"La Vie Hospitalière"

samedi 14 novembre 2020

2020, année de tous les dangers pour les enfants

Tribune : Songeant abasourdie à cette rentrée scolaire du 2 Novembre 2020, une image s’est imposée à mon esprit. Elle est le point de départ de ma réflexion




L’image qui m’est venue est celle d’un adulte et d’un enfant de 6 ans : d’une main, l’adulte donne à voir à l’enfant des images d’une violence extrême ; de l’autre, il empêche l’enfant de parler en lui mettant un masque devant la bouche.


Le 2 Novembre, les enfants français de 6 ans, ont vécu une expérience inédite.

D’un côté, ils ont pu être stressés et parfois littéralement « sidérés » par la représentation mentale de la mort violente d’un être humain.


De l’autre, d’un point de vue symbolique, ils ont pu être empêchés de sortir du stress et de la sidération, entravés par leur masque pour exprimer leurs émotions et retrouver leur capacité de penser.

Au-delà du symbolique, le masque peut être dans la réalité un obstacle à une prise de parole intelligible, fluide et émotionnelle, qui requiert une oxygénation optimale.


Les mesures dites de « distanciation sociale » ne permettent pas non plus aux enseignants d’apporter physiquement aux enfants la sécurité ; or ces derniers, en particulier les plus jeunes, en ont absolument besoin pour oser s’exprimer et affronter leurs peurs.

Depuis le 16 octobre, la médiatisation de l’assassinat de Samuel Paty à Conflans Sainte Honorine est telle que la plupart des enfants ont vraisemblablement entendu parler de ce professeur, d’une façon ou d’une autre ; beaucoup auront appris qu’il a été décapité.


Si nous étions réellement soucieux du bien-être des enfants, nous aurions immédiatement réfléchi aux conséquences de cette sur-médiatisation.


Qu’est-ce qu’un enfant de 6 ans peut ressentir en apprenant qu’un professeur a été poignardé et décapité, en sortant de son établissement scolaire ?


Il risque fort d’être terrorisé par l’idée qu’un adulte qui est censé le protéger, a été sauvagement assassiné ; cela peut faire surgir des angoisses massives d’abandon et de mort.


Un professeur est à la fois un passeur de sens et de savoir, et une figure de protection.


Et si lui, l’enfant était en danger dans son école ? Et si la violence était plus forte que toute parole ?


Et si accéder à la connaissance, ce qui lui demande à son entrée au primaire de mobiliser toutes ses forces, s’avérait finalement dangereux?


Et si ses propres parents étaient assassinés ?


Et s’il était lui-même tué ?

Il est clair que cette représentation du meurtre de l’enseignant est potentiellement hautement anxiogène.


Nous aurions aussi pensé aux modalités d’accompagnement de ces enfants, potentiellement stressés voire traumatisés.


Des textes relatifs à la prise en charge des élèves traumatisés par un attentat médiatisé existent d’ailleurs au sein de l’Education Nationale, via la plateforme Eduscol, depuis les attentats de Charlie Hebdo, en 2015. Mais sans volonté politique, et sans formation ni entrainement des adultes travaillant dans les établissements scolaires, ces textes restent lettre morte, la plupart du temps *.

 Travaillant depuis de nombreuses années sur le psycho-traumatisme de l’enfant, je suis consciente que l’enfant sous haut stress a fondamentalement besoin d’être écouté dans l’expression de ses émotions plus ou moins conscientes. Cela demande un savoir-être et un savoir-faire pour ne pas faire à nouveau intrusion dans le psychisme de l’enfant.

Accueillir les émotions, écouter et exprimer de l’empathie ; rassurer par le ton, les paroles sécurisantes, la proximité physique, il s’agit de cela. Et éviter de rajouter de l’insécurité à l’insécurité.


J’ai moi-même l’occasion d’intervenir régulièrement comme formatrice de la méthode RE®** dans des établissements scolaires parisiens ou de banlieue, de la maternelle au collège, afin de transmettre aux adultes comme aux enfants les outils de l’empathie, du Savoir-Dire et de la résolution de problème.

Je sais que d’autres le font aussi, mais ces formations sur la relation aussi riches soient-elles, restent des phénomènes marginaux et noyés dans un système scolaire qui marche sur la tête,  car lui-même porteur de violences systémiques.


Certains parents auraient préféré ne pas parler de cet événement à leurs jeunes enfants, dans le souci de les préserver. Notre Ministre de l’Education Nationale, en annonçant l’hommage et la minute de silence les a mis au pied du mur ; plusieurs parents m’ont ainsi témoigné du fait qu’ils s’étaient sentis obligés d’en parler à leurs enfants pour les préparer.


Ces parents étaient convaincus de l’inutilité de mettre ces représentations dans la tête de leurs enfants mais ils le faisaient pour qu’ils ne soient pas pris de court.


Enfin d’autres enfants n’étaient pas au courant des faits et auront appris de façon brutale qu’un professeur a perdu la vie tragiquement. C’est un énorme choc auquel ces enfants ont été exposés volontairement.


Le souhait manifesté par le gouvernement français serait celui d’inculquer aux élèves la valeur inaliénable de la liberté d’expression.

Soit. Cela peut s’entendre…

À condition que l’État respecte lui-même la liberté d’expression de chacun, ce qui peut être largement interrogé, particulièrement en cette période.


Et à condition que les enfants soient d’abord écoutés ; et que l’accent soit mis de façon absolument prioritaire sur cet aspect.

Quant aux professeurs qui ont fait respecter cette minute de silence et animé un possible débat, ils étaient aussi pour beaucoup encore, si j’en crois différents témoignages de clients ou amis enseignants, sous le choc de la nouvelle de l’égorgement du professeur. Car la différence avec les attentats de Charlie Hebdo est qu’il s’agit là d’un collègue auquel il est très aisé de s’identifier.


