"La Vie Hospitalière"

jeudi 9 mai 2019

Scandale des Ehpad privé: le récit poignant de Hella Kherief, aide-soignante


Hella Kherief a été licenciée après avoir dénoncé dans « Envoyé spécial » le traitement indigne réservé aux pensionnaires des Ehpad privés. Son livre coup de poing, « le Scandale des Ehpad » paraît ce jeudi. 

Son visage vous dit quelque chose ? Hella Kherief est cette aide-soignante devenue une lanceuse d’alerte lorsqu’en septembre 2018, dans l’émission « Envoyé spécial », elle a dénoncé à visage découvert les mauvais traitements infligés à des personnes âgées dans un Ehpad privé des Bouches-du-Rhône dans lequel elle avait décroché un CDI : manque de couches, manque de personnel… Licenciée pour « insubordination », elle se définit aujourd’hui comme « un symbole de la lutte pour un troisième âge considéré et bien traité ».



Hella Kherief travaille désormais de nuit dans le service de réanimation d’un hôpital de Marseille. Elle vient de sortir un livre co-écrit avec France Carp : « le Scandale des Ehpad » (Hugo- Doc). Elle y raconte son quotidien d’aide-soignante en Ehpad privé, celui des pensionnaires, et fait témoigner familles et membres du personnel. Une dénonciation terriblement humaine de la course au profit de ces Ehpad privés, qui en font des lieux où la vieillesse s’accélère et conduit tout droit à la maltraitance.



Faire et défaire, c’est mon travail.

Dès 7 heures du matin, après avoir pris connaissance auprès des aides-soignantes du service de nuit des activités nocturnes de mes pensionnaires, je prends mon service et je n’ai pas une minute de répit. Entre les levers, les toilettes, les prises de médicaments, la transmission, les requêtes, les échanges avec les infirmier(ère)s et l’accompagnement à la salle à manger, interrompus par une chute, un déshabillage inopiné, un hurlement à calmer, un drap ou un vêtement à changer car souillé par une diarrhée ou une incontinence, un pleur à consoler, un parent à rassurer, j’ai souvent l’impression de jouer au Monopoly et d’être le joueur malchanceux qui au hasard des dés repasse trop souvent à la case « prison », coincé pour plusieurs tours ! […]

Le métier d’ aide soignante . Devenir aide soignante , peut-on penser au premier abord, peut sembler difficile, mais ce n’est pas si terrible. Le passage du concours est une épreuve décisive pour pouvoir exercer ce métier.
A midi, par une pirouette physique et mentale dont je m’étonne tous les jours, mes douze pensionnaires sont enfin à table et j’essaie d’avoir le temps de les accompagner dans leur prise alimentaire. Mais là encore, c’est quasiment mission impossible. Donner la becquée à quinze personnes qu’il faut nourrir comme des enfants, et qui ont souvent les même réactions qu’un enfant qu’on alimente, demande un temps considérable que je n’ai toujours pas. Alors, je passe de l’un à l’autre en stimulant ceux qui boudent leur assiette, en calmant ceux qui la martyrisent et en négociant avec ceux qui trient pour ne manger que les saveurs sucrées. Avec ceux qui, tourmentés par leur mémoire et leurs repères, se rassurent par une logorrhée qui ne les autorise à ouvrir la bouche que pour ce flot de paroles, sans que la moindre bouchée ne passe le cap de leurs lèvres. Rien. Et pour finir, avec ceux qui n’arrivent plus à bien déglutir et qu’il faut préserver attentivement de la fausse route. Heureusement, quelques familles sont là pour nous épauler et s’occuper de leur vieux parent, le temps du repas.

