"La Vie Hospitalière"

vendredi 26 février 2016

DU FRONT POPULAIRE À LA LOI EL KHOMRI


Le 3 mai prochain, nous fêterons les 80 ans du Front populaire. Une date qui marque la victoire de la gauche unie sur les ancêtres du Front national, alors que, deux ans plus tôt, les émeutes de février 1934 manquaient d’emporter la République. Mais le Front populaire, c’est aussi une victoire sur une politique de baisse du coût du travail et de diminution des dépenses publiques qui avait empêché l’économie française de se redresser et le chômage de reculer après la crise de 1929. Des réformes faites durant cette période, l’histoire a surtout retenu les mesures de réduction du temps de travail : la semaine de 40 heures et les premiers congés payés.
Ironie du calendrier, c’est précisément ce moment que choisissent les socialistes, revenus au pouvoir après la crise de 2008, la plus grave depuis 1929, pour relancer le procès des 35 heures. Une réforme pourtant mise en place quinze ans plus tôt par leurs propres camarades de parti avec un effet très positif sur l’emploi et le chômage. Ainsi, pour Emmanuel Macron, le ministre de l’Economie, il y aurait désormais urgence à permettre aux salariés français de « travailler plus sans gagner plus », comme il l’a déclaré le 22 janvier dernier à Davos. Et ce qu’on apprend jour après jour du futur projet de loi préparé par Myriam El Khomri, la ministre du Travail, confirme la volonté du gouvernement d’aller vite et loin dans cette direction.
Qui peut croire qu’allonger le temps de travail va réduire le chômage ? 
Certes, les temps ont profondément changé depuis 1936 : la pression de la compétition internationale est devenue nettement plus forte et, avec l’euro, une politique de relance ne pourrait désormais avoir de sens qu’à l’échelle du continent. Mais qui peut croire sérieusement qu’avec 6,5 millions d’inscrits à Pôle emploi, allonger le temps de travail de ceux qui en ont déjà un pourrait faire reculer le chômage ? 
Avec la crise écologique qui s’aggrave et les perspectives de croissance limitées dans nos contrées, nous devrions au contraire chercher à rouvrir le chantier du partage du travail.
Au-delà de la seule question du chômage, cela fait cent cinquante ans que la gauche et ce qu’on appelait naguère le mouvement ouvrier se battent avec constance pour que nous cessions de « perdre notre vie à la gagner ». Faudrait-il aujourd’hui faire une croix sur ce combat et considérer que le progrès social est définitivement terminé ? Si la gauche n’est plus capable désormais d’afficher d’autres ambitions que le « travailler plus pour gagner moins », il ne faut pas s’étonner que les électeurs cherchent des solutions ailleurs.
Guillaume DUVAL
Rédacteur en chef d'Alternatives Economiques

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