"La Vie Hospitalière"

vendredi 17 janvier 2020

GHEF : brisé, il veut des réponses après la mort à l’hôpital de sa femme enceinte

Rongé par le chagrin depuis le décès de son épouse Lordia Bite-Seholo, samedi, Gasch Nzoungou se livre au «Parisien». Il veut savoir pourquoi sa femme, enceinte, est morte alors qu’elle était hospitalisée pour de l’hypertension à Jossigny.
Les yeux dans le vague, il porte les stigmates du chagrin et de ses dernières nuits cauchemardesques. Gasch Nzoungou, 36 ans, est le compagnon de la femme enceinte qui est décédée dans la nuit du 10 au 11 janvier, alors qu'elle était hospitalisée au sein du Grand Hôpital de l'est francilien (Ghef), site de Marne-la-Vallée à Jossigny (Seine-et-Marne).
Lordia Bite-Seholo, 36 ans elle aussi, attendait une petite fille pour le 21 mars. Elle était enceinte de 7 mois. C'était le premier enfant du couple qui s'est rencontré en 2015 à Brazzaville, capitale de la République du Congo. Là où le fils aîné de Lordia, âgé de 17 ans et issu d'une première relation, vit toujours avec sa grand-mère maternelle.
Elle serait décédée d'une éclampsie
Samedi dernier, vers 7h30, le corps sans vie de Lordia a été découvert au pied de son lit d'hôpital par le personnel soignant. L'enfant qu'elle attendait n'a pas survécu. Selon les résultats de l'autopsie, elle serait décédée d'une éclampsie, une affection grave survenant en fin de grossesse, qui se traduit par des convulsions dues notamment à une hypertension artérielle.
« Ça fait partie des pathologies à risque pendant une grossesse et ça peut très mal se terminer» indique Dominique Laurens, la procureure de Meaux. Elle a été hospitalisée donc c'est bien qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas vendredi. L'enquête [NDLR : pour recherche des causes de la mort] sera longue, il y a des questions médicales à éclaircir et ça nécessite encore des expertises [NDLR : examens toxicologiques et anatomopathologiques]. Le dossier médical va aussi déterminer si tout a été bien observé. 
Gasch n'a pas encore porté plainte contre le Ghef mais il compte le faire dans les prochains jours auprès du commissariat de Lagny-sur-Marne, chargé de l'enquête.
Contactée ce jeudi, la direction du Grand Hôpital n'a pas répondu à nos nouvelles sollicitations.
« C'était le jour de gloire qui arrivait »
Depuis le drame, Gasch a quitté l'appartement qu'il occupait avec sa compagne, rue de l'Industrie à Savigny-le-Temple. Demandeurs d'asile arrivés en France en 2017, ils étaient logés par le 115. Ces derniers jours, il dort sur le canapé de ses parents, installés depuis plusieurs années à Roissy-en-Brie.
« Je suis brisé, je n'ai pas d'appétit ni de sommeil. Elle était tout pour moi et elle est partie avec le bébé. J'ai perdu deux êtres chers qui ne devaient pas mourir », lâche-t-il, digne, alors que son téléphone n'arrête pas de sonner. Ses parents et sa sœur sont à ses côtés dans l'épreuve. « Ils nous ont mis dans le pétrin total, je n'y ai pas cru quand mon fils me l'a appris. On veut savoir ce qu'il s'est passé », souffle le père de Gasch.
Vendredi dernier, le couple s'est rendu à l'hôpital pour honorer un banal rendez-vous de suivi de grossesse. « On attendait ce moment depuis deux mois. C'était le jour de gloire qui arrivait. On allait savoir ce qu'il fallait prévoir avant la naissance de la petite, se souvient-il. Lors des premiers examens, le bébé se portait bien, ma femme aussi, même si sa tension était un peu haute. Mais on ne m'a pas dit à quel niveau. »
Après une prise de sang, Lordia montre quelques signes de fatigue. Sa tension reste haute. Les médecins décident de la garder en observation. « Je l'ai accompagnée dans sa chambre et je l'ai quittée vers 18 heures. Le lendemain, je devais lui rapporter une brosse à dents et quelques vêtements », ajoute Gasch. Avant de partir, il prend sa compagne en photo. Loin de s'imaginer que c'est la dernière fois qu'il lui parle.
« Ma femme ne me regardait plus et le bébé ne bougeait plus. Je parlais à deux morts… »
« J'étais dans le bus en route pour l'hôpital quand on m'a appelé vers 8 heures le samedi. On m'a demandé si j'étais au volant. J'ai dit que non. Puis on m'a annoncé que ma femme était décédée. J'ai raccroché, je n'y croyais pas. J'ai voulu descendre du bus et courir vers elle », se souvient Gasch. Il arrive un peu avant 9 heures à l'hôpital. On lui répète que Lordia est décédée.
« Elle était en parfaite santé, j'ai fait confiance et elle est morte. J'ai demandé pour le bébé et on m'a dit qu'il n'avait pas survécu », s'étrangle-t-il. En colère, il s'isole avec la dépouille de sa compagne. « Je n'ai fait que pleurer et crier. Ma femme ne me regardait plus et le bébé ne bougeait plus. Je parlais à deux morts… »
Il tient à nous faire voir une vidéo datée du 4 janvier. On y voit Lordia tout sourire en train de danser à ses côtés. « C'était une femme joyeuse, simple et tendre. Elle était exceptionnelle. Elle aimait cuisiner et jouer au volley. C'est d'ailleurs lors d'un match que nous nous étions rencontrés. On était heureux de pouvoir avoir un enfant », conclut Gasch. Une fois que le corps sera rendu à la famille, Lordia sera inhumée en République du Congo.


Article d'Alexandre Métivier
Source : leparisien.fr


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