Puis la journée reprend son cours. À rebours. De la salle de repas on reprend le court chemin jusqu’aux chambres, et tout ce qui s’est fait le matin se défait pour le soir : faire et défaire, c’est mon travail. Repos, TV, visites, déshabillage, petite toilette, médicaments, repas et coucher.
A 7 heures du soir, je termine mon service avec les dernières transmissions à léguer à mes collègues de la nuit. […] Je rentre chez moi souvent éreintée par ce « contre-la-montre » et ma vie familiale prend le relais. Mais n’imaginez surtout pas que mes douze heures de service se limitent à ces gestes d’hygiène et de soins. Tous les jours, je crée un lien intime avec mes pensionnaires, je leur chante des chansons pour ancrer leur mémoire, je tente de faire, de refaire et re-refaire tous les jours les mêmes gestes dans les mêmes conditions, avec l’espoir qu’ils les retiendront, et surtout, je les rassure […]. Mais ce n’est pas, pour ma direction, le « gros de mon travail », une direction qui estime que pour des pensionnaires du cinquième étage il n’y a rien d’autre à faire que de « les prendre en charge ».

L’histoire de Mariette, 92 ans, écrasée de médicaments

Mariette [les prénoms ont été modifiés, NDLR] a 92 ans, elle est charmante, coquette et lumineuse, et dès que je l’ai vue arriver au cinquième étage de la maison de retraite, j’ai eu un coup de cœur. Elle fait partie de ces personnes âgées qui ne se ternissent pas. Sa fraîcheur exprime encore la gaieté de la jeune fille de 20 ans qu’elle a été. […]Je crois que malgré le fait qu’elle soit habitée par la maladie d’Alzheimer, qui petit à petit grignote sa notion du temps, Mariette reste animée par cette grâce et l’entretient naturellement, comme une vestale garde le feu allumé. Tous les matins, elle se maquille d’un peu de blush sur les joues et rassemble ses cheveux, dans un geste automatique qu’elle a répété toute sa vie, pour éclairer son visage. Mais ce n’est pas tout. Si Mariette dégage cette énergie si solaire, c’est aussi grâce à son mari. Jean a 93 ans et reste l’amoureux de sa femme. Il l’aime, la regarde, la touche. Mais Jean n’est plus capable de prendre soin d’elle au quotidien. La placer dans une maison de retraite a été, pour lui, la décision la plus douloureuse de sa vie. […]
Mariette passe tout son temps à attendre son Jean ou à tenter de le rejoindre, en se plantant devant l’ascenseur et en profitant d’une porte qui s’ouvre pour s’y engouffrer et descendre à l’accueil… où elle est cueillie par le personnel qui la ramène au cinquième. […] Pour passer le temps qui n’en finit pas tant que Jean n’est pas là, elle me suit : « Hella, je vais avec vous, Hella je vais vous aider », et me donne « un coup de main » pour ramener un résident dans sa chambre ou débarrasser les assiettes à la cantine. Mariette aime se rendre utile, sentir qu’on a encore besoin d’elle. Puis, elle repart à la conquête de l’ascenseur en espérant un jour ou l’autre ne pas être repérée et rentrer à la maison rejoindre Jean. L’hyperactivité de Mariette, ses descentes au rez-de-chaussée et sa détermination à dompter l’ouverture de l’ascenseur ont fini par « inquiéter » la direction. Et si Mariette prenait le large ?
Pour rompre avec « la dangerosité » de son comportement si extraverti, mémoire vive de son amour, le traitement médical de Mariette a changé. Des anxiolytiques quotidiens mettront fin à son agitation qui pourrait la mettre en danger, pauvre Mariette si imprudente ! À partir de ce moment, Mariette s’est calmée. Tellement calmée que les visites de Jean n’ont plus été le battement mémorable de sa vie, que l’ascenseur ne signifiait plus rien, qu’elle en a oublié son blush et que sa vie s’est résumée comme beaucoup d’autres à une énorme sieste flasque devant la télévision. Bien sûr, Mariette a fini par mourir mais ce n’est pas Mariette qui est morte, c’est une vieille dame enfin calme, docile et déprimée de 92 ans, complètement assommée par des médicaments. 

