Le Danemark et l’Autriche l’ont annoncé ce matin.C’est très révélateur : la façon de regarder et de combattre la maladie est en train de se transformer complètement en Europe
Manifestants contre l'obligation vaccinale à Vienne en Autriche le 8 janvier
© AFP / FLORIAN WIESER / APA / AFP
En quelques semaines, la question centrale a radicalement changé. C’est spectaculaire.
Fin décembre le sujet de discussion principal en Europe, c’était l’obligation vaccinale. Et son imposition en Autriche, en Irlande, en Grèce, en France avec « le pass vaccinal ».
Un mois plus tard, renversement de perspective, place à la levée des restrictions.
Il y a deux semaines, Israël et l’Espagne ont été les premiers pays à évoquer cette reconfiguration : vivre avec le virus, cesser de tout restreindre.
Londres a embrayé la semaine dernière, mais pour de mauvaises raisons : d’abord le calcul politicien d’un Boris Johnson empêtré dans les scandales.
L’arbitrage rendu public aujourd’hui par le Danemark et l’Autriche est autrement plus révélateur. Précisément parce que ces pays ont été parmi les plus stricts dans leurs plans de restriction.
Au 1er février, ç’en sera donc fini du confinement des non-vaccinés en Autriche, fini du port du masque ou de la fermeture des bars au Danemark.
Le ministre danois de la santé Magnus Heunicke estime, je cite, que « le Covid n’est plus une maladie menaçante pour la société ».
Alors même que le Danemark connait toujours des chiffres de contamination vertigineux, comparables à ceux de la France quand on les rapporte à la population.
De son côté, l’Espagne ajoute qu’elle va bientôt cesser le décompte quotidien des cas positifs ou des hospitalisations.
Un tournant politique est en cours, en Europe occidentale en tout cas : un changement complet de regard. La priorité cesse d’être la vaccination pour devenir la levée des restrictions.
Le risque social plus élevé que le risque sanitaire
Il y a des raisons sanitaires pour explique cet arbitrage : un taux de vaccination élevé (87% en Espagne, 84% au Danemark, la France n’est pas loin derrière, à 80%).
Et une immunité croissante avec un variant Omicron peu virulent.
Donc le risque diminue, hormis pour les non-vaccinés mais ça, d’une certaine manière, c’est leur problème.
Et puis les chiffres n’ont progressivement plus de sens. Le nombre d’entrée en soins critique ne reflète plus, en décalé, le nombre de cas positifs.
Et une proportion croissante de malades positifs au Covid ne sont plus hospitalisés à cause du Covid mais à cause d’autres maladies. Donc il faudrait les sortir des chiffres de la pandémie.
Ça c’est pour le sanitaire. Mais il y a d’autres raisons à ces arbitrages.
L’obligation vaccinale, on l’a vu, crée des tensions, voire des manifestations d’opposition, violentes aux Pays-Bas, en Belgique, en Autriche.
Plus largement, la persistance des restrictions finit par démoraliser les populations.
Une enquête passionnante vient de paraitre sur le sujet en Allemagne. Les ¾ des Allemands se disent mentalement affectés par ces restrictions, et près d’un tiers comprend les mouvements de protestations.
C’est d’ailleurs ce qui rend improbable l’adoption d’une obligation vaccinale en Allemagne, même si le sujet est au menu du Bundestag depuis aujourd’hui.
Autrement dit, l’impact des restrictions de liberté sur le tissu social devient trop lourd, quand on le compare au bénéfice sanitaire stricto sensu.
Donc l’arbitrage politique s’inverse.
Les libertés publiques, crash test démocratique
Et d’ailleurs, l’Organisation Mondiale de la Santé et plusieurs médecins épidémiologistes jugent ces levées de restrictions prématurées.
On n’est pas à l’abri d’un nouveau variant plus dangereux et les personnels de santé peuvent témoigner que les systèmes de santé demeurent sous tension.
On n’est pas sorti d’affaire.
Mais répétons-le, c’est d’abord un arbitrage politique.
Et les autorités danoises l’assument très bien.
Le corps social ne peut pas rester en état de stress permanent, avec en plus un coût économique élevé (pour le secteur des transports par exemple) et un impact fort sur les services publics en raison des règles de confinement (regardons les fermetures de classes).
Et puis il y a la question en soi des libertés publiques.
On a bien vu, depuis deux ans, à quel point les régimes autoritaires n’ont pas raté l’occasion d’utiliser le prétexte de la pandémie, pour mieux contrôler et surveiller leurs populations.
Restreindre les libertés est un acte plus facile que de les rétablir une fois qu’elles sont limitées.
Et c’est précisément la grandeur, la marque de fabrique des démocraties que de restaurer les libertés dès que c’est possible.
C’est même un vrai test démocratique.
C’est précisément ce que nous disent aujourd’hui le Danemark, l’Espagne ou l’Autriche.
Source : franceinter.fr
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