"La Vie Hospitalière"

dimanche 27 octobre 2019

Fécamp : une biographe recueille la parole de patients en fin de vie


Dans les couloirs du centre hospitalier du Pays des Hautes Falaises à Fécamp (Seine-Maritime), Magalie Verdet a ses habitudes. Elle n’est pourtant ni médecin ni patiente. Mais cela fait maintenant plus de trois ans qu’elle y officie une journée par semaine au sein de l’unité de soins palliatifs qui dépend du groupement hospitalier de territoire Estuaire de la Seine. 
Son statut ? Biographe hospitalier. Une fonction encore méconnue, puisqu’il en existe moins d’une vingtaine en France.
Plus qu’un métier, c’est une vocation pour celle qui a longtemps été bénévole auprès des malades en fin de vie : « La rencontre avec Valéria Milewski, de l’association Passeur de mots, passeur d’histoires, a été décisive. Je me suis formée pour recueillir la parole de gens qui parfois n’ont pas l’habitude de la prendre. Et qui savent pour la majorité d’entre eux que ce sera leur dernier témoignage. »
« Je suis là pour rattacher le fil des souvenirs »
Ce qui n’est parfois pas simple. « A Cergy-Pontoise (Val-d’Oise), j’ai accompagné une jeune mère qui se savait condamnée. Lorsqu’elle me racontait son histoire, c’était parfois difficile mais ses yeux me disaient Ne me lâche pas ! Je veux que mes enfants aient cette trace de moi. »
Entièrement gratuit pour le patient, ce travail nécessite en premier lieu son adhésion. « On ne force personne. On propose à nos malades cet échange avec le biographe hospitalier lorsque l’on sent que cela pourra leur être bénéfique. Pas pour leur famille ou à des fins documentaires. Mais pour eux », assure Vinciane Olivier, médecin référent à Fécamp pour ce projet.
Intégrée à l’équipe soignante, Magalie Verdet intervient ensuite au rythme du malade au fil des semaines. « On peut se voir cinq ou six fois. Parfois plus. Chacun raconte ce qu’il veut, parle de son travail, de sa famille. C’est parfois décousu, mais je suis là pour rattacher le fil des souvenirs. »
À quelques encablures de la Manche, Magalie Verdet rencontre souvent d’anciens pêcheurs ou leurs femmes. « Des histoires de terre-neuvas, j’en ai entendu. Je suis presque devenue une spécialiste. On se rend compte à leur contact de la dureté de leur vie… »
« Ils oublient leur état ou la douleur »
Finalement, un livre est édité. Et offert au malade lui-même ou à ceux à qui il voulait le donner s’il est décédé. « Certains sont très fiers de faire ce livre. Ils y mettent beaucoup de cœur et oublient leur état ou la douleur le temps de nos échanges. »
Dans ce territoire du Caux maritime où, comme le souligne Vinciane Olivier, « les gens ne se livrent pas facilement », la confiance met parfois du temps à être accordée. « Mais lorsque le lien se fait, c’est souvent très intense », constate Magalie Verdet. « Il y a beaucoup de joie aussi. On rit souvent… C’est une fenêtre qui s’ouvre sur autre chose que la maladie. »
Même s’ils sont difficilement quantifiables, les résultats sont visiblement là. À tel point que, comme l’explique Gilles Lavenu, directeur adjoint, « l’hôpital de Fécamp a décidé de reconduire la mission de notre biographe hospitalier car nous sommes convaincus de son intérêt ». Un investissement d’environ 10.000 euros pour une nouvelle année. Le coût d’instants fugaces de bien-être qui n’ont pas de prix.

Source : leparisien.fr



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