C’est en les
voyant sortir un par un en civière, un cortège infini de malades, 250 patients
en tout, quittant le vieux Royal Victoria pour l’imposant CUSM, que je me suis posé
la question : A-t-on vraiment besoin de mégahôpitaux ? Quels sont les
arguments, encore, justifiant l’abandon de six établissements de santé à
Montréal ? Exigeant des coûts de déménagement faramineux (10 millions seulement
pour le Royal Vic) et ouvrant la porte à la privatisation des soins de santé ?
Les PPP (partenariats public-privé) sont après tout la clé de voûte de ces
mégaprojets.
Les mégahôpitaux (comme les mégadonnées,
mégaspectacles, méga-aubaines…) sont à l’honneur pour des raisons, dit-on, d’économie
et d’accessibilité. En concentrant chercheurs et praticiens dans un même lieu,
le CHUM et son pendant anglophone, le CUSM, promettent « une gamme de services
spécialisés à la fine pointe de la technologie ». Il n’y a rien qu’un patient
pourrait nécessiter que le mégahôpital ne saurait lui offrir. Toutes les
spécialités médicales, toutes les machines imaginables, et jusqu’aux concerts
de musique et expositions d’art, selon les voeux d’un ex-directeur du CHUM,
seront sur place. C’est l’idée du centre d’achat de super luxe, en fait,
transposée parmi les cathéters et les transfusions de sang, dans le secteur
névralgique de la santé.
Il n’y a pas de meilleur symbole de
l’actuelle réforme de la santé que ces châteaux forts rutilants, offrant une
concentration maximale d’effectifs. Mais est-ce vraiment ce dont on a besoin ?
Rappelons que la réputation du CUSM et du CHUM a été ternie avant même qu’ils
soient en activité, une indication des problèmes intrinsèques à ce type de
mégalomanie. L’ex-directeur du CUSM, Arthur Porter, aujourd’hui accusé de
fraude, n’aurait en fait jamais dû être engagé. De la Sierra Leone en passant
par Detroit, les Bahamas et Ottawa, Porter était mêlé à plusieurs controverses
au moment de l’embauche. Mais dans l’esprit de la « gouvernance
entrepreneuriale », le fer de lance du néolibéralisme au pouvoir, on n’y a vu
que du feu : l’expérience internationale du Dr Porter en gestion hospitalière.
On a beau répéter que « le bien-être des patients » est ici la considération
première, c’est par souci du « principe universel de la concurrence », par
envie de se mettre sur la carte des superhôpitaux de la planète, qu’on est
prêts à tout chambarder.
Selon l’Institut de recherches et
d’informations socio-économiques (IRIS), la notion d’entrepreneurship était
absente des documents du ministère de la Santé ainsi que de la Régie de
l’assurance-maladie au début des années 2000. Mais dix ans plus tard, le
rapport annuel du ministère y fait référence 17 fois et la RAMQ 51fois. « Tout
indique que la nouvelle manière de réfléchir l’action gouvernementale a
largement emprunté à la logique managériale régnant dans les grands groupes
multinationaux », conclut l’étude.
Les réformes successives du système de
santé au Québec sont un exemple de cette tendance toujours plus affichée à «
privilégier des solutions basées sur le marché ». Mais c’est une chose de
fournir de beaux organigrammes en couleur, de montrer comment les trois petites
colonnes grises, représentant trois hôpitaux montréalais, vont devenir ce jeu
de Lego colossal, c’en est une autre, comme le démontre bien l’actuelle crise
au CHUM, de faire en sorte que la « synergie » existe pour vrai. Si le
directeur Jacques Turgeon se montre assez difficile à suivre — il démissionne
pour cause « d’ingérence », change d’avis, souhaite l’ingérence du ministre la
semaine d’après —, c’est que la gestion de missions cliniques et académiques,
sans parler des gros ego en jeu, s’avère un panier de crabes invraisemblable.
Un rapport ministériel commandé en mars
dernier le dit d’ailleurs en toutes lettres : « absence de vision commune du
nouveau CHUM », « reconnaissance du leadership de l’UdeM mitigée », « gouverne
du département de chirurgie dysfonctionnelle… ». Le ministre de la Santé,
Gaétan Barrette, a beau nous dire qu’il s’agit d’un rite de passage, que tout
va rentrer dans l’ordre, il va falloir le voir pour le croire. Après la
corruption, la chicane et la confusion, il y a également les coûts exorbitants
des mégahôpitaux. L’équivalent de « payer une maison avec une carte de crédit
plutôt qu’avec une hypothèque », les paiements mensuels à long terme des PPP
doublent, selon une autre étude de l’IRIS, les coûts d’une telle opération.
D’autres études démontrent que de « tels regroupements hospitaliers accroissent
en général les coûts administratifs et n’apportent que peu ou pas de bénéfices
cliniques ».
Et si, comme par magie, tous ces
problèmes se résorbaient, rien ne saurait effacer l’essence même de
l’entreprise : la marchandisation croissante de la santé.
Francine
Pelletier (Le Devoir ©)
Un bel article
de cette québéquoise, de ces personnes plus respectables de la langue française
que les « franco-anglophones de France » qui deviennent de plus en plus ridicules en utilisant des mots
anglais dans la langue courante, à un point que l’on a du mal quelquefois à
comprendre les raisons d’une telle altération de notre langue, mais comme ceci ne suffisait pas on est
aujourd’hui matraqué dans les magasins de « sons musicaux » tous
venant d’outre atlantique, tous aussi mauvais musicalement parlant et surtout abrutissant c’est une sorte
de harcèlement par le son, bref il apparaît aujourd’hui important de souligner
les attaques insidieuses menées contre notre langue, notre culture, notre
patrimoine, nos services publics (la liste est loin d’être limitative) et là en
lisant l’article de Francine Pelletier on voit aussi que les hôpitaux souffrent
au Canada, que les méthodes sont les mêmes et que le « Partenariat Public
Privé » (PPP) est étrangement identique à celui qui a fait des ravages
(profitant en fait aux seuls intérêts privés) dans des hôpitaux comme le CHSF
d’Evry (en Essonne), nous avions dénoncé en octobre 2012 l’incidence du "PPP" exemplaire pour cet établissement financé par une filiale de
la société EIFFAGE et qui permettait ainsi le versement de loyers énormes à
cette société !
Le service public esclave des entreprises privées ou ceux
qui travaillent s’épuisent et ceux qui récoltent les fruits de ce travail sont
des actionnaires qui restent les culs assis et profitent de toutes les
situations, même les plus perverses mettant à mal l’avenir même des services
publics, c'est une forme d'exploitation dans une société moderne qui apparaît rétrograde tant elle remet en cause les fondements mêmes de notre société basée principalement sur la solidarité et l'intérêt général et non celui plus ou moins inqualifiables d'intérêrets privés.
Ce n’est pas
ainsi que l’on relève l’économie d’un pays, ce n’est pas ainsi que le service
public hospitalier peut s’épanouir il est incontestablement souillé par des
orientations financières de plus en plus grossières et injustifiées bien
évidemment!
Une horreur que
ces orientations qui ne respectent absolument pas les patients (qui ne sont que
plus que des moyens pour se faire de l’argent), qui ne respectent pas non plus
les personnels qui se voient les premières victimes des restrictions budgétaires avec des baisses
d’effectifs et toutes leurs conséquences.
Mais il y a un
temps pour toute chose et nous y reviendrons bien évidemment…pour ne pas conclure…
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