"La Vie Hospitalière"

mardi 31 janvier 2023

Médecins, hôpital, réformes, calendrier : ce qu'il faut retenir des longs vœux de François Braun aux soignants « entre espoir et fermeté »

Commentaire du Docteur Bernard Kron sur l'article passé le 30 Janvier sur le site "Le Quotidien du Médecin"






Qui peut vous croire cher collègue. 

Les soignants ne se sentent pas écoutés ni soutenus. Ils ne sont pas responsables des erreurs de la politique de santé. Ils se mobilisent à nouveau comme ce fut le cas en 2019 car ils sentent leurs métiers menacés. Ils ne peuvent plus faire face aux soins avec les contraintes qui les paralysent et la pénurie de soignants dans toutes les disciplines. Les trop faibles salaires à l’hôpital n’attirent plus. 

Les déficits chroniques de la Sécu laissent peu de marges pour de vraies réévaluations des tarifs et l’on ne voit poindre aucune réforme. Le déficit cumulé de la Sécu, soit 226 Milliards, était cantonné dans la CADES. Il a été partiellement remboursé par la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), ainsi que par la contribution sociale généralisée (CSG). 

La Covid a recreusé ce déficit en 2020 dépassant les 39 Mds. En 2021 il était encore de 21 Milliards et celui de 2022 devrait atteindre les 20 Mds. Quand aux Mutuelles pour 100 euros cotisés seulement 57 euros sont destinés à rembourser les prestations. On comprend dans ces conditions la lassitude des soignants qui ne voient poindre aucune solution. 

Le numerus clausus est inadapté. Depuis les années Mitterrand . Il était descendu à 3.500 et n’est remonté à 8.500 que trop tardivement. Le chiffre actuel de 10.000 est encore beaucoup trop bas pour faire face aux demandes de soins car les modes d’exercices ont changé. Seulement 10 % nouveaux médecins veulent s’installer en libéral. Le coût de l’exercice en libéral oblige les médecins à travailler toujours plus, ce qui détourne les jeunes de cet exercice. 

Plus de 6.000.000 de Français n’ont plus de médecin traitant. Les médecins généralistes libéraux n’ont plus le temps de soigner. Ils consacrent 20 % de leur temps à l’administration et au moins 50 % de leur activité pour payer les charges de leur cabinet. La surcharge est telle que les anciens ne veulent pas prendre de nouveaux patients et l’on meurt encore aux urgences sur un brancard faute de lits et de personnels. 

Face à une telle situation de plus en plus de soignants baissent les bras, choisissent le salariat et l’industrie ou s’expatrient. Dans les CHU les médecins consacrent en moyenne seulement 50 % de leur temps à soigner, compte tenu de la multiplication des pressions administratives et des réunions qui les paralysent. La notion d’équipes a disparue. Les personnels sont de plus en plus nombreux à démissionner, harassés par les obligations administratives. Pour un PU-PH la triple tâche, soins enseignement et recherches ne peut plus être assurée. Ils baissent les bras et les démissions se font sans bruits. Beaucoup partent vers des cieux plus cléments. Il faut donc regarder la vérité en face, on est proche de l’effondrement. Les responsabilités ! Avec les dilutions des responsabilités politiques dans cette crise organisationnelle qui dure depuis plus de 40 ans on ne voit pas quel élu serait capable de redresser la barre. 

Avec les drames dans la santé qui se multiplient le patient ne sait plus qui est responsable, le ministre, l’ ARS, l’hôpital ou le soignant ? Le citoyen, au cours de sa vie, encourt en effet le risque d’être un jour justiciable et un risque beaucoup plus avéré d’être un jour malade. S’il est mal pris en charge, il devra recourir à la justice ce que facilite la Loi de 2002 ( Kouchner). Il devrait pourtant pouvoir faire confiance aux praticiens qu’ils soient hospitaliers ou médecins de ville ce qui n’est plus possible avec les dérives actuelles. 