Le témoignage de Virginie, 64 ans, qui a placé sa mère en Ehpad

« Il est impossible de garder à la maison une personne qui a la maladie d’Alzheimer à un stade très avancé. Mon père était dans un déni total et n’admettait pas qu’elle puisse être malade et me demandait de me mêler de mes affaires. Jusqu’au moment où j’ai bien compris que si je les laissais faire, ma mère serait en danger. D’autant que lui partait en voyage régulièrement. Ma première douleur a été de devoir aller contre leur volonté de garder ma mère à la maison, en faisant désigner un tuteur extérieur à la famille pour que les tensions et les décisions ne soient pas intrafamiliales. Nous ne pouvions plus nous entendre. Ma deuxième, et non la moindre, fut de l’amener dans une maison de retraite sans leur demander leur avis. Jusque-là, je me disais que la maison de retraite était l’environnement idéal et nécessaire pour une personne comme ma mère, qui avait besoin d’une assistance quasi permanente, et si ma douleur était bien présente, dans ce sens, je ne me suis pas sentie coupable. Il me semblait que c’était vraiment ce que j’avais de mieux à faire. J’ai vite déchanté.
D’abord dès que ma mère est arrivée à l’étage des personnes ayant une maladie dégénérative cognitive, la règle fut de lui faire porter des couches. Mais pourquoi ? A cette étape de sa maladie, elle était encore parfaitement capable d’aller aux toilettes seule, j’ai argumenté, il n’y a rien eu à faire… c’était pour son confort. Ensuite, la direction m’a demandé de ne plus venir aussi souvent : trois fois par semaine. Selon elle, mes visites perturbaient ma mère qui, à de telles fréquences, ne pouvait pas se sentir chez elle… c’était aussi pour son bien. La réalité est tout autre. En étant fréquemment dans les lieux, les familles se lient au personnel soignant et nous sommes beaucoup plus aptes à voir toutes les lacunes de l’organisation. Et au fur et à mesure, j’ai vu des choses tellement moches, des vieillards attachés à leur chaise roulante pour ne pas chuter… c’était pour leur protection.
J’ai le souvenir encore prégnant de l’odeur de “pisse” mélangée à celle des produits ménagers, qui émane des chambres jusque dans le couloir dès qu’on arrive et qui retourne les boyaux, ça c’est horrible. Pour moi ça reste l’odeur d’un mouroir. […]
Ma mère est restée sept ans dans cette maison de retraite. Sept ans d’un loyer mensuel de 2.300 euros. A un moment nos finances n’ont plus pu suivre et nous avons dû vendre la maison de nos parents. Et ça, c’était comme si ma mère mourrait une première fois. Même si elle n’a pas été au courant. Et puis ma mère est morte. Un matin le directeur m’a appelée au téléphone et m’a reçue dans son bureau avec cette phrase indigne et presque inimaginable : “Il va falloir m’emmener le corps de votre mère rapidement car je n’ai pas de frigo.” Pas un “je suis désolé”, “toutes mes condoléances”, ma mère morte, il fallait vite passer à autre chose. Il va falloir “m’emmener”, comme si la vie et la mort de ma mère étaient sa propriété, comme si le corps de ma mère n’était plus qu’un vieux morceau de viande sans vie qui n’aurait jamais été incarné. Du “prêt-à-jeter”. »

