"La Vie Hospitalière"

vendredi 1 mai 2020

La crise sanitaire actuelle montre à quel point le travail des auxiliaires de vie auprès des personnes fragiles est essentiel


 Mal payées, mal considérées, elles lancent une pétition et réclament justice.

On les appelle des auxiliaires de vie. Comme si leur travail n’était qu’accessoire. Or, ces 226.000 femmes (97%) et hommes sont en première ligne, chaque jour, pour aider les personnes âgées, fragiles, dépendantes. Elles sont donc les plus exposées au coronavirus. Et pourtant, elles n’ont pas droit aux dotations de masques de protection, au gel hydroalcoolique et, surtout, à la reconnaissance, comme le personnel soignant. Quant à leur rémunération, elle est tout simplement indécente!
Une enquête (ci-dessous) intitulée « comment la crise sanitaire liée au Covid-19 bouleverse-t-elle le métier d’auxiliaire de vie ? » menée par la société Alenvi et le collectif « L’humain d’abord » montre à quel point « il est temps de revaloriser le métier d’auxiliaire et de ne plus continuer comme avant. » Cette enquête effectuée auprès de 1.100 auxiliaires nous apprend que « plus de la moitié » ne se sent pas concernée par les applaudissements du personnel médical, tous les soirs, à 20 heures. Voilà pourquoi elles ont décidé de sortir de l’ombre pour exprimer  leur mécontentement et faire à changer les choses.

Les propositions

Au cours d’une visioconférence de presse organisée par Alenvi, ce mercredi 29 avril 2020, et relayée par les Conseils départementaux, dont celui de Meurthe-et-Moselle, plusieurs auxiliaires de vie ont témoigné des difficultés qu’elles rencontrent dans l’exercice ce leur métier. Soafara, par exemple, auxiliaire à la société Louvéa à Nancy-Custines, se dit choquée de n’avoir pas pu obtenir du matériel de protection. « Trois pharmacies ont refusé de me vendre des masques, dit-elle, parce que nous ne sommes pas reconnues comme personnel soignant. Or, nous faisons un travail humanitaire et j’aime mon métier. »
Même point de vue d’Isabel (Auxiliaire à Alliance Vie) : « Au début de l’épidémie, nous avons eu des soucis pour avoir du matériel de sécurité. Maintenant, nous avons des masques mais nous manquons de gants. »
Depuis quelques semaines, 43 auxiliaires et 24 dirigeants de plusieurs structures d’aide à domicile, privées et associatives de toute la France, ont décidé de travailler ensemble pour faire 4 propositions concrètes afin ce revaloriser tout de suite le métier d’auxiliaire de vie.

1. Inscription dans les répertoires nationaux des professionnels de santé;
2. Rémunération de 1.500 euros nets/ mois pour les auxiliaires à temps plein;
3. Un métier = une seule branche, une seule convention collective, un seul OPCO (opérateur de compétence);
4. Toutes les sociétés commerciales du secteur ESUS (Entreprise Solidaire d’Utilité Sociale) ou société à mission.

De l’argent public

" Je suis d’accord à 200 % avec les revendications des auxiliaires de vie " assure Véronique Scida, dirigeante depuis 2005 du service d’aide et d’accompagnement à domicile Louvéa, à Custines (54) membre d’un réseau coopératif présent sur tout l’Hexagone. Elle gère une équipe de 35 auxiliaires de vie (parmi laquelle deux hommes) pour 230 bénéficiaires répartis sur la Métropole du Grand Nancy et le Val-de-Lorraine.
" Je suis d’accord pour que les auxiliaires de vie aient un vrai statut d’auxiliaires de santé car, trop souvent, elles sont considérées comme des boniches par les médecins ou les infirmières. D’accord aussi pour revalorisation de leur salaire. Mais nous sommes dépendants des financements accordés aux bénéficiaires via les allocations personnalisées à l’autonomie (APA) du Conseil départemental, allocations provenant de la Caisse nationale de solidarité et d’autonomie (CNSA) créée après la canicule de 2003. Certaines caisses de retraites financent aussi des heures de ménage. Mais 95% de nos prestations sont financées par le l’argent public. "

Économie sociale et solidaire

Véronique Scida souhaiterait donc avoir les moyens de mieux payer ses salariées. Elle milite aussi pour un regroupement des branches, c’est à dire un statut unique pour toutes les professions d’aide à domicile qu’elles dépendent d’une association, d’une structure commerciale ou privée. « Les structure commerciales devraient intégrer l’économie sociale et solidaire (ESUS ou Sociétés de Mission) » dit-elle.
Il est vrai que le « marché » de l’aide à domicile est particulièrement important. Pour la seule Meurthe-et-Moselle, 8.800 personnes touchent l’APA domicile du Département, il y a 3.000 allocations de prestation de compensation handicap (PCH). Il faut préciser qu’il y a dans le département 22% de personnes de 75 ans et plus qui ont bénéficié de 1.840.000 heures de prestations pour APA et 550.000 heures au titre de la PCH (chiffres de 2015).
Avec le vieillissement de la population, ce « marché » de l’économie sociale et solidaire est en pleine expansion. Nos sociétés ont et auront de plus en plus besoin de faire appel à ces femmes et à ses hommes dont on ne dira jamais assez à quel point leur rôle est précieux et indispensable. Il est temps de leur rendre justice.

