"La Vie Hospitalière"

samedi 9 mai 2020

Suivi des « cas contacts » : ce que contiendront les deux nouveaux fichiers sanitaires prévus par l’État


DÉCRYPTAGES : La stratégie du gouvernement pour lutter contre une reprise de l’épidémie repose sur un suivi des « cas contacts ». Les autorités prévoient un « système d’information », reposant sur deux bases de données médicales : Sidep et Contact Covid


Alors qu’un long déconfinement va débuter le 11 mai, les autorités veulent éviter une reprise de l’épidémie de Covid-19, qui a déjà fait plus de 25.000 morts en France. Un point-clé de la stratégie du gouvernement : l’identification rapide de toute personne ayant été proche d’un malade, afin de lui faire passer également un test et, le cas échéant, l’isoler afin qu’elle ne propage pas la maladie. C’est ce que l’on appelle le suivi des « cas contacts » (ou « contact tracing »).

L’exécutif souhaite, grâce à ce suivi, « identifier rapidement 75 % des personnes infectées », même lorsque ces dernières ne présentent pas de symptômes du Covid-19, selon une instruction ministérielle en date du 6 mai que Le Monde a pu consulter. L’article 6 du projet de loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire prévoit, pour cela, la mise en place d’un nouveau « système d’information ». Son fonctionnement s’appuie sur deux bases de données médicales spécifiques : les fichiers Sidep et Contact Covid, dont certains points de fonctionnement doivent encore être précisés par des décrets d’application, qui seront publiés d’ici au 11 mai.

Sidep, pour identifier les malades

Le fichier Sidep - pour « service intégré de dépistage et de prévention » - est une base nominative qui contiendra l’intégralité des résultats des tests PCR qui seront réalisés à partir du 11 mai. Ces tests permettent de déceler le patrimoine génétique du virus SARS-CoV-2 dans des prélèvements nasopharyngés. Ces derniers devraient être très nombreux : le gouvernement espère en réaliser 700.000 par semaine.

Cette base de données sera remplie par les laboratoires et par tout organisme habilité à réaliser un test au Covid-19. Sidep servira aussi à la surveillance globale de l’épidémie par les autorités sanitaires - mais à partir de données rendues anonymes, comme le propose un amendement adopté par les députés le 6 mai.

Selon plusieurs documents transmis aux laboratoires par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) - qui hébergera la base de données -, les autorités prévoient aussi que ce fichier abonde, de manière « pseudonymisée », le Health Data Hub, la controversée plate-forme d’analyse de données médicales.

Mais le but principal du Sidep est de « déclencher le contact-tracing le plus rapidement possible », toujours selon l’un des documents de l’AP-HP que nous avons pu consulter.

Contact Covid, pour recenser les contacts des malades
C’est là qu’intervient la seconde base de données, appelée Contact Covid, du nom du « téléservice » élaboré par l’Assurance-maladie. Elle servira aux différentes équipes chargées du suivi des cas contacts des malades.

Les médecins vont la renseigner dans une application qu’ils utilisent déjà : Amelipro. Une fois avertis du résultat du test qu’ils ont prescrit, eux-mêmes ou leur secrétariat demanderont à leurs patients des informations sur les personnes qui partagent leur foyer - et qui risquent donc tout particulièrement de contracter le Covid-19. Ces informations seront recueillies par le biais d’un formulaire transmis aux malades.

Les médecins pourront aussi recueillir les coordonnées et l’identité des personnes hors du foyer avec qui le malade a eu une interaction rapprochée. Ce qui définit un contact rapproché est susceptible d’évoluer, mais consiste, selon le site de l’Assurance-maladie, en des « échanges d’une durée d’au moins quinze minutes sans masques avec un éloignement de moins d’un mètre » sur les dernières quarante-huit heures. Dans un premier temps, l’Assurance-maladie prévoyait d’encourager les médecins à remplir ce fichier au-delà du foyer du malade avec une incitation financière, mais les députés ont adopté un amendement supprimant cette « prime » de quelques euros au contact supplémentaire identifié.

Ensuite, la balle sera transmise aux personnels de l’Assurance-maladie. Des équipes de suivi des cas contacts - des « brigades » - sont en train d’être constituées dans chaque caisse départementale. Sur toute la France, 4.000 salariés de l’Assurance-maladie sont prêts à prendre leurs postes dès lundi matin, et 2.500 sont mobilisables en cas de besoin, précisait, le 1er mai, Nicolas Revel, le patron de l’Assurance-maladie.

