"La Vie Hospitalière"

vendredi 10 janvier 2020

Liens d’intérêts entre CHU et labos : «L’Etat doit plus s’impliquer avec les médecins»


Une enquête révèle qu’en 2018 les labos ont versé 92,4 millions d’euros aux médecins. Pour le Dr Grégoire Moutel, représentant du syndicat qui fédère les entreprises du médicament, l’Etat doit s’impliquer et investir dans ses médecins.
Pour se conformer à la loi de 2011, dite de sécurité du médicament, le Leem, syndicat qui fédère les entreprises du médicament exerçant en France, a mis en place un dispositif pour prévenir les conflits d'intérêts entre labos et médecins.
Alors qu' une enquête exclusive, menée par un collectif d' une quinzaine de journaux, dont Le Parisien, révèle qu'en 2018, les labos ont versé 92,4 millions d'euros aux médecins, le Dr Grégoire Moutel, chargé de la « déontovigilance » au Leem, assure que les « pratiques ont changé ». Et si aucune sanction n'a été prononcée depuis trois ans, il a quelques idées pour faire mieux…
Comment le Leem lutte-t-il contre les risques de conflits d'intérêts ?
DR GRÉGOIRE MOUTEL. Il y a une dizaine d'années, le Leem a créé le Codeem, comité de « déontovigilance » des entreprises du médicament, pour lequel je travaille. Nous y appliquons la charte européenne de prévention des conflits d'intérêts. Le Codeem a vocation à sanctionner les entreprises qui dérogent à cette charte et à la loi française. En cas de cadeau d'une entreprise à un médecin, la sanction encourue pour l'entreprise va de l'avertissement à l'éviction du Leem, c'est-à-dire de toutes les instances représentatives. C'est ce qui s'est passé pour Servier qui a anticipé la sanction. Autre exemple, nous avons interdit, pour l'organisation des congrès, les lieux ludiques ou somptuaires. Et nous avons proscrit les soirées de gala et les dîners avec spectacle.
Comment et qui contrôlez-vous ?
Nous organisons notre veille sur la base d'un tirage au sort annuel d'une centaine d'événements parmi tous ceux qui sont programmés et on regarde ce qui est prévu. Quand quelque chose cloche on le signale, on rappelle la charte et la loi, et on demande des modifications. Parmi les entreprises, ça va mieux, mais il reste des professionnels de santé qui organisent encore des événements qui mériteraient d'être mieux encadrés…
Combien de sanctions avez-vous prononcées ?
Nous n'avons pas prononcé de sanctions contre des membres du Leem depuis quatre ans, car les comportements ont changé. Néanmoins, chaque année, une dizaine de médiations, sorte de rappel des règles, sont nécessaires.
N'y a-t-il rien à améliorer ?
Si. Aujourd'hui, les labos pallient les manquements de l'Etat, qui ne financent pas la formation continue des médecins, leurs déplacements à des congrès internationaux… L'Etat doit s'impliquer. Par ailleurs, la rémunération des médecins par les labos pour un travail particulier est encadrée par des commissions dans les CHU qui sont chargées d'autoriser ces collaborations et donc le cumul avec l'emploi salarié à l'hôpital. Mais si certains établissements plafonnent les rémunérations, tous ne le font pas. Il faudrait une règle nationale avec un même plafond pour tous. Il faut aussi améliorer la base Transparence santé : c'est un progrès, mais telle qu'elle est, elle ne suffit plus. On n'arrive pas à y distinguer les frais de transport d'un médecin qui participe à un congrès, de ceux d'un médecin qui ne participe à rien. Aucun accès n'est possible aux conventions liant médecin et labo pour vérifier le contenu et le respect de ce contenu.
Article de Daniel Rosenweg

Source : leparisien.fr

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