Si les partenaires sociaux saluent l’ouverture, le 25 mai, d’un « Ségur de la santé », qui devrait remettre à plat les salaires des soignants et plus généralement l’avenir de l’hôpital public, ils attendent des propositions concrètes avant de se réjouir
De la grogne à la paix armée
En annonçant vendredi lors d’une visite surprise à la Pitié-Salpêtrière la mise en chantier du « plan massif d’investissement et de revalorisation des carrières » pour l’hôpital public promis le 25 mars à Mulhouse, Emmanuel Macron a réussi à calmer - au moins provisoirement - l’exaspération des hospitaliers. C’est qu’à l’évidence, le regard de l’exécutif sur l’hôpital au sortir de deux mois et demi de crise sanitaire aiguë a radicalement changé. Au point d’inciter le Président à un rare mea culpa : le plan « Ma Santé 2022 », conçu pour accélérer le virage ambulatoire de l’hôpital, était « sans doute une erreur de stratégie », faute de « moyens ». Il l’assure, tous les sujets qui fâchent - salaires, investissements, gouvernance et innovation - sont désormais sur la table.
Dimanche dans le JDD, le ministre de la Santé, Olivier Véran, mandaté pour mener à bien ce « Ségur de la santé » présidentiel, confirme : « Nous allons augmenter les rémunérations au-delà des primes, travailler sur un plan d’investissement ambitieux et enclencher une transformation profonde de tout ce qui ne tire pas l’hôpital vers le haut. » Au prix d’une remise en cause des 35 heures, comme suggéré vendredi ? « La question n’est pas de déréglementer le temps de travail, rassure le ministre. Il ne s’agit pas d’obliger des gens à travailler davantage, mais de créer un cadre beaucoup plus souple pour permettre à ceux qui le souhaitent de le faire, ou d’organiser leur temps de travail différemment. Sans pression. » Le 25 mai, une « grande réunion multilatérale des partenaires sociaux » au ministère donnera le coup d’envoi à cet aggiornamento. Objectif : boucler un plan cet été « pour traduire tout ce qui peut l’être dans le prochain budget de la Sécurité sociale ».
« Fléau bureaucratique »
De quoi prendre de court les syndicats et collectifs de soignants qui se préparaient déjà en coulisse à un nouveau bras de fer avec l’exécutif. Rendue publique vendredi soir par voie de communiqué, leur idée d’appeler à une mobilisation nationale le 16 juin « pour fixer un cap » aux soignants fait désormais débat. « On est à contretemps, admet le cofondateur du collectif Inter-Urgences Hugo Huon. La question s’est posée de continuer ou pas. On a finalement décidé de conserver un jalon temporel au cas où les négociations salariales que Véran doit ouvrir tournent court. Mais vu l’ampleur de l’exaspération au sein des établissements et la sympathie que les Français expriment chaque soir aux soignants, le rapport de force ne nous a jamais été aussi favorable. »
Depuis début mars, les hospitaliers redonnent de la voix. Dans la presse, les tribunes de médecins inquiets du retour du « fléau bureaucratique » à l’hôpital se multiplient. Le confinement levé, les blouses blanches mal récompensées de leur dévouement durant la crise sanitaire se remobilisent un peu partout : défilé syndical à Toulouse, manifestation devant l’hôpital Robert-Debré à Paris, rassemblement au CHU de Saint-Etienne… Quand mercredi l’exécutif annonce son intention de leur décerner des « médailles » pour leur dévouement, l’exaspération atteint son paroxysme. « Terrible, consternant, stupéfiant », dit le Dr Matthieu Lafaurie, infectiologue à Saint-Louis, indigné par le « "gap" quasi systématique entre les discours et les actes ».
Étonnement
Pour effacer cette séquence désastreuse et politiquement dangereuse, Macron passe à la vitesse supérieure et donne des gages. Jeudi, lors d’une visioconférence avec dix praticiens hospitaliers, il prend la mesure du malaise. « On lui a tous dit que la crise du Covid avait révélé à quel point les lourdeurs administratives entravaient le fonctionnement de l’hôpital, et que s’en libérer avait permis de redonner du sens au métier de soignant, témoigne le Pr Xavier Mariette, rhumatologue à l’hôpital Bicêtre. Il a accepté l’idée qu’une revalorisation des salaires de soignants était indispensable pour rendre de l’attractivité à l’hôpital. Il a aussi semblé conscient de la logique inflationniste et délétère pour l’hôpital public de la tarification à l’activité et de la nécessité d’en sortir. » Vendredi, quand il se rend à la Pitié-Salpêtrière, Macron sait désormais précisément ce que chacun veut entendre. Aux représentants du collectif Inter-Hôpitaux, aux syndicats puis aux personnels des urgences, il distille les annonces qui touchent juste. A commencer par la promesse d’augmenter la rémunération des soignants, au-delà de la prime coronavirus de 500 à 1 500 euros annoncée en pleine épidémie et dont le décret n’a été publié au Journal officiel que le matin même.
Chez les hospitaliers, l’espoir le dispute à l’étonnement. « Macron a pris la mesure qu’il fallait agir beaucoup plus vite et beaucoup plus fort », applaudit le Pr François Salachas, membre du collectif Inter-Hôpitaux. Sa collègue Sophie Crozier, neurologue de la Pitié, tempère : « Il ne faut quand même pas se réjouir trop vite. L’exécutif promet de revoir sa copie, mais reste flou sur les moyens : il ne donne aucun montant de revalorisation des salaires, ni de progression du budget consacré à l’hôpital. Quand il s’agit de la Culture ou du Tourisme, c’est précis. Pas sur l’hôpital. On ne doute pas de sa bonne foi mais on attend. » Même attentisme du côté du collectif Inter-Urgences. « Véran a fixé un agenda de discussions, c’est une avancée, apprécie Hugo Huon. Cela condense les attentes car depuis un an, l’exécutif refusait d’engager la moindre discussion avec les organisations syndicales ou militantes. On prend acte des propositions de Véran. Mais on attend les négociations. »
Article de Nathalie Raulin Source : liberation.fr
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