sanitaires à suivre : https://t.co/UbOoCIFr52
— Agnès Buzyn (@agnesbuzyn) January 25, 2020