"La Vie Hospitalière"

dimanche 19 mars 2023

« Sous le choc », Laura, quadruple amputée, perd en appel son combat face à l’Assurance maladie

La cour d’appel de Paris vient d’infirmer la décision de justice qui condamnait, en première instance, l’Assurance maladie à verser 700 000 euros à la jeune femme. Greffée des deux mains aux États-Unis, elle réclamait un million d’euros à la Sécurité sociale







L’annonce est tellement violente que Laura Nataf marque un silence. « Déçue… ? Le mot est faible. » Elle s’excuse : « Je suis sous le choc, j’en perds mes mots. » Amputée des quatre membres après un choc toxique en 2007, la jeune femme avait retrouvé une dignité à l’hôpital de Philadelphie. De l’autre côté de l’Atlantique, les médecins américains avaient accepté de lui offrir ce que l’Assurance maladie lui aurait refusé en France : une greffe des deux mains et des avant-bras, en 2016. Cinq ans plus tard, en première instance, Laura faisait condamner la Sécurité sociale à lui verser près de 700 000 euros, les deux tiers des frais d’intervention.


Mais, aujourd’hui, la cour d’appel de Paris en a décidé autrement et le jugement, dans un arrêt que nous avons pu consulter, vient d’être infirmé. Tout sera à ses frais. « Je trouve ça dégueulasse ! Derrière la grosse machine de l’Assurance maladie, il n’y avait pas d’humanité, la justice vient de montrer qu’elle n’en a pas non plus », nous répond la jeune femme de 35 ans, quelques minutes après avoir pris connaissance de l’arrêt.


Comment payer la facture de Philadelphie ? Va-t-elle continuer son combat judiciaire ? Deux questions, deux hésitations. « Je ne sais pas ce qu’il va se passer… Au fond de moi, je n’ai pas envie de m’arrêter là ! Mais il faut que j’en discute avec mon avocate. »

« On ne s’attendait absolument pas à cette décision brutale »

Me Valérie Sellam-Benisty, elle, a dû relire deux fois l’arrêt de la cour d’appel. « Il est écrit que ce qui est invoqué est valable mais que le juge ne peut pas se substituer à l’administration, c’est à n’y rien comprendre, lâche-t-elle. On ne s’attendait absolument pas à cette décision brutale. »


La vie de Laura a basculé à Barcelone, en 2007. La brillante étudiante de l’école hôtelière de Lausanne, en Suisse, fait un stage en Espagne lorsqu’un jour, elle est prise de violents symptômes, une fatigue assommante et des migraines au point de ne plus réussir à manger. Et bientôt, à se lever.

Rapatriée en France, Laura est plongée dans un coma artificiel à l’hôpital Cochin, victime du syndrome du choc toxique, lié aux tampons hygiéniques, une maladie infectieuse, parfois mortelle. À son réveil, Laura ne comprend pas pourquoi son plâtre s’arrête à la moitié des bras. Elle vient d’être amputée des quatre membres.


« Faute de donneurs, j’ai été radiée des listes »

En France, son long combat pour être greffée se solde, d’après elle, par un refus de l’Assurance maladie : « J’étais sur liste d’attente durant trois ans mais rien ne se passait jusqu’à cette sentence de 2016 : faute de donneurs, j’ai été radiée des listes. En réalité, je n’ai jamais eu d’explication ! »


Si des prothèses lui permettent de marcher, elle ne parvient pas à faire le deuil de ses mains, réduites à une imitation en plastique qu’il faut recharger comme un téléphone. Grâce au professeur Laurent Lantieri, la solution viendra des États-Unis.

C’est là-bas que Laura se fera opérer. L’Assurance maladie refuse de financer l’intervention à plus d’un million d’euros. Qu’importe, la patiente sans espoir en France s’envole à Philadelphie. « J’ai toujours eu envie de vivre mais je commençais à perdre ma joie et mon sourire. Je me serais éteinte peu à peu », se souvient-elle.


« Ces mains m’ont permis de retrouver mon entièreté, ma liberté »

À son réveil, après huit heures d’intervention, Laura regarde ses nouveaux doigts, ses ongles, sa peau. « Qu’ils étaient jolis ! C’était les miens, je les ai adoptés sans me poser aucune question. » Le début d’une nouvelle vie. « Ces mains m’ont permis de retrouver mon entièreté, mon indépendance, ma liberté. »

Laura n’imaginait pas avoir un enfant sans pouvoir le toucher. Elle est aujourd’hui mère de Noa, une petite fille d’un an. « La sensation du toucher est extraordinaire. Je peux soulever ma fille, lui caresser le visage, sentir le mien… Je me sens maître de moi-même. »


Contactée, l’Assurance maladie n’avait pas encore répondu ce vendredi 10 mars à nos sollicitations.

Par Elsa Mari 








Source : leparisien.fr

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