Chacun dans sa case

Malheureusement, la vision trop médicale qui consiste à envisager d’emblée une personne âgée comme dépendante induit un processus de suivi qui se fait en cercle fermé entre le médecin coordinateur, le cadre de santé et les infirmières. Nous [aides-soignantes, NDLR] ne sommes pas concernées par ces bilans et ne sommes pas mises directement au courant, alors que nous sommes en première ligne pour recevoir les informations médicales sur nos résidents et pouvoir en rapporter, sur d’autres aspects de leur vie qui peuvent avoir un impact sur leur santé. Nous n’avons quasiment jamais de contact ou de discussion avec le médecin coordinateur, et pour la plupart d’entre nous le cadre de santé représente le supérieur hiérarchique qui va évaluer notre travail et qui peut le sanctionner. Nos rapports relèvent toujours beaucoup plus du domaine du management que de celui du soin à la personne. Ou de la relation humaine.
De ce que j’ai pu voir dans les Ehpad dans lesquels j’ai travaillé, il y a une animosité assez fréquente entre les aides-soignants et les infirmières. Et encore une fois, cette tension est alimentée principalement par le manque de personnel soignant. Mais cet état de fait crée des heurts, des doléances, des reproches qui en réalité ne sont pas orientés directement vers la personnalité de l’infirmière mais plutôt vers son statut et son diplôme. 
Les aides-soignantes estiment souvent que les infirmières se cantonnent à exécuter uniquement les tâches que les aides-soignantes ne sont pas en droit de faire vu leur diplôme. Elles leur reprochent de ne pas vouloir partager ce qui est le « tronc commun » entre les deux métiers, c’est-à-dire le « nursing », que dans un vocabulaire très infantile on nomme « le pipi-caca-manger », et ce même si l’aide-soignante est débordée. La valeur du diplôme délimite les tâches : l’aide-soignante se sent dévalorisée parce que rabaissée aux soins les plus durs, et l’infirmière, elle, fait valoir son diplôme et refuse souvent d’effectuer des tâches qu’elle estime ne pas lui incomber.
C’est incroyable comme la machine administration/hiérarchie finit par formater et étriquer les esprits, en rendant le travail beaucoup plus pénible, moins collectif et surtout moins joyeux. Ces conditions de travail entraînent une dépréciation du métier d’aide-soignante, et le diplôme, qui est pourtant très formateur et qui englobe bien plus de savoir-faire que le « nursing », n’est plus du tout plébiscité par les jeunes générations. Celles-ci s’orientent vers des métiers où la pénibilité du travail et les responsabilités sont moindres pour le même salaire, ou vers des publics plus faciles à gérer. Ou encore des métiers où, pour un salaire équivalent, ces jeunes ne seront pas en prise directe et incessante avec la fin de vie, inéluctable, une situation demandant une sacrée dose d’humanité qui n’est pas donnée à tout le monde…

Des stimulations inadaptées

Dans certaines maisons de retraite, la grande dépendance signe la pauvreté des stimulations cognitives et sensorielles. La télévision et ses émissions de la journée sont le plus soporifique des somnifères. L’objectif « soins à tous crins » finit par phagocyter tout projet de vie, et le résident se résume à être l’objet de ces mêmes soins, de démarches administratives, et sa journée se rythme autour de ses besoins élémentaires et vitaux : manger et dormir. On s’évertue, quand des animations sont organisées, à lui proposer des activités thérapeutiques pour essayer de le réparer, d’améliorer sa santé, sa mémoire, comme si tout ça, sous couvert de prévention, allait comme par miracle ressusciter un octogénaire en quinqua lucide. Alors que ce dont il a vraiment besoin, c’est se rapprocher de qui il est, pour qu’au moins lui-même ne l’oublie pas, par une diversité d’activités qui stimulent ses envies, ses sens, ses ressentis, ses émotions, son corps, qui ne se sont pas évanouis. On n’oublie jamais ce qu’on a aimé à 15 ans ! On n’oublie jamais qui on a aimé à 15 ans. On n’oublie jamais ses passions et d’ailleurs, c’est ce dont ces personnes âgées parlent le plus souvent, elles ressassent les leurs comme un souvenir essentiel, un antidote pour se garder en vie.
Proposer des activités, c’est aussi respecter l’individualité de chacun et ne pas penser forcément au « tout collectif » pour créer de l’émulation de groupe. Si le lieu est collectif, il est tout aussi privatif. Trouver des activités novatrices qui pourraient s’appuyer peut-être sur les nouvelles technologies, c’est bien, mais le hic c’est que les mettre en place entame le budget. Dans les maisons de retraite, les animations sont affectées au volet hébergement, ce qui est difficilement compréhensible puisque la littérature scientifique, les études, les médecins le répètent à l’envi : s’occuper, bouger, faire fonctionner sa créativité, imaginer, faire, observer, toutes ces actions ont un impact très significatif sur la santé, la plasticité cérébrale, la mémoire et la dépendance puisqu’elles favorisent des comportements plus adaptés à la recherche d’autonomie. […] Pourquoi ce budget est-il pris en charge par le volet hébergement qui est essentiellement aux frais du résident ? Alors que les animations pourraient être payées par le volet dépendance, abondé par les conseils départementaux ? Une telle ventilation permettrait d’octroyer davantage de moyens et donc de concevoir des animations plus élaborées et plus nombreuses dans le cadre du projet de vie proposé à chaque résident.

