"La Vie Hospitalière"

mardi 14 mai 2019

Discriminations, délais, refus de soins : les étrangers malades confrontés à un accès aux soins difficile, dénonce le Défenseur des droits

Difficultés d'accès aux soins ou à la protection sociale, droits fragiles : la prise en charge des étrangers malades est loin d'être satisfaisante, révèle le rapport « Personnes malades étrangères : des droits fragilisés, des protections à renforcer » du Défenseur des droits publié ce lundi. 

Jacques Toubon épingle en particulier des « pratiques illégales », exagérément restrictives ou trop complexes, dans l'accès aux titres de séjour pour soins, proches de situations détaillées dans son rapport de 2016.
Le rapport fait état d'une forte augmentation des réclamations en matière de défense des droits des personnes malades étrangères. Un constat éloigné des « idées préconçues » selon lesquelles la France serait « trop généreuse » et que le système de santé serait « à l'origine d'un appel d'air ». Les statistiques en témoignent : sur 225 500 titres de séjours délivrés à l'issue d'une première demande en 2018, 4 310 l'étaient pour raisons médicales, soit moins de 2 %. La fraude ne concerne que 1 % des dossiers.

Fusionner la PUMa et l'AME

Pour les étrangers en situation régulière, la réforme de la protection universelle maladie (PUMa) mis en place en 2016 a conduit paradoxalement à « un recul imprévu » des droits dans de nombreux cas. En cause, un contrôle de la régularité du séjour plus sévère, des difficultés d'affiliation pour les personnes récemment installées en France… Le Défenseur des droits suggère d'adopter des mesures pour permettre à tous les étrangers régulièrement installés en France de bénéficier de l'assurance-maladie dès les premiers jours de leur installation.
La situation est toujours aussi délicate pour les personnes en situation irrégulière. L'aide médicale d'État (AME) fait l'objet d'attaques régulières. Et de fait, ses bénéficiaires sont souvent exposés à un risque accru de refus de soins « direct » ou « insidieux » (horaires limités, demande de justificatifs, etc.) comme ce fut le cas pour plusieurs praticiens sur des sites de rendez-vous en ligne en 2018.
Lorsqu’elles ne sont pas le reflet de stéréotypes, ces pratiques illégales de refus de soins sont souvent justifiées par « le surcoût administratif, voire financier » pour les médecins, constate le rapport. Pour alléger les procédures, Jacques Toubon propose de fusionner la PUMa et l'AME ou a minima de créer une carte numérique pour les bénéficiaires de l'AME. Elle permettrait de simplifier les démarches, réduire les délais de remboursement et les coûts administratifs liés à la gestion des deux dispositifs pour les caisses primaires et de faciliter l’accès à la médecine de ville des bénéficiaires de l’AME.
Accès compliqué au titre de séjour
L'accès au séjour pour des raisons médicales est une problématique récurrente. Depuis 2016, les médecins rattachés à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) statuent sur le cas d'une personne lors d'une procédure multidisciplinaire.
Toutefois, le Défenseur des droits relève plusieurs obstacles : accès difficile au guichet des préfectures pour des personnes ayant des difficultés à se déplacer ou hospitalisées ; demande de documents non prévus dans la liste des justificatifs ou contraires au secret médical ; absence de récépissés lors de la demande, délais d'instruction interminables...
Le rapport fait état de difficultés accrues des étrangers malades à obtenir un titre de séjour pour se faire soigner depuis la réforme de 2016 qui a conduit à « une baisse drastique des avis médicaux favorables au maintien sur le territoire ». En 2017, les avis favorables rendus par l'OFII ont concerné plus de la moitié des dossiers examinés contre trois quarts auparavant.
L'accès au séjour des personnes porteuses du VIH est jugé particulièrement préoccupant. 200 personnes porteuses du VIH se sont vues opposer un avis défavorable en 2017. Une situation déjà dénoncée par l'association de lutte contre le sida, AIDES.
Le Défenseur des droits déplore enfin le fait que certaines préfectures poursuivent des contre-enquêtes administratives pour opposer des refus de séjour à des personnes ayant déjà reçu un avis favorable par l'OFII. Il souhaite l'ouverture d'une voie de recours pour les étrangers malades et demande que les avis soient automatiquement délivrés à la personne.

Article de Sophie Martos

Source : Le quotidien du médecin

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