Le sort des 10 ou 15.000 soignants suspendus est désormais au coeur des polémiques alors que la crise de l'hôpital, et tout spécialement des urgences, est ravivée par les départ en vacances.
Hier, dans le cadre de la discussion sur la prorogation du passe vaccinal, la présidente de l'Assemblée Nationale a déclaré irrecevables des amendements prévoyant la réintégration de ces soignants non vaccinés. Une peur taraude le gouvernement : de voir rembourser les 600 millions d'euros de salaires non versés depuis le mois de septembre.
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Dans le cadre du débat parlementaire sur le projet de loi sanitaire prorogeant le passe vaccinal jusqu’au printemps prochain (que le gouvernement pourra imposer par décret sans motif sanitaire, selon le texte initial…) et la surveillance numérique de la population grâce à SI-DEP, plusieurs amendements ont été déposés pour imposer la réintégration des soignants non-vaccinés. Cette mesure semble urgente si l’on songe aux graves problèmes de main d’oeuvre que cette mesure a créés à l’automne dernier, et dont les conséquences dramatiques (que nous avions annoncées il y a plusieurs mois) se font sentir aujourd’hui.
La Présidente LREM déclare les amendements irrecevables
Alors que le Président LFI de de la Commission des Finances, Eric Coquerel, avait validé ces amendements, la Présidente de l’Assemblée Braun-Pivet lui est passée par-dessus l’épaule (ce qui est très inhabituel… pour ne pas dire contraire au règlement) en les déclarant irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution. Cet article prévoit qu’un amendement ne peut imposer de charge nouvelle à la Nation.
Comme nous le montrons ci-dessus, Coquerel a contesté cet argument, soulignant avec une évidente méconnaissance des rouages administratifs qu’il s’agissait d’une charge de gestion, et non d’une charge nouvelle.
En soi, la réintégration n’est pas une charge nouvelle
Si l’argumentation de Coquerel a semblé très approximative, elle n’en repose pas moins sur un début de vérité. En effet, les soignants non vaccinés ont tous été recrutés sur des emplois permanents inscrits au tableau des emplois que les députés votent annuellement. La charge qu’ils représentent est donc validées depuis longtemps, et c’est avec une parfaite mauvaise foi que le gouvernement, aidé par Eric Woerth, a soutenu que le président de la Commission des Finances aurait dû déclarer ces amendements irrecevables.
La meilleure preuve que les soignants suspendus constituent une charge ancienne, c’est qu’aucune loi de finances n’a été nécessaire pour recruter les intérimaires qui ont remplacé les suspendus.
La crainte du gouvernement que Coquerel n’a pas comprise
Cela dit, si la majorité a considéré que la réintégration des supendus constituait une charge nouvelle, c’est pour une raison cachée qui se comprend. Statutairement, la réintégration des suspendus annulera l’effect mécanique de la suspension. Autrement dit, elle obligera les employeurs à reconstituer les droits à salaires des suspendus réintégrés soit, bon an mal an, près d’un an de salaire à payer à titre rétroactif.
Ceux qui ont lu notre article consacré à la victoire de Maud Marian à Dijon (qui a fait annuler la suspension d’une soignante par défaut de motivation) savent que ce point du paiement des salaires à titre rétroactif est l’angle mort de la question de la réintégration… et son point le plus sensible.
On comprend ici que le gouvernement a fait ses calculs : en cas de réintégration, il devra cracher au bassinet près d’un an de salaire (en moyenne 40.000 d'euros chargés, sans compter les cotisations retraites) pour une population située entre 10.000 et 15.000 personnes.
Soit environ 600 millions d'euros.
Pour 600 millions, mieux vaut mettre l’hôpital en danger, plutôt que réparer ses fautes et manger sa salive.
Par Eric Verhaeghe
Source : lecourrierdesstrateges.fr
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