Ces derniers pourront appeler le malade pour étoffer la liste des personnes avec qui il a été en contact rapproché. Seront alors collectées les informations nécessaires à pouvoir les contacter. Puis ces équipes de suivi des cas contacts les solliciteront, principalement par téléphone. Elles pourront les inviter à se confiner chez elles, à réaliser un test, à les orienter vers un soin spécifique. Elles pourront délivrer directement un arrêt de travail, et « évaluer les éventuels besoins d’accompagnement social de ces personnes au cours de leur période d’isolement », selon l’Assurance-maladie. Les personnes enregistrées dans le fichier Contact Covid pourront récupérer gratuitement des masques et réaliser un test sans prescription médicale.

Si les équipes de l’Assurance-maladie ne parviennent pas à joindre les cas contacts, elles pourront obtenir l’aide des services mis en place par le préfet, qui peuvent solliciter les services municipaux.

Enfin, les Agences régionales de santé (ARS) et Santé publique France utiliseront Contact Covid pour les enquêtes qui pourront être nécessaires lorsque sera infectée une personne évoluant dans un environnement à risque, lorsque émergera un foyer de contamination important ou lorsqu’on ne parviendra pas à comprendre où et comment un patient a été infecté.

Quel rapport avec l’application StopCovid ?

Á ce stade, le texte de loi ne concerne pas StopCovid, le projet gouvernemental d’application pour smartphone de suivi de contacts - dont Cédric O espère qu’elle sortira en juin.

Les sénateurs ont même inscrit formellement, dans la version du texte qu’ils ont adoptée le 5 mai, toute possibilité que StopCovid repose sur le nouveau « système d’information » combinant le Sidep et Contact Covid. L’application, si elle est menée à terme, devrait s’articuler sur ces deux bases de données pour être utiles aux équipes de santé chargées du suivi des cas contacts. On peut imaginer, par exemple, que l’application StopCovid suggère à une personne ayant potentiellement côtoyé un malade d’appeler les équipes de l’Assurance-maladie, afin qu’elles alimentent ensuite le fichier Contact Covid.

Pourquoi ne pas utiliser les fichiers déjà existants ?

De nombreux fichiers médicaux existent déjà. Olivier Véran, ministre de la santé, a déclaré lors de la conférence de presse tenue le 7 mai pour expliquer les mesures du déconfinement tenue : « Il n’y a pas de création d’un nouveau fichier national : il y a l’utilisation d’un fichier très connu qui est le fichier de l’Assurance-maladie, qui est le fichier qui s’appelle Amelipro », a-t-il indiqué.

Reste que « les systèmes d’information existants ne permettent pas le recensement des cas confirmés à destination d’un dispositif de tracing ni de mettre en œuvre le tracing lui-même », expliquait l’étude d’impact du projet de loi publié le 2 mai. Les bases de données Sidep et Contact Covid seront, de fait, le socle technique d’un nouveau « système d’information » spécifique à l’état d’urgence sanitaire lié à la pandémie.

Sera-t-il possible de ne pas y figurer ?

Pour Contact Covid comme pour le Sidep, les modalités exactes du droit de refus à ce que des données personnelles y figurent -que prévoit sous certaines conditions le droit européen - seront déterminées par leurs décrets d’application respectifs.

Cependant, selon les documents que nous avons pu consulter, certaines données figureront obligatoirement dans le Sidep : le nom, le sexe, la date de naissance, l’adresse, le numéro de téléphone du malade, mais aussi son type de résidence (habitat individuel, personne hospitalisée…) et d’activité (professionnel de santé ou non). D’autres données, comme la date d’apparition des premiers symptômes, l’adresse électronique ou le lieu de naissance, pourront ne pas être versées au fichier. Enfin, les patients pourront s’opposer à ce que leurs données soient utilisées à des fins de recherche dans le cadre du Health Data Hub.

Pourquoi ces fichiers ?

Sans fichier, difficile de faire un suivi exhaustif des cas contacts, et de pouvoir contacter des malades supposés. Or cette technique apparaît comme un instrument incontournable dans la lutte contre la pandémie. Le conseil scientifique le confirme tout au long de sa note du 20 avril sur les conditions du déconfinement.

En effet, le SARS-Cov-2, le virus qui cause la maladie Covid-19, est très contagieux. Une étude de l’Institut Pasteur a établi que chaque malade, en France et avant le confinement, contaminait 3,3 personnes. Un nombre croissant et concordant d’études scientifiques tend à montrer que cette forte contagiosité pourrait s’expliquer par le fait que les malades sont contagieux juste avant de présenter des symptômes : c’est comme ça que le virus continue son chemin à travers des personnes qui ne savent pas encore qu’elles sont malades. Ces fichiers vont servir à les identifier.

Combien de temps seront conservées les données ?
Le projet de loi prévoit que les données ne seront conservées que pendant la durée de l’épidémie. En l’état du texte voté par le Sénat et la commission des lois de l’Assemblée nationale, la durée retenue est celle de l’état d’urgence sanitaire. Cette question sera abordée – et précisée – par les décrets qui créeront les deux fichiers.

