Beaucoup l’attendaient sur le sujet, Emmanuel Macron l’a tout juste effleuré. La santé, grande absente des quatre thèmes sélectionnés par l’exécutif pour cadrer le Grand Débat national, n’a été évoquée qu’à la marge par le président de la République, le jeudi 25 avril, pour la première conférence de presse de son quinquennat.
Si on peut retenir la volonté répétée du chef de l'État d’assurer « l’accès aux soins pour tous en luttant contre les déserts médicaux », une autre phrase a surtout fait parler d’elle. Devant un parterre de 300 journalistes et sous les yeux de son gouvernement, le président de la République a assuré qu’il n’y aurait plus « d’ici à la fin du quinquennat de nouvelles fermetures, ni d’hôpitaux, ni d’écoles, sans l’accord du maire ».
Emmanuel Macron n'a certes pas détaillé son propos, mais sa promesse n'en est pas moins forte à l’heure des grandes restructurations hospitalières portées par Agnès Buzyn. La labellisation de 500 à 600 hôpitaux de proximité (sans chirurgie ni maternité, sauf dérogation) et la réforme du régime d'autorisations d'activités de soins et d'équipements matériels lourds prévus dans la loi santé, discutée au Parlement inquiètent les territoires qui craignent de se voir amputer d'une partie de leur offre de soins publique de proximité.
Invitée de la matinale de RMC le lendemain, la ministre de la Santé a fait le service après-vente des déclarations présidentielles. « Ça ne veut pas dire qu’il n’y aura pas de restructurations », a-t-elle précisé avant de rassurer : « Tout ce que nous pouvons maintenir, nous le maintenons. »
Lits et services toujours menacés
« De toute évidence, la prise de conscience du président sur la crise de l’hôpital public n’a pas eu lieu », hurle Alain-Michel Ceretti, président de France Assos Santé qui juge l'annonce d'Emmanuel Macron inadaptée au regard de la grève qui touche les urgences de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) depuis le début de la semaine dernière.
Pour beaucoup, comme pour le Dr Renaud Péquignot, vice-président d’Action praticiens hôpital (APH), l’une des principales intersyndicales de PH, cette promesse du président de la République ne change rien au problème puisqu’elle « n’empêche pas la fermeture de services, de lits ou de plateaux techniques ». Elle ne répond d’ailleurs pas non plus à l’enjeu « des hôpitaux maintenus en vie de manière artificielle, sans médecins et qu’il faudrait malheureusement fermer », ajoute le praticien. En somme, le gériatre des Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne) peste contre « une annonce à l’emporte-pièce qui n’empêchera pas de réduire le nombre de places hospitalières ».
Constat partagé par Jérémie Sécher, président du Syndicat des managers publics de santé (SMPS), qui juge, lui, « raisonnable » un certain nombre de fermetures de plateaux techniques, à condition « qu’elles se justifient par la sécurité et non par une logique comptable » mais s'inquiète des restructurations qui s'annoncent. « Nous serons attentifs à ce que les gouvernances d’établissements ne soient pas seules, en première ligne de la transformation », prévient-il.
À l’origine d’un manifeste appelant à « un moratoire immédiat sur la fermeture des services hospitaliers », Dominique Colas, président de l’Association nationale des centres hospitaliers locaux et des hôpitaux de proximité (ANCHL) veut voir dans la déclaration du président de la République « un pas en avant ». Néanmoins, le directeur de l’hôpital de Lamballe (Côtes-d'Armor) ne fait pas de l'accord préalable des maires à toutes fermetures d'établissements une garantie suffisante. « Les maires sont souvent très respectueux des préfets sanitaires et finissent toujours par céder aux injonctions des ARS », raconte-t-il.
À l’inverse, cette disposition est saluée par la Fédération hospitalière de France (FHF). « Cela fait bien longtemps que des hôpitaux n'ont pas fermé totalement, ce sont plutôt les fermetures de services qui sont concernées, précise son président Frédéric Valletoux, également maire de Fontainebleau. S'il y a des réorganisations à faire à ce niveau-là, il est en effet louable de mieux associer les élus locaux, pour ne pas que cela leur tombe sur la tête. Cela ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de fermeture, plein de maires ont accompagné des mutations hospitalières ces dernières années. »
Macron oublie la médecine de ville
Seul regret du patron des hôpitaux, le peu de mentions faites à la médecine de ville. « Le président aurait pu réaffirmer, comme il l'avait fait lors de la présentation du plan Ma santé 2022, que la médecine libérale doit prendre sa part dans l'accès aux soins, d'autant qu'il y a des négociations conventionnelles en ce moment », estime Frédéric Valletoux avec un brin de malice.
Le président de la CSMF, le Dr Jean-Paul Ortiz, aurait lui aimé une marque de soutien pour les libéraux. « Rien n'a été dit ou presque sur la médecine de ville, le président aurait pu redire son soutien vis-à-vis de la médecine libérale et de proximité. À ce niveau, nous attendions des précisions sur les hôpitaux de proximité, et s'ils seront un lieu où se retrouvent médecines de ville et hospitalière. Mais il est difficile de rentrer dans les détails techniques au sein d'un discours général… »
Enfin, les élus locaux déplorent le manque d'attention portée à la médecine de ville. Fervente avocate des mesures coercitives à l'installation, l'Association des petites villes de France (APVF) déplore « l'absence de toute annonce sur la question des inégalités d'accès à l'offre de soins » à l'heure où « la désertification médicale se pose de plus en plus avec gravité dans de très nombreux départements ».
Source : Lequotidiendumedecin.fr
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