"La Vie Hospitalière"

jeudi 21 novembre 2019

Mesures pour l'hôpital : pour la santé, «une occasion gâchée»


Si certains ont salué les annonces de l’exécutif, la grande majorité des professionnels dénonce des mesures inadaptées et appelle à la poursuite du mouvement.
Avis franchement négatif sur le nouveau plan pour l’hôpital, présenté mercredi par le Premier ministre. Peut-être que la dynamique de mobilisation  -  qui avait vu personnels soignants et médecins, dans une union rare, manifester ensemble  - se ralentira. Mais les deux collectifs, Inter-Urgences et Inter-Hôpitaux, se disent très déçus. Et appellent à la poursuite du mouvement, avec une nouvelle journée d’action le 30 novembre.
«Le plan d’urgence pour l’hôpital ne répond en aucun cas aux problématiques du secteur», a ainsi fustigé une responsable du collectif Inter-Urgences. «Face au malaise, le Premier ministre se moque des soignants en souffrance», poursuit le Syndicat national des professionnels infirmiers. Qui ajoute : «Les soignants n’ont rien demandé au sujet de la dette des hôpitaux. Notre quotidien, c’est le budget de fonctionnement.»
«C’est une occasion gâchée,» analyse le Dr Patrick Pelloux, urgentiste. «Il y a certes un peu d’argent mais cela ne correspond pas aux ­attentes. Il n’y a aucune annonce sur la réouverture de lits. On a le sentiment de mesures techno qui ­répondent aux demandes des directeurs alors que j’espérais l’annonce d’un grand rendez-vous autour de l’hôpital public.»
«Les usagers se doivent de se mobiliser encore plus»
De fait, c’est autant le ton que le fond qui est mis en cause. Dr Anne Gervais, vice-présidente du collectif Inter-Hôpital laisse même éclater sa colère : «C’est monstrueux. Pour toute réponse, une politique de ­saucissonnage, avec des miettes pour les médecins, des primes pour les chefs de service et 66 euros pour le personnel soignant. Mais il n’y a rien pour répondre aux défis que l’on a soulevés», dit-elle avant de les énumérer.
«Comment faire pour que l’Ondam [le taux de progression des dépenses de l’assurance maladie, ndlr] réponde aux besoins et non l’inverse ? Comment faire pour que les salaires des infirmières ne soient pas à la traîne par rapport aux autres pays occidentaux ? Comment faire pour changer la gouvernance et inclure les usagers. Je suis effondrée, je ne vois pas ce qui va changer. Les usagers se doivent de se mobiliser encore plus avec nous.»
«Je n’en peux plus de ces effets d’annonce»
À l’inverse, les députés de la majorité se disent satisfaits, évoquant un plan à la hauteur des enjeux. Olivier Véran, rapporteur général de la commission des affaires sociales, se montre euphorique : «Derrière ces milliards, il y a des engagements très forts. Je n’ai jamais vu une telle ­ambition financière au service de l’hôpital.»«Il y a des mesures importantes qui marquent une rupture», estime François Cremieux, directeur général adjoint des Hôpitaux de Paris (AP-HP). «Ce plan prend en compte des spécificités régionales, comme celle de l’Ile-de-France pour le logement, mais aussi pour l’attractivité des postes de médecins hospitaliers en début de carrière. Il ouvre une progression pour les aides-soignants.» La Fédération hospitalière de France, elle aussi, se montre ­positive -  il est vrai que c’était elle qui était porteuse d’un allongement de la dette. «Notre appel pour des mesures d’urgence pour l’hôpital et les hospitaliers a été entendu. Nous serons vigilants sur l’application concrète de ces mesures.»
Ces marques de satisfaction sont néanmoins très minoritaires. Le vent de colère n’a en rien diminué après les annonces d’Edouard Philippe. «Qu’ils viennent au pied d’un lit, lâche une jeune pédiatre de l’hôpital Necker. Qu’ils nous ­disent si l’on va arrêter de transférer des nourrissons à 200 kilomètres, faute de lits ou de personnel.» Même le professeur émérite André Grimaldi se dit à bout : «Je n’en peux plus de ces effets d’annonce. Le Premier ministre ose dire que c’est historique, que pour la première fois le point d’indice des actes médicaux va augmenter. Mais il oublie de préciser que, depuis deux ans, ce qui a été historique, c’est qu’il avait baissé.» Et, triste : «Pourquoi jouer les uns contre les autres ?»


Source : liberation.fr



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