Le témoignage de Pierre, cuisinier, licencié d’un Ehpad privé

« Il y a un peu plus de trente ans, j’ai répondu à une offre d’emploi postée par une maison de retraite “haut de gamme” qui pouvait héberger cinquante-cinq personnes âgées, pour un poste de cuisinier. L’annonce stipulait “service à l’assiette”. […] Ce poste était pour moi et je l’ai eu. Cet établissement était à la mesure de ses ambitions et de sa dénomination “haut de gamme”. Billard dans le salon, petit bar où les pensionnaires pouvaient se retrouver, cet endroit était pour eux, une source de bien-être et de convivialité. Il faut dire qu’il y a vingt-cinq ans, les personnes âgées qui y séjournaient étaient moins âgées et moins dépendantes que celles qui y vivent actuellement. Avec mon équipe de cuistots nous travaillions avec les boucheries locales pour nourrir nos cinquante-cinq protégés et évidemment la qualité de nos achats était excellente, à des prix abordables car les bouchers voyaient en nous un client pérenne aux commandes abondantes.
Au bout de quelques années notre établissement s’est agrandi de trente chambres supplémentaires et notre nouveau patron, un autre groupe, a pris la relève. Et là les choses ont commencé à se compliquer. Fini les boucheries et les boulangeries locales, nos achats devaient être faits sur une plateforme avec des produits nettement moins gouleyants et surtout moins chers. Un dispositif de barème de qualité très administré est venu rejoindre nos cuisines […] Mais bon, nous avions aussi des formations très intéressantes qui concernaient directement nos résidents, comme celle qui nous apprenait, à partir d’un mucilage fait à base d’algues, à concocter des petits plats très protéinés qui fondent dans la bouche pour nourrir agréablement les personnes qui avaient des problèmes de déglutition. Malgré les restrictions, nous arrivions encore à gérer de façon assez autonome notre cuisine. […]
Mais le boum des Ehpad privés et lucratifs a commencé à battre son plein avec des groupes de plus en plus gros et de plus en plus voraces, et notre maison de retraite s’est fait manger par l’un d’entre eux ! Fini les velléités de faire tourner la cuisine avec toutes formes de créativité ou d’initiatives personnelles ! La règle formatée a remplacé mon commis de cuisine. L’enveloppe de quatre repas journaliers pour les résidents a été fixée à une somme de 4,95 euros ! Nos achats ont continué à se faire sur des plateformes mais avec des négociations tellement serrées que les produits sont devenus d’une qualité gustative et nutritionnelle déplorable. Plus de formations ciblant la nutrition du troisième âge, car elles empiétaient sur le budget de l’infirmière, et surtout des restrictions à tous les étages et particulièrement à ceux de nos résidents. Un fruit, c’est un fruit : soit une clémentine soit une banane, pas les deux, idem avec le fromage ou les biscuits et tout le reste, d’ailleurs. Quant à la préparation des plats, le lait faisait office de crème fraîche et, de la même façon, toute recette se réinventait avec un ersatz du produit initial, qui était goûteux mais aussi plus coûteux. Je n’ai jamais pu me résoudre à cuisiner de la sorte, les audits faisaient de nous une des meilleures cuisines du groupe, mais cette valorisation de notre compétence avait moins d’importance que notre insubordination : nous ne voulions pas nous plier à des restrictions insupportables pour ces vieilles personnes. J’ai incité d’autres cuisiniers à ne pas plier. 
Mais la direction a fini par avoir raison de moi et j’ai été licencié. 








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