Article de Marcel Gay


Source : infodujour.fr
Pour plus d'informations 



Nous, auxiliaires ! 4 décisions à prendre tout de suite 
pour valoriser notre métier

Nous, auxiliaires de vie, nous sommes en première ligne au contact des plus vulnérables, face au Covid. Pourtant, comme le montre notamment le sondage réalisé par Alenvi auprès de 1.100 auxiliaires, plus de la moitié d’entre nous ne se sentent pas concernés par les applaudissements tous les soirs à 20 heures. Comment est-ce possible ?

Les conditions dans lesquelles nous travaillons ne sont pas alignées avec la réalité de notre métier faite d’empathie et de responsabilité. Les rapports Libault et El Khomri avaient partagé ce constat en 2019. Nous avons donc pris la plume avec des encadrants et dirigeants du secteur afin de formuler 4 propositions pour changer les choses. Depuis 1 mois, le gouvernement a montré qu’il pouvait prendre des décisions rapidement : qu’il agisse dès maintenant pour notre profession, pour ne pas mettre en péril la cohésion sociale du pays !

1. Soyons inscrits dans les répertoires nationaux des professions de santé

“Quand on va à la pharmacie, on nous jette au visage : vous ne faites pas partie du personnel médical pour avoir un masque”

“On parle des soignants de l'hôpital et des ehpad mais rien sur les auxiliaires de vie”

Nous voulons être considérés de la même manière que les soignants, ce qui est le cas dans la majorité des pays européens. Concrètement, cela veut dire nous inclure sans attendre dans les répertoires nationaux des professions de santé et nous donner, entre autres, le même niveau de priorité pour le matériel de protection (masques, blouses…), la possibilité d’avoir une carte professionnelle, d’utiliser un macaron pour notre véhicule...

Cela contribuerait à faire évoluer les mentalités, le “care” continue à nourrir le “cure” et l’inverse prend tout son sens : le monde de la santé s’inspire de la manière dont on crée du lien dans nos métiers. On fait converger le soin et le “prendre soin”.

2. Nous voulons être rémunérés à la hauteur de ce que nous apportons à la société

“On risque notre vie pour un salaire de misère et des primes que l’on ne verra jamais.”

“Un métier peu valorisé qui demande beaucoup d’investissement pour un maigre salaire.”

Dans son discours du 13 avril 2020, le Président de la République a souhaité redonner ses lettres de noblesses aux métiers ayant une utilité sociale. La France est l’un des pays de l’OCDE qui rémunère le moins bien ces métiers*. Passons des paroles aux actes, il est donc urgent de valoriser aussi notre métier par la rémunération. Nous voulons gagner à temps plein 1500€ net par mois. Cette revalorisation salariale ne constituerait pas une dépense supplémentaire mais bien un investissement pour un meilleur système global d’accompagnement et de soin.

3. Notre métier doit être reconnu comme 1 seul métier à part entière

“J'aimerais que mon métier soit reconnu au même titre que les infirmières. Et que nous ayons un vrai statut.”

“Nous sommes invisibles, mais j'aime mon métier !”

On ne peut pas dire qu’on fait le même métier si on n’a pas les mêmes droits.

Dès lors, fusionnons les branches professionnelles liées à notre métier pour définir une convention collective commune, qui corresponde à un même métier, pour donner à chacun les mêmes conditions de travail, et un OPCO commun, pour que chacun ait les mêmes chances de se former en continu.

Enfin, il existe beaucoup trop de diplômes, ce qui réduit leur visibilité. Harmonisons-les sur un seul métier et surtout, faisons davantage coïncider ces formations avec la réalité humaine du métier.

4. Rendons obligatoire la qualité de société à mission ou le statut ESUS pour tous les sociétés commerciales du secteur afin d'aligner l'ensemble des acteurs vers leur utilité sociale

“Pas vraiment d’écoute de la direction. Le chiffre avant tout ! Faut travailler même chez les bénéficiaires qui n’ont pas besoin.”

“Les bureaux continuent de ne pas prendre en compte nos avis, il n’y a que l’argent qui compte.”

La nécessité de valoriser les métiers du grand âge et le besoin d’humaniser l’accompagnement des personnes en perte d’autonomie sont des sujets sociaux majeurs. Leur prise en considération, ou non, ne peut pas dépendre d’arbitrages d’entreprises structurellement organisées dans un but de maximisation de la valeur actionnariale. Notre droit a récemment créé des statuts pour mettre la gouvernance des entreprises au service de l’ensemble des parties prenantes (salariés, bénéficiaires….), utilisons-les, maintenant !

* Source : Le « panorama de la santé » 2017 de l'Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) pour les infirmières.

Pour signer la pétition



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