"La Vie Hospitalière"

jeudi 6 octobre 2016

Que va-t-il advenir de la maternité des Bluets à Paris ?


Cet emblème obstétrical vient en effet de se voir signifier une non-certification. Faute de stratégie globale, seules des initiatives informelles et ponctuelles subsistent, pointe la HAS. 
La direction promet de ne pas relâcher l'effort mais l'ARS la somme d'aller plus loin et vite.
C'est un coup de massue qui est tombé cette fin septembre sur l'hôpital Pierre-Rouquès/Les Bluets, établissement obstétrical privé non lucratif emblématique de l'Est-Parisien (12e arrondissement) secoué depuis de longs mois par une crise interne majeure (lire ci-contre). En effet, la Haute Autorité de santé (HAS) a décidé, fait rare, la non-certification de la maternité. Mis en ligne ce 26 septembre, son rapport est extrêmement sévère, pointant par exemple l'absence de stratégie qualité et sécurité des soins validée avec un document stratégique qui "n'intègre pas la gestion de crise ni les obligations légales et règlementaires". De même, il n'existe pas d'organisation permettant le pilotage de cette démarche qualité-gestion des risques ni de coordonnateur des risques associés aux soins. L'évaluation des pratiques professionnelles s'effectue de manière "empirique" et "sans visibilité réelle des démarches menées". Enfin, l'analyse et le traitement des événements indésirables ne reposent pas sur une méthodologie adaptée, sans compter que l'organisation de la gestion des alertes sanitaires n'est également pas totalement arrêtée. Outre ce volet management de la qualité et des risques, le risque infectieux laisse également à désirer pour la HAS : "La stratégie institutionnelle de maîtrise du risque infectieux n'est ni définie ni formalisée en l'absence de projet d'établissement et de projet médical. On ne retrouve pas d'objectifs en matière de bon usage des antibiotiques, de prévention de la transmission croisée". Par conséquent, seules des initiatives informelles et ponctuelles subsistent.
Aucune cotation pour le degré d'urgence
Les critiques soulevées par la HAS touchent en outre au dossier patient, là aussi dépourvu de la moindre stratégie d'ensemble. Par conséquent, "l'organisation de la tenue et de l'archivage du dossier n'est que partiellement structurée, constate la haute autorité, les règles de tenue du dossier ne sont pas formalisées". S'ajoute à cela l'absence de stratégie en matière de management de la prise en charge médicamenteuse, si bien que l'informatisation n'est entre autres pas engagée. Et puis, ajoute la HAS, les ressources ne permettent pas de sécuriser la prise en charge médicamenteuse : "Un pharmacien est présent vingt heures par semaine ; avant de s'absenter, il s'assure de son remplacement. Toutefois, il signale que ce temps ne lui permet pas de prodiguer ni de suivre des formations". S'agissant des urgences, la maternité n'a, elle aussi, pas organisé de dispositif d'évaluation et de suivi des temps d'attente et de passage selon le degré d'urgence. "Le degré d'urgence n'est pas objectivé par une cotation, cite en exemple la haute autorité, sauf pour ce qui concerne les codes couleurs des césariennes". L'activité chirurgicale pèche également par manque de stratégie, si ce n'est la mention d'une "augmentation raisonnée" inscrite au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens scellé avec l'ARS Île-de-France. Et s'agissant des naissances, "les orientations stratégiques ne sont pas formalisées ni validées ni organisées avec les parties prenantes". Conséquence : la prise en charge selon une "médicalisation raisonnée" n'est pas formalisée alors qu'elle devrait être la base du projet médical.
Une décision sévère qui a surpris
Aux Bluets, la direction a assuré ce 28 septembre par communiqué partager "l'émoi" du personnel et des familles à l'annonce de cette non-certification. Depuis plusieurs mois, ajoute-t-elle, "sa priorité est consacrée à la formalisation des procédures mises en cause et leur appropriation par les personnels concernés". Raison pour laquelle d'ailleurs "elle entend ne pas relâcher cet effort, afin de se mettre en conformité dans les délais les plus brefs avec les attentes formulées par la Haute Autorité de santé". La maternité a enregistré en 2015 quelque 6.500 demandes d'inscription et accompagné 3.136 femmes dans leur accouchement. À cette activité obstétricale se greffent 2.500 consultations au titre de l'assistance médicale à la procréation et plus d'un millier d'interruptions volontaires de grossesse. 
Quant au collectif Touche pas aux Bluets, s'il reste extrêmement remonté contre les agissements de l'association Ambroise-Croizat, l'organisme gestionnaire des Bluets qui est une émanation de la CGT de la métallurgie d'Île-de-France, pas question pour autant de "sabrer le champagne" à la lecture des conclusions de la HAS. Comme l'explique à Hospimedia son président, Pierre-Jerôme Adjedj, la sévérité de cette décision l'a même surpris, quand bien même il s'attendait certes à une mauvaise note vue la crise actuelle et les années passées d'instabilité. Une chose est sûre, cependant : cette non-certification est, selon lui, un cruel "désavœu" pour l'actuelle direction. Quant à une éventuelle piste de sortie ? À l'entendre, elle semble désormais devoir passer par une décision de mise sous administration provisoire par l'ARS.

L'ARS Île-de-France exige un plan d'actions immédiat
Du côté de l'ARS Île-de-France, il est encore trop tôt pour officialiser son choix, l'agence préférant attendre les conclusions de la mission diligentée cet été auprès de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), qui poursuit encore ses travaux à l'heure qu'il est. En effet, la décision de la HAS, si elle n'entraîne pas automatiquement le retrait ou la suspension d'autorisation d'activités, doit pour autant "interpeller l'association gestionnaire de la maternité sur la gouvernance et l'organisation actuelle de l'ensemble des équipes de l'établissement", a fait savoir l'agence à Hospimedia. Et d'exiger par conséquent que l'établissement obstétrical prenne "des mesures immédiates et engage un plan d'actions pour répondre aux insuffisances relevées" par la haute autorité. Pour l'ARS francilienne, ce plan doit notamment passer par "une évolution significative de l'organisation de l'établissement et de la coordination médicale"

Source HOSPIMEDIA
(L’information des décideurs du sanitaire et du médico-social)

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