Et étant encore sous le choc de cette nouvelle, couplée au choc du re-confinement, ils étaient eux aussi pour beaucoup vulnérables car en état possible de sidération.


Parmi eux, certains, conscients des enjeux pour ces enfants et naturellement empathiques ont très certainement fait leur possible pour répondre au mieux aux angoisses des jeunes élèves. Mais cela reste des initiatives isolées et individuelles.


Pour résumer, notre gouvernement en la personne du Ministre de l’éducation semble avoir programmé et orchestré « pour leur bien » une sidération collective des enfants par des professeurs souvent eux-mêmes sidérés ou/et fragilisés par le re-confinement.

Manifestement, la journée de lundi n’a pas été destinée à soutenir ces enfants ; ni leurs enseignants, semble -t-il.

Et alors que ces enfants vont devoir composer avec ce traumatisme et celui du confinement, l’Etat leur impose dans le même temps le port du masque, sous couvert de lutter contre le rebond de l’épidémie de Covid ; alors même qu’un consensus scientifique semble se dégager, en faveur de la thèse que les enfants de moins de 10 ans ne sont que très rarement porteurs et vecteurs du virus du Covid.

Je ne parlerai pas ici de l’asphyxie de leur cerveau et de leur corps en pleine croissance, laissant cela à des spécialistes en neurologie et en pédiatrie.

Mais prosaïquement, comment vont-ils oser prendre la parole, quand déjà des lycéens me confient qu’il leur est difficile de s’exprimer avec un masque, qu’il leur en coûte de se faire entendre, de répéter leurs propos et qu’ils préfèrent parfois renoncer à parler et à se faire entendre ?


Au niveau du développement psychologique, entre 6 et 10 ans le lien avec autrui commence à devenir de plus en plus important. Avoir des copains, un meilleur ami, trouver sa place dans le groupe sont des processus qui risquent inévitablement d’être affectés par le rappel constant des « gestes barrière ».


Pourront-ils encore vivre et cultiver la tendresse et les batailles joyeuses des cours de récréation, en dépit de la « distanciation sociale » ?



Le phénomène de conformisme social va lui aussi se manifester de façon particulière.


Par exemple, une maman m’a dit ainsi que son fils de 6 ans était parti le matin à l’école, le 2 novembre, en clamant qu’il porterait son masque sous le menton. A l’approche de l’école, apercevant au loin quelques enfants tous masqués, il l’a instantanément, et sans un mot, remonté sur sa bouche et son nez.


Par ailleurs, à l’âge de l’école primaire, le processus de rationalisation et d’intellectualisation prend une place importante dans le développement de l’enfant ; celui-ci va chercher du sens à la violence des mesures sanitaires ; il aura tendance à justifier les règles les plus insensées et montrer du doigt ceux qui contreviennent aux consignes.


Et de quelle manière ces enfants vont- ils continuer de développer leurs intelligences émotionnelle et relationnelle, quand ils ne peuvent pas voir les expressions de leurs pairs ni de leur enseignante ?


Une enfant de 9 ans m’a confié récemment qu’elle n’arrivait pas à savoir ce que ressentait son enseignante, à cause de son masque – était- elle en colère ou contente ? Ainsi, elle me disait être sur ses gardes la plupart du temps.


Par ailleurs, le port du masque généralisé aux enfants du Primaire me semble être une excellente façon de formater une population dès son âge le plus tendre alors que le cerveau absorbe tout comme une éponge.


Que vont apprendre ces enfants ?


Que la vie est dangereuse et que le danger est impalpable et partout ?


Que le vaccin est la seule issue à ce virus criminel ?


Qu’il faut se méfier des autres, même de ses amis et de sa famille ; et parfois s’en éloigner ?


Qu’ils pourraient être coupables de contaminer mortellement leurs grands-parents ?


Beaucoup de questionnements et quand viendra l’heure des bilans, il sera probablement trop tard.


La peur que notre gouvernement insuffle partout est particulièrement toxique pour les jeunes enfants, réduisant littéralement leurs structures cérébrales responsables de la mémoire et des apprentissages, notamment l’hippocampe, petite structure cérébrale très sensible au stress.


La terreur, assortie d’un fort sentiment de culpabilité, est un outil très efficace de manipulation pour obtenir de la victime qu’elle soit sidérée puis dissociée ***.


Or les enfants, de par le fonctionnement immature de leur cerveau et leur incapacité à contenir de fortes émotions comme une peur extrême, sont particulièrement vulnérables au lavage de cerveau.


En tant que parents ou professionnels de l’enfance, pourquoi acceptons-nous ce paradoxe insensé de « maltraiter nos enfants pour les protéger ? »


Quels sont les éléments susceptibles de nous arracher à ce qui s’apparente à une « bouffée délirante collective » **** ?


Quels ancrages intérieurs et spirituels pouvons-nous trouver dans cette agitation ?


Comment faire tomber les masques, et tendre les deux mains à nos enfants ?


 * Quelques considérations pour aborder la médiatisation d’un événement collectif violent avec les élèves


https://cache.media.eduscol.education.fr/file/ecole/96/5/aborder_evenement_collectif_violent_383965.pdf


** Méthode de communication RE® (Relationship Enhancement) par l’Institut Francophone de la Relation.


  http://ifre.info


*** Dissociation : mécanisme adaptatif de rupture intra-psychique et qui peut faire suite à un phénomène de sidération, en cas de terreur associée à un sentiment d’impuissance. Elle fait partie du syndrome de Stress Post Traumatique.


****  https://jdmichel.blog.tdg.ch/archive/2020/08/07/le-delire-collectif-de-la-covid-19-308053.html



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