"La Vie Hospitalière"

jeudi 16 janvier 2020

En France, 500 personnes meurent chaque année faute de greffes rénales


Dans une enquête publiée ce mardi, France Transplant s'alarme de la baisse du nombre de transplantations d'organes sur l'année 2018.
Serait-ce une conséquence indirecte de la crise dans les hôpitaux ? L’activité de greffes en France traverse une passe délicate. Le plan greffe 2017-2021 avait fixé un objectif ambitieux, à savoir atteindre au moins 7 800 transplantations d’organes dès 2021. Alors qu’en 2017, la barre des 6 000 transplantations d’organes avait, pour la première fois, été franchie (6 105 greffes exactement, c’est-à-dire le double de l’activité réalisée il y a vingt ans), voilà que l’on apprend que l’année 2018 se révèle mauvaise. Et même inquiétante. On est en effet redescendu à moins de 6 000. Et les conséquences sont lourdes. Selon une enquête de l’association France Transplant sur les greffes rénales, publiée ce mardi, «500 à 600 patients, inscrits sur les listes d’attente, meurent chaque année, faute d’avoir été greffés». Avec ce constat : «Les besoins augmentent beaucoup plus vite que les réalisations. Parmi les 23 828 patients en attente de greffes rénales, plus de la moitié ne pourront vraisemblablement pas recevoir le traitement escompté».
Comme si on n’y arrivait plus. Et que le décalage entre les besoins et la demande croissante ne faisait que s’agrandir. Comment l’expliquer ? L’enquête de France Transplant a été menée en 2018-2019 «afin d’identifier les principaux facteurs limitant l’extension souhaitable des transplantations». Pour ce faire, 100 médecins ou chirurgiens appartenant à 36 centres de transplantation rénale adulte ont reçu un courrier et un questionnaire. L’analyse des résultats est révélatrice des blogages persistants mais aussi du contexte économique. Sans trop de surprise, le facteur principal de limitation des transplantations est «le nombre insuffisant d’organes collectés par les coordinations de prélèvement d’or
Le poids des contraintes économiques
En Espagne, certes le pays le plus efficace en la matière, un record a été pourtant battu en 2019 avec 5 449 transplantations d’organes, grâce à 2 301 donneurs ; le taux est de 48,9 donneurs et 116 organes transplantés par million d’habitants, record du monde. Cela tient à une organisation au carré, et à une forte sensibilisation de l’opinion. En France, on en est très loin (à peine la moitié). Et le taux de refus, par exemple, rapporté au nombre total de donneurs recensés, reste très élevé : près d’un tiers. «Si l’on écarte les cas de donneurs médicalement récusés, ce taux de refus approche les 50%. Cela signifie que chaque fois que deux reins sont prélevés sur un donneur décédé, deux autres reins ne le sont pas car ils sont l’objet d’une opposition», note l’enquête. C’est énorme. «Et ces refus proviennent, non pas d’une opposition du donneur, mais, beaucoup plus souvent, d’une opposition de l’un ou l’autre des proches du défunt.» C’est d’autant plus surprenant que les enquêtes d’opinion montrent qu’aujourd’hui comme hier, plus de huit Français sur dix sont volontaires pour le prélèvement de leurs organes après leur décès. «Malheureusement, peu de donneurs l’écrivent de façon claire, déplore le rapport, et lorsque la question est posée à la famille endeuillée, celle-ci est perturbée par le questionnement et oppose parfois un refus qui n’est pas la traduction de l’opinion de la personne concernée.»
Le deuxième facteur de pénurie est «l’effectif insuffisant en médecins, chirurgiens et anesthésistes-réanimateurs». Les greffes subissant, en creux, le poids des contraintes économiques qui pèsent aujourd’hui sur l’hôpital. Exemple : une «astreinte» néphrologique dédiée à la transplantation existe seulement dans 5 centres sur 33, tandis qu’une «garde sur place est trouvée dans 18 centres et une astreinte polyvalente dans 10 centres». Comment être prêt ? Les effectifs de néphrologues s’occupant des malades greffés sont largement insuffisants. En quinze ans, le nombre de patients suivis par chaque néphrologue a pourtant augmenté de 20%.
Un développement bloqué
Plus généralement, France Transplant souligne que «les moyens financiers effectivement disponibles dans les services de transplantation sont perçus comme trop faibles». Ils ne permettent pas de faire face à l’activité actuelle des greffes. «Les moyens actuels limitent toute initiative nouvelle», note encore l’enquête, qui précise qu'«aucune réorganisation conduisant à plus d’efficience et à un accroissement significatif du nombre de transplantations ne pourra se faire à budget constant». De même, «l’effectif insuffisant en infirmières et autres personnels paramédicaux» est pointé. Ce qui est confirmé par l’enquête de la société de néphrologie, où la mauvaise disponibilité des blocs opératoires, le manque de temps de coordination de transplantation et l’insuffisance de néphrologues bloquent tout développement.
Enfin, les enquêteurs pointent que «la recherche de donneurs vivants volontaires est jugée non optimale». Et c’est d’autant plus dommage que dans le cas de greffes avec donneur vivant, «les bénéfices pour le malade sont évidents : absence d’attente et réduction considérable de complications, taux de succès plus élevé, durée de fonctionnement du greffon plus prolongé, etc.». «Le moment est vraiment inquiétant, lâche le professeur Jean-Louis Touraine, qui préside France Transplant. Ce sont des vies que l’on perd.»

Source : liberation.fr


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