L'utilisation du système d’information pour le suivi des victimes (SI-VIC) n'a pas été détournée lors des manifestations des « gilets jaunes », rapportent l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) et l'agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France dans leur rapport rendu public le 27 juin et dévoilé par l'APM.
Depuis le 25 avril, les enquêteurs de l'ARS et du CHU francilien ont conduit une série d'entretiens avec le personnel de l'AP-HP et ont analysé les fichiers SI-VIC, logiciel qui permet de faciliter le décompte et l'identification des victimes lors d'évènements ciblés (attentats, sinistres climatiques, situations sanitaires exceptionnelles), dont l'utilisation pendant les manifestations des « gilets jaunes » a suscité critiques et interrogations.
La mission constate d'une part que l'utilisation de l'outil est « très limitée » en Ile-de-France, d'autre part que son usage est resté dans les clous pendant les différents actes du mouvement national de contestation à la politique du gouvernement. Sept évènements liés à des « violences urbaines » ont été recensés entre le 1er décembre 2018 et le 19 avril 2018, dates correspondant à des jours de manifestation. Dans cinq d'entre eux, on dénombre plus de 20 victimes. La mission confirme l'usage « licite » de SI-VIC dans ces conditions particulières. « Ses finalités sont bien celles déclarées, autorisées et prévues par le législateur, et n’ont pas été dévoyées lors des utilisations faites en Île-de-France depuis 2017 », peut-on lire.
Pas de transmission de données personnelles
Tout risque de profilage organisé a également été écarté, « y compris pour les évènements crées dans SI-VIC à l’occasion des manifestations du mouvement dit "des gilets jaunes" ». Les auteurs confirment qu'aucun fichier SI-VIC n'a été transféré vers le fichier Système d'information numérique standardisé (SINUS), dispositif déclenché par le préfet de police et utilisé par la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et, en grande couronne, les services d’incendie et de secours (SDIS) pour dénombrer et identifier des victimes sur le terrain. « En l’absence d’activation de l’appairage avec l’outil SINUS, un profilage par transmission hors périmètre santé était matériellement impossible » pendant les manifestations, assurent les auteurs.
La cellule interministérielle d'aide aux victimes (CIAV) et la cellule d'information du public (CIP) n'ont pas été déclenchées non plus lors des sept évènements liés aux « gilets jaunes ». « Il n'y a pas pu avoir, hors violation des données et des règles professionnelles, de transmission de données personnelles enregistrées dans SI-VIC à d’autres ministères que celui de la Santé, ce qui élimine tout risque de "profilage" (au sens RGPD) ». Les auteurs ajoutent que la version SI-VIC (V1C) utilisée par l'AP-HP est exclusivement réservée au champ de la santé dans sa conception, son pilotage et son utilisation.
La mission souligne également que le fichier SI-VIC n'a pas vocation à contenir des données de santé liées au diagnostic et au traitement. Néanmoins, plusieurs données médicales sont mentionnées « au regard des finalités du traitement » en lien avec le règlement général de la protection des données (RGPD) : le statut de la personne (hospitalisation ou décès) ; le type de prise en charge (exemple : hospitalisation réanimatoire) ; identification de l'établissement de santé ; le cas échéant le service où est assurée la prise en charge. Concernant le consentement, les auteurs du rapport rappellent qu'il n'est pas obligatoire compte tenu du cadre juridique.
Le risque d'atteinte au secret professionnel ou médical est aussi maîtrisé selon les auteurs du rapport. « Bien que SI-VIC contienne des "données de santé", le cadre juridique autorisant son utilisation prévient le risque d’atteinte au secret professionnel ou médical, la version (V1C) de SI-VIC déployée en juin 2018 étant d’après la DGS [direction générale de la santé, ministère, NDLR] couverte par l’autorisation de la CNIL », lit-on.
Clarifier les règles
Toutefois, la mission formule quelques recommandations envers la DGS pour améliorer le dispositif. Elle suggère de clarifier les règles pour déclencher un évènement SI-VIC en précisant la notion de « situation sanitaire exceptionnelle », de « nombreuses victimes », et d'« usage prudentiel ». Elle préconise également que des procédures « de décision claires et transparentes » soient formalisées et transmises aux ARS pour l’appairage SI-VIC-SINUS et l’activation du transfert de données nominatives de SI-VIC vers SINUS.
L'affaire du fichage des « gilets jaunes » à Paris a connu plusieurs rebondissements cet hiver et ce printemps et une forte mobilisation de la communauté médicale, inquiète de voir le secret médical brisé pour des raisons politiques ou de sécurité. Mi-avril, plusieurs praticiens se sont indignés sur les réseaux sociaux d'un possible fichage nominatif de manifestants venant se faire soigner à l'AP-HP, obligeant l'Ordre des médecins à demander des comptes au Ministère de la santé. Le Dr Gérald Kierzek, urgentiste à l'Hôtel-Dieu et chroniqueur santé, a été le premier à jeter le pavé dans la mare en indiquant avoir reçu la consigne de devoir appeler l’administrateur de garde si des patients « gilets jaunes » venaient aux urgences.
Article de Sophie Martos
Source : lequotidiendumedecin.fr
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