"La Vie Hospitalière"

mardi 10 septembre 2019

Grève aux urgences : «Le risque n’est pas la démobilisation, mais la fatigue, voire le délitement»


Déçu par les annonces de la ministre de la Santé dans le plan de refondation des urgences présenté lundi, le collectif Inter-Urgences s'apprête à poursuivre fortement le mouvement.
Effet pour le moins limité. «Pas un mot sur les salaires, pas un mot sur les embauches et rien sur l’arrêt de la fermeture des lits», lâche Hugo Huon, porte-parole du collectif Inter-Urgences. «En plus, le chiffre de 750 millions d’euros pour ladite refondation de ces services est une entourloupe», poursuit Christophe Prudhomme, de la CGT-Santé. «C’est de l’argent pris dans la réserve des hôpitaux, ce n’est en rien un financement neuf.» Quant à la création d’un service d’accès aux soins, «c’est totalement incompréhensible, on n’arrive déjà pas à faire tourner les urgences», lâche, perplexe, Patrick Pelloux, président de l’association des médecins urgentistes de France (Amuf).
En début d’après-midi ce mardi, dans les locaux de la Bourse de travail de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), où se tient l’assemblée générale du collectif Inter-Urgences, il n’y a guère de doutes sur le futur du mouvement. La question étant plutôt celle de la modalité des actions et le calendrier à fixer. Sans surprise, le collectif a voté la poursuite de la grève quelques heures plus tard.
Ambiance studieuse
Aujourd’hui, ce sont donc toujours près de 230 services en grève. Un grand nombre d’hospitaliers sont venus pour cette assemblée générale. Et faire ainsi le point. L’ambiance est studieuse. Signe de reconnaissance, les grévistes portent tous un tee-shirt noir. Les syndicats sont eux aussi présents, mais en tant qu’invités. Dans l’amphi, tout est très ordonné. D’abord, l’état de la mobilisation. 
Partout, un même constat : des services en grande difficulté, des postes qui manquent, des directions d’hôpitaux qui proposent juste quelques postes de remplacement, mais parfois des agences régionales d’hospitalisation qui se montrent actives dans des négociations. Pêle-mêle, on apprend qu’il n’y a pas d’aide-soignant la nuit aux urgences de Mont-de-Marsan (Landes), qu’à Mulhouse (Haut-Rhin) il y a seulement 7 postes occupés d’urgentistes sur 37. En Seine-Maritime, dans un des deux services, 35 patients ont passé la nuit du 1er au 2 septembre sur des brancards, faute de lit disponible. En Ille-et-Vilaine, tous les services d’urgences sont en grève.
«La question est que l’on est isolé, on ne sait plus trop quoi faire pour maintenir la pression», disent à plusieurs reprises des représentants. Comment en effet durer, après maintenant près de six mois de grève pour certains services ?
Fatigue
À côté, la CGT, SUD et FO écoutent, puis prennent la parole. Tous appellent à «un élargissement du mouvement», et cela «vers les autres services», «vers les médecins». Ce mercredi, d’ailleurs, la CGT-Santé appelle à une journée nationale. «On a été mené en bateau par les pouvoirs publics, il faut maintenant sortir de la rigueur, et augmenter fortement l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) qui fixe la progression des dépenses de santé, d’une année sur l’autre». Certes… «Continuer, mais comment ? s’interroge Hugo Huon. Le risque n’est pas la démobilisation, mais la fatigue, voire le délitement.»
En tout cas, la crise des urgences n’est pas près de s’achever, entrant même dans une zone de fortes incertitudes. Quelques syndicats de médecins urgentistes se sont néanmoins félicités des mesures gouvernementales. A l’inverse, ce sont plusieurs responsables politiques de gauche qui ont dénoncé avec force l’insuffisance de l’enveloppe de 750 millions d’euros. «On a affaire à une ministre qui a mis six mois à se rendre compte de cette crise et elle finit par proposer des mesures qui ne se traduisent pas par des postes supplémentaires», a critiqué ainsi le Parti communiste. «Le gouvernement ne prévoit pas d’ouvertures de lits ni de recrutement de personnels, principales revendications des urgentistes», a constaté le Parti socialiste dans un communiqué. De son côté, Stanislas Guerini, délégué général de La République en marche, s’est montré très optimiste, jugeant le plan d’Agnès Buzyn «courageux». «Ce n’est pas nécessaire de faire de nouvelles annonces, a-t-il expliqué. Celles d’hier ont été très importantes, maintenant il faut mettre en application ce plan».
Source : liberation.fr

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