C'est le 20 mai 1983 que la revue Science publie pour la première fois une description du virus responsable du sida (VIH). Plus de trente ans après son identification, il n'existe toujours aucun vaccin contre cette terrifiante infection responsable de 28 millions de morts à l'échelle de toute la planète
« Aujourd’hui, le sida est encore une maladie qu'on cache, parce qu'elle stigmatise votre mode de vie », raconte ce malade.
Tout commence en 1982 en France. C’est le médecin Willy Rozenbaum, aujourd’hui professeur de maladies infectieuses exerçant à l’hôpital Saint-Louis, qui contacte les chercheurs de l’Institut Pasteur, le Pr Luc Montagnier, à l’époque chef de l’unité d’oncologie virale, ainsi que son directeur de laboratoire, Jean-Claude Chermann et son assistante, Françoise Barré-Sinoussi.
Le travail conjoint de ces chercheurs français aboutit le 4 février 1983 à 17 h 45 sur une paillasse (un plan de travail dont le revêtement est facilement nettoyable) de l’Institut Pasteur. « Cette découverte est clairement celle d’une équipe dont je faisais partie, constituée des gens de l’Institut Pasteur mais aussi de médecins, d’épidémiologistes, d’immunologistes faisant partie du groupe français d’étude sur le sida que j’avais contribué à créer quelques mois auparavant, se souvient le Pr Willy Rozenbaum. C’est la confrontation des idées, des éclairages de chacun qui a permis d’aboutir sans doute à cette découverte, qui s’est faite certes dans les locaux de Pasteur, mais qui a été le fruit de visions et d’hypothèses émises au sein du groupe. »
En 2008, deux chercheurs sont récompensés par le Nobel de Médecine : Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi. Trente années de combat, de recherche, de doutes pour ces scientifiques qui ont vécu toutes les étapes de cette épidémie hors du commun, du jour où Willy Rozenbaum vient à la rencontre de l’équipe de l'Institut Pasteur. « Moi je ne savais pas ce qu’était cette maladie du sida avant qu’il en parle en décembre 82… raconte Françoise Barré-Sinoussi. Quels étaient les symptômes, comment elle évoluait ».
« Pour moi, continue Mme Barré-Sinoussi, c’était intéressant, ce premier contact et en fonction de ce qu’il pouvait nous dire, de réfléchir à la meilleure façon de trouver l’agent responsable. Et c’est vrai, écouter Rozembaun, pour nous chercheurs, que ce soit Montagnier, Chermann… quand il nous disait "mes patients ont des ganglions généralisés", la première chose qu’on se dit c’est que c’est une réaction immunitaire contre l’agent infectieux donc il doit bien être là quelque part dans le ganglion ».
« On va donc, poursuit encore l'assistante de Jean-Claude Chermann, le chercher dans la culture, tous les deux ou trois jours maximum, afin de tenter de détecter l’enzyme assez spécifique de cette famille de virus que sont les rétrovirus. C’est vrai qu’auparavant, nous avions travaillé avec Jean-Claude sur un rétrovirus de souris qui avait tendance aussi à faire mourir les cellules… et là, nous sous sommes regardés en se disant : hou là… c’est le virus qui fait mourir les cellules ! Et la naïveté du départ nous a fait dire : eh bien voila, le virus se multiplie et dès qu’il se multiplie, les T4 meurent. On a tout compris de la maladie. Nous étions bien loin de la réalité ».
L'expérience acquise grâce à la mobilisation, aux progrès de la connaissance scientifique et au développement de traitements plus efficaces, a radicalement changé les capacités de réponse face à l'épidémie.
« Il faut être persuadé, qu’au stade des découvertes d’aujourd’hui, ce que l’on a en termes de découvertes scientifiques devrait nous permettre d’avoir un impact extrêmement important sur l’épidémie, la voir diminuer même, si on arrive à dépister et à traiter tous les gens qui en ont besoin, nous rappelle le Pr Willy Rozenbaum. Le traitement permet de diminuer le risque de transmission. Ce simple fait permettrait d’avoir un contrôle sur l’épidémie. Donc il n’y a pas besoin de découverte scientifique supplémentaire pour en bénéficier collectivement. On a déjà les moyens d’intervenir et ces moyens dépendent de l’investissement politique, de l’investissement social, de la lutte contre la discrimination qui ne sont pas des éléments scientifiques, mais des éléments sociétaux ».
Trente ans de recherche pour des applications en santé publique offrent donc aujourd’hui les moyens de soigner efficacement les personnes atteintes. L'espérance de vie d'une personne dont l'infection est diagnostiquée tôt, et qui bénéficie d'un accès précoce à une prise en charge médicale optimale rejoint aujourd'hui l'espérance de vie de la population générale non infectée.
Cependant, l'impact psychologique de cette maladie reste considérable. « Aujourd’hui, le sida, nous confie cette personne contaminée, est encore une maladie qu'on cache, parce qu'elle stigmatise votre mode de vie, même si vous êtes chef d'entreprise, marié avec des enfants et que vous n'avez jamais touché a la drogue... La route vers la guérison est bien plus courte que celle pour faire évoluer les mentalités des gens ».
Un symposium international de trois jours autour du sida s'est ouvert le 21 mai 2013 à l’Institut Pasteur.
Article de Michèle Diaz -Source : savoirs.rfi.fr
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