"La Vie Hospitalière"

samedi 22 mars 2014

9.300 euros pour être le premier sur la liste d’attente d'un hôpital espagnol


Qui dit mieux?
9.300 euros... C’est la somme versée par une sexagénaire à un hôpital catalan pour éviter la longue liste d’attente qui retardait son opération. L’illustration d’un système de santé espagnol à double vitesse qui se généralise.

C’est une histoire assez ahurissante que relate aujourd’hui la presse espagnole. Celle d’une femme, Isabel Navarro, qui s’est acquittée d’une facture de 9300 euros pour passer outre le long délai d’attente qui l’éloignait de son opération à la hanche. Une intervention pourtant réalisée dans un hôpital public.

Vous êtes pressés? Payez!

Son cas n’est semble-t-il pas isolé. 

En Catalogne, sur les quelques 60 hôpitaux financés presque intégralement par la Generalitat (des fonds publics, donc), plus de 50 ont opté pour la mise en place d’un double parcours, privé-public, au sein de leur établissement. Objectif: renflouer leurs caisses vidées par les coupes budgétaires publiques.

C’est le cas de l’hôpital du Vendrell, dans la province de Tarragone. Pour certaines opérations, telles que l’implantation d’une prothèse de hanche, l’attente dépasse largement le délai maximum officiel de 6 mois. Mais il y a une solution: passer, moyennant finance, par le parcours « privé ».

Mêmes équipes -médecins, infirmiers-, mêmes locaux, seuls les tarifs diffèrent. Isabel Navarro a ainsi déboursé plus de 9000 euros (dont 3000 euros d’honoraires et 2800 euros pour la prothèse) pour mettre fin, sans plus de délai, à des souffrances qui devenaient insupportables.
« Je n’en pouvais plus »

    Je n’en pouvais plus, parfois, je n’étais pas capable de sortir de mon lit, alors que j’ai toujours été très active: j’aime marcher, faire du vélo…. »,

raconte la sexagénaire au quotidien El País. Dans le même temps, les délais donnés par l’hôpital public s’allongent: « Au début ils nous ont dit que la liste d’attente était d’un an, puis, de 14 mois. Chaque fois la date de l’opération s’éloignait davantage… » rapporte sa fille. C’est elle qui a contacté l’établissement de santé, pour voir s’il était possible, comme elle l’avait entendu dire, de passer outre ces délais en payant.

    Ils nous ont donné un budget, nous avons réuni les économies de mes frères et sœurs et de ma mère, et en un mois, elle a été opérée ».

L’intervention -un succès- a finalement eu lieu fin décembre. Soit cinq mois après l’inscription d’Isabel Navarro sur la liste d’attente « publique », mais bien avant la date prévue si elle était restée dans le circuit public.
« J’ai payé toute ma vie »

    J’ai payé toute ma vie pour la sécurité sociale, et quand j’ai eu un problème, on n’a pas pu me prendre en charge correctement »,

regrette, amère, Isabel, dans les colonnes du quotidien espagnol. « J’ai eu de la chance, mais je pense à toutes les personnes qui ne peuvent pas payer et qui souffrent ».

Pour sa défense, la direction de l’hôpital affirme que l’intervention s’est faite via un circuit différent, autonome, et qu’aucune intervention publique n’a été retardée pour opérer Mme Navarro. Elle a également mis en doute le témoignage de la famille, en avançant que le temps d’attente moyen pour une opération de ce type était de 7,3 mois en 2013.
Privé-public, mélange des genres

La pratique est-elle légale? Oui et non, selon le département de santé de la Generalitat. Un hôpital financé par des fonds publics a le droit de réaliser une activité de type privée. Pour autant, il est illégal qu’un patient qui entre dans l’établissement par le parcours de soin public, soit finalement opéré dans le même centre, via le parcours privé…Si Isabel Navarro dépose une réclamation, la Generalitat catalane a déclaré qu’elle étudierait les éventuelles irrégularités.

    Les listes d’attente sont un instrument pour pousser les patients à aller vers le secteur privé »,

dénonce Angels Castells, porte-parole d’une plateforme de défense de la santé publique. Pour Carme Borrell, docteur en Santé Publique et membre d’un centre d’investigation en épidémiologie et de santé publique, « les médecins qui exercent dans le secteur public peuvent être en situation de conflits d’intérêts s’ils facturent aussi dans le privé (…) Les établissements publics ne devraient pas réaliser de soins privés », conclut-elle.

Source :   MyPressEurop  

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