"La Vie Hospitalière"

mercredi 30 octobre 2019

Où commence la maltraitance?


Résidents abandonnés sur les toilettes et médicaments administrés de force, la problématique de la maltraitance secoue et interroge sur les usages des maisons de retraite.
Cette forme de maltraitance est plus subtil mais pas rare.
Une étude réalisée en 2010 et 2011 par la Haute Ecole de la santé La Source, sur mandat de l’association Alter Ego, s’est penchée sur la question de la maltraitance. 
Sur 230 institutions romandes, l’étude conclut que près de 50% des personnes responsables interrogées avaient déjà été confrontés à des cas de maltraitance envers une personne âgée impliquant du personnel de l’institution. 
«Ce chiffre montre que le risque de maltraitance est toujours présent. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il s’agit dans tous les cas de situations  extrêmes, Mais plutôt de cas ponctuels où un soignant infantilise un résident par exemple». 
Mais alors où commence la maltraitance?
«Dans une situation où il y a atteinte à l’intégrité de la personne. Un coup ou une insulte constituent clairement de la maltraitance. Mais il peut y avoir des formes plus subtiles, comme l’infantilisation de la personne. Vu de l’extérieur, cela ne paraît pas très choquant, pourtant les dégâts sur la personne âgée peuvent être importants.»
Une conjonction de facteurs 
Il ne faut toutefois pas pointer du doigt le maltraitant. «Généralement, la personne n’a pas l’intention de nuire. Il existe souvent une conjonction de facteurs qui favorisent l’apparition de la maltraitance.
Cela peut être lié à la personne âgée elle-même, à son isolement, au fait qu’elle ne peut s’exprimer. 
Un membre du personnel d’une institution qui aurait des problèmes familiaux, par exemple, est plus à même de commettre un acte maltraitant. Il est aussi primordial que le personnel soit bien encadré, et ait un endroit où verbaliser et évacuer les situations vécues. Si le personnel est insuffisant et n’a pas de bonnes conditions de travail, cela peut aussi être un facteur de risque.»
Des résidents maltraités dans un EMS lausannois
PSYCHO-GÉRIATRIE | (source 24h)
L'EMS Grand-Vennes, dont la plupart des résidents souffrent de démence, est accusé de fournir à ses résidents une qualité de vie et de soins déplorables.
«Pour moi, c’est insupportable d’avoir vu toutes ces choses. Ce qui se passe là-bas est scandaleux et dégradant pour l’être humain.» Danielle Lyon, animatrice durant cinq ans à la Résidence Grand-Vennes, fait partie de la quinzaine d’anciens employés – licenciés ou démissionnaires – et d’employés encore en place à dénoncer les problèmes de maltraitance au sein de cet EMS lausannois. 
Cet établissement, qui accueille jusqu’à 21 personnes atteintes de démences, avait déjà été sous le feu de la critique en 1997. 
Encore émue, l’ex-employée raconte l’horreur. «La direction imposait de faire des économies sur les protections contre l’incontinence. Lorsqu’il y avait des traces de selles, ils remettaient simplement une couche de papier de toilette dessus et les remettaient aux résidents. J’ai d’ailleurs constaté qu’ils avaient souvent des infections urinaires.»
Les langues se délient
Comme Danielle Lyon, une infirmière, une aide-soignante, deux bénévoles, une assistante socio-éducative ou encore une femme de ménage ont décidé de parler. 
Dans un long dossier, les témoignages dressent un portrait inquiétant de l’EMS de Grand-Vennes. Extraits. «Des résidents sont laissés jusqu’à 90 minutes sur les WC.» «Il est habituel qu’une seule douche par semaine soit donnée. En cas de manque de personnel, ce qui arrive fréquemment, cette douche est supprimée.»
«J’ai vu une soignante obliger une résidente à prendre un médicament: elle la bloquait avec un bras et avec l’autre main, elle le lui enfonçait de force dans la bouche.» 
Plusieurs employés évoquent également la mauvaise prise en charge des chutes, mais aussi des problèmes lors de la préparation de médicaments. «Les aides-soignantes donnaient des médicaments, ce qui n’est pas autorisé.»
EMS jugé non conforme
Les employés et ex-employés ne sont pas les seuls à avoir constaté des dysfonctionnements. La CIVEMS, organisme cantonal d’inspection des EMS, a livré deux rapports à la suite d’une visite en octobre 2010 et d’une seconde en février 2011.
 Il ressort, entre autres, qu’une résidente a passé la nuit à côté du corps de sa voisine décédée la veille au soir. Une autre résidente a reçu sa douche en face d’une chaise percée contenant des selles et des urines, et restée ouverte tout au long du soin.
 A la suite de la dernière inspection, l’EMS de Grand-Vennes a ainsi été jugé non conforme par la CIVEMS.
Enfin, des conditions de travail déplorables sont également dénoncées. En plus des pressions, plusieurs cas d’agressions verbales et physiques sont rapportés. «Une soignante se promenait même armée d’un couteau au travail au cas où elle se ferait agresser», confie une ancienne bénévole de l’EMS. 
En cinq ans, Danielle Lyon a ainsi vu plus d’une vingtaine de personnes être licenciées ou démissionner. Avocate des plaignants, Me Natasa Djurdjevac Heinzer confirme: «Le taux de rotation du personnel de cet EMS est beaucoup plus élevé que dans d’autres établissements.» 
Mort suspecte
Cerise sur le gâteau. Un homme atteint d’Alzheimer est décédé récemment dans des conditions qui laissent songeurs certains membres du personnel encore en place. En mai 2010, l’homme tombe de son lit durant la nuit, le veilleur constate la chute mais ne prend pas de mesures pour le soigner.
 Le lendemain matin, lorsqu’une animatrice voit les blessures du résident, elle insiste pour appeler une ambulance. L’infirmière cheffe refuse. L’animatrice emmène donc l’homme au CHUV en taxi. Au vu de son état, il sera hospitalisé durant une semaine. De retour à l’EMS, le résident chutera encore avant de décéder. «Selon un témoignage, on aurait laissé cet homme agoniser», commente Me Natasa Djurdjevac Heinzer. 
Fin 2010, le groupe d’employés avertissait la Commission cantonale d’examen des plaintes des résidents ou usagers d’EMS. Après avoir entendu plusieurs témoins, la commission faisait part de son «extrême inquiétude» au conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard. Avant d’ajouter que «le personnel et les patients sont en danger permanent».
Présidente dès les débuts de cette commission en 2003, Me Claire Charton confirme: «Je n’ai jamais vu ça. C’est ce que l’on appelle un gros cas. Ce n’est toutefois pas forcément ce qui a été dénoncé qui a retenu le plus notre attention.»
La commission d’examen des plaintes rendait la semaine dernière son préavis à Pierre-Yves Maillard.
Contactés par téléphone, ni le directeur de l’EMS ni son avocat, n’ont souhaité s’exprimer.
Article de Stéphane Joumey

Source : soignantenehpad.fr
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