Cette confiance a totalement disparu et force est d’admettre qu’elle s’inscrit dans la même démarche qui a constitué à détruire l’école et en conséquence la qualité de la formation des praticiens obérée depuis la fin des concours avec le LMD et le wokisme qui ont vicié la sélection. 

Le PLFSS a été adopté avec le 49,3 : il ne pourra rien résoudre. L’ONDAM : L'objectif national des dépenses de santé augmentera de 3,7 %, si l'on exclut les dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Cela correspond à 8,6 milliards d'euros supplémentaires de dépenses courantes par rapport à 2022. Avec l’inflation on est loin du compte car elle dévore ces aumones. Ce budget ne pourra pas préserver l’Hôpital. La croissance sera de 4,1 % (soit 4 milliards d'euros) et 5,1% pour les établissements. L’ administration est pléthorique, elle représente 34% de la masse salariale contre 22% en Allemagne. La grille des salaires empêche de donner une priorité à la revalorisation des soignants, seule solution pour stopper les démissions et pouvoir recruter. Avec un salaire moyen de 2.000 euros par mois il est impossible de se loger à Paris pour les salariés de l’AP-HP. À quoi servent les logements sociaux de la ville de Paris s’il n’ y a pas de logements dédiés pour les soignants ? 

Les soins de ville : La progression n’est que de+ 2,9 %, soit 2,9 milliards d'euros supplémentaires. Le gouvernement assure que cette enveloppe permettra de financer la montée en charge des conventions des infirmiers libéraux ainsi que des pharmaciens et de financer les prochaines conventions des médecins et des kinés. Cela ne réglera rien car les négociations conventionnelles avec une telle enveloppe ne pourront pas satisfaire les demandes. On est loin du compte car pour porter la Cs de MG à 50 euros il faudrait 7 Mds. Le ROSP permet une rémunération maximale de 6.580 euros en supplément. Le forfait structure si tous les indicateurs sont remplis de 5.145 euros. De la Convention on est passé à la subvention. Cette situation est d’autant plus mal saine que cela ne récompense pas la qualité mais la discipline . L’objectif de résorber les déserts ne pourra pas être atteint avec le numerus clausus actuel, d’autant qu’en diversifiant les recrutements le profil des futurs médecins a changé. La plupart ne veulent pas travailler au-delà de 40 heures par semaine, ce qui est incompatible avec un cabinet libéral. 

C’est donc tout le système qu’il faut revoir et réfléchir à une régionalisation de la santé tant pour les études que pour l’organisation. C’est un vaste défi que le Président de la République a promis de relever face aux soignants à l’Hôpital de Corbeille-Essonnes. Il dit qu’il lui faudra 10 ans. Auquel cas cela aurait pu être commencé il y a 10 ans quand il était ministre de l’économie. 

Alors simplifiez l'administration 34% d'administratifs c'est 100.000 postes de trop, ce qui paralysent les soins.

Bernard Kron Membre de l'Académie de Chirurgie







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Présentation du livre du Docteur Bernard Kron

Blouses blanches et colère noire



Paniqués par les déficits, nos gouvernants ont essayé de légiférer pour freiner cette descente aux enfers du système de santé depuis plus de 20 ans. Le retour de Jean Castex aux affaires en est le symbole le plus prégnant. Le Premier Ministre est en effet l'un des principaux responsable de cette situation qui a transformé l'hôpital en entreprise à flux tendu, le rendant incapable d'assurer et de combattre les crises sanitaires. 








Les médecins, et plus largement les soignants n'ont plus aucun pouvoir dans le système de santé en France. Dans cet essai, l'auteur analyse ainsi ce combat depuis cinquante ans pour contrôler les médecins dans les hôpitaux publics, les cliniques prives, et les médecins libéraux. Il reprend les principales réformes qui ont mené à la catastrophe.












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