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a déjà prévenu qu’elle serait vigilante sur cette durée de conservation, et a déjà plaidé pour que certaines données soient effacées au plus vite. « Certaines données liées à des enquêtes achevées » autour d’un patient contaminé « devraient être supprimées dans un délai assez bref, bien avant la fin de l’épidémie », a préconisé la présidente de la CNIL aux députés, le 5 mai.

En l’état, le projet de loi tel qu’adopté par le Sénat prévoit du reste que la création des fichiers soit subordonnée à un avis « conforme » de la CNIL. Mais le gouvernement va tenter de revenir sur ce point à l’Assemblée nationale.

Qui aura accès à ces données ?

Les données issues des fichiers Sidep et Contact Covid seront accessibles aux agents et salariés du ministère de la santé, des organismes nationaux et locaux de l’Assurance-maladie, des agences régionales de santé, mais aussi de ceux des établissements et des médecins prenant en charge les personnes concernées et les laboratoires réalisant les tests.

L’ensemble des salariés ou membres de ces organismes n’auront, en revanche, pas accès à toutes les données des deux fichiers. Leurs décrets respectifs doivent préciser exactement qui, au sein de ces organismes, aura accès à quel type de données.

Quels débats ces fichiers soulèvent-ils ?

La commission nationale consultative des droits de l’homme s’est dite « particulièrement inquiète » au sujet de ces deux fichiers, qui portent selon elle « une atteinte conséquente au respect de la vie privée ». A l’Assemblée nationale, l’opposition a déjà tenté de les supprimer purement et simplement du projet de loi.

Certains estiment qu’ils constituent d’importantes entorses au secret médical. D’une part parce que les médecins devront obligatoirement recenser une partie des cas contacts d’un malade ; d’autre part parce que les deux fichiers pourront être consultés par des personnes qui ne sont pas des personnels soignants au sens strict du terme.

Sur le premier point, si les médecins devront demander à leur patient qui partage leur lieu de vie, l’identification des « personnes contacts à risque élevé de contamination hors du foyer » reposera « sur la base du volontariat », a précisé l’instruction interministérielle du 6 mai. Sur ce sujet, l’ordre des médecins a demandé plusieurs garanties, tout comme l’Académie de médecine.

Sur le second point, le directeur de l’Assurance-maladie a assuré, dans Les Échos, que ses personnels étaient soumis au secret médical comme les médecins.

Une autre limite soulevée concerne l’ajout de cas contacts au fichier Contact Covid sans leur consentement. Cela renvoie en fait à l’une des difficultés intrinsèques du suivi de contact : pour avertir une personne qu’elle a peut-être le virus, il faut disposer de ses coordonnées. Mais comme elle ne sait pas qu’elle risque d’être malade, difficile de lui demander son accord sans justement disposer de ses coordonnées (et donc de les recenser dans un fichier).

Pour tenter de circonscrire toutes ces inquiétudes, le Sénat a ajouté au texte la création d’un « Comité de contrôle et de liaison Covid-19 », pour évaluer la pertinence de ces dispositifs numériques. La commission des lois de l’Assemblée a, elle, prévu qu’un rapport et un avis de la CNIL seront régulièrement transmis au Parlement.
Article de Martin Untersinger




Source : lemonde.fr






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Des officiers SS et des infirmières allemandes se réunissent lors 
de la cérémonie d’inauguration du nouvel hôpital SS d’Auschwitz.







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1 commentaire:

Laure a dit…

C'est quoi ce zèle tout d'un coup à vouloir absolument par n'importe quel moyen, n'importe quel prétexte, ficher les gens ?
En 2019, les premiers signes de l'épidémie sont apparut, Madame Agnès Buzuyn (qui avait des informations d'un blog chinois) et son mari ( qui n'était pas sans avoir des contacts avec le laboratoire P4 de Wuhan) connaissaient l'existence de ce coronavirus.
Que veut dire toute cette mascarade ?
Devons-nous supprimer nos téléphones portables pour rester libres et surtout aussi demeurer loin des ondes électromagnétiques qui deviennent de plus en plus dangereuses pour la santé ?
Les ondes électromagnétiques peuvent faire baisser notre immunité naturelle gravement.Mais au fait à aucun moment il a été conseillé de renforcer nos défenses naturelles ? Et, le seul moyen réel pour les renforcer ce sont des produits naturels (vitamine C etc)...
Ceci écrit j'en ai assez de toutes ces pressions qui visent à nous encadrer dans un système qu'il nous faudra assurément combattre avec toute notre énergie.
La résistance s'impose dès à présent, devant cette manipulation grotesque ayant des orientations qui m'apparaissent de plus en plus contraires aux droits de l'homme et du citoyen.