"La Vie Hospitalière"

mardi 14 mai 2019

Attaqué sur Facebook, un médecin coordonnateur en EHPAD poursuit en diffamation la fille d'une résidente décédée


Ce mardi 14 mai, un médecin coordonnateur d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) près de Dole (Jura) était devant le tribunal correctionnel de Lons-le-Saunier, la préfecture du département.
Face à lui, la fille d'une des résidentes de l'établissement où il exerce et contre laquelle il a porté plainte en août dernier pour « injures et propos diffamatoires », à la suite d'une lettre ouverte publiée sur les réseaux sociaux. Le jugement a été mis en délibéré au 4 juillet prochain.

Colère de la famille

Publié sur Facebook le 4 juin 2018, le texte (partagé 30.000 fois) vise directement le médecin coordonnateur (qui n'était pas le médecin traitant) et remet en cause sa prise en charge de la patiente, à l'époque en fin de vie et depuis décédée.
Âgée de 90 ans et souffrant d'une gangrène à une jambe (à la suite d'une ischémie), la résidente refuse l'amputation et demande, en mai 2018, à mourir à domicile, c'est-à-dire à l'EHPAD. Le médecin coordonnateur accepte ce choix et met en place de la morphine en patchs, puis en gouttes, pour soulager les douleurs de la patiente. Au bout de plusieurs semaines, ses proches demandent la mise en place d'un pousse-seringue avec de la morphine en continu. Pour des raisons qu'il reste à déterminer, le médecin coordonnateur n'est pas en mesure d'accorder une réponse favorable à cette requête, déclenchant la colère de la famille et la publication de cette lettre ouverte.
« Ce n'est pas une euthanasie que l'on vous demande, juste un confort de fin de vie, qui lui permettra de mourir en douceur », y écrit la fille de la résidente, avant d'indiquer : « J'avais commencé à percevoir que vous étiez un salaud. » Plus loin dans sa publication, on peut également lire : « Vous aviez cette arrogance des gens bien nés, vous savez le charme discret de la bourgeoisie, on traite les petits par le mépris. J'ai essayé de parler avec vous de la prise en compte de la douleur de ma mère, et vous m'avez parlé de démocratie, que vous seriez le dernier rempart, pour un peu il aurait fallu vous passer sur le corps pour qu'elle ait enfin son pousse-seringue ! »
D'autres paragraphes du texte sont plus virulents. La famille y précise aussi : « L'infirmière cadre a clairement exprimé son refus de continuer à voir ma mère souffrir, et elle a mis en place le protocole d'injection, elle a rempli les papiers, prévenu les soins palliatifs, signé la feuille mais il faut la signature du médecin et vous avez refusé de signer. »

Soutien de la CSMF

À la suite de ce texte, le médecin dolois porte plainte, soutenu par la CSMF régionale et par l'Ordre départemental, qui s'est constitué partie civile. Le médecin n'a pas souhaité répondre à nos questions avant le délibéré.
« Notre confrère a été victime d'un e-lynchage massif à la suite de cette publication, il a reçu des menaces de mort ! », assure de son côté le Dr Stéphane Attal, président de la CSMF Bourgogne - Franche-Comté, qui a assisté à l'audience de ce 14 mai. Il remet en cause la version des faits exposés par la famille dans sa lettre ouverte.
« Un pousse-seringue a bien été demandé, mais il n'y en avait pas de disponible dans l'établissement. Pour que cela soit possible, le médecin coordonnateur a donc demandé une hospitalisation à domicile (HAD) pour la fin de vie, sauf qu'il a fallu attendre la validation du médecin traitant, ce qui a pris plusieurs jours. Or, la lettre a été publiée entre-temps ! Mais l'HAD a bien eu lieu et la résidente est décédée dans ce cadre », assure le Dr Attal.
Pour le syndicaliste, ce genre d'utilisation des réseaux sociaux est « plus que délétère » pour la profession. « C'est la porte ouverte à toutes les exigences personnelles des patients : dès que le médecin ne voudra pas répondre "oui", les citoyens vont se tourner vers les réseaux sociaux ou les notations sur Internet. C'est un danger pour les professionnels de santé », estime le Dr Stéphane Attal.

Article de